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Le retour de Mohammed Dahlan

Lorenzo Nannetti
9 octobre 2015
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Alors que la question israélo-palestinienne est de retour dans les médias en raison des affrontements et des attaques de ces dernières semaines, l'attention se porte aussi sur un autre défi qui, apparemment marginal, pourrait bien au contraire déterminer l'avenir de l'Autorité nationale palestinienne (ANP): son contrôle même.


Alors que la question israélo-palestinienne est de retour dans les médias en raison des affrontements et des attaques de ces dernières semaines, l’attention se porte aussi sur un autre défi qui, apparemment marginal, pourrait bien au contraire déterminer l’avenir de l’Autorité nationale palestinienne (ANP): son contrôle même.

Au cours des dernières années, nous avons toujours associé l’Autorité nationale à son dirigeant: le président Mahmoud Abbas (comme aussi sous le nom d’Abou Mazen). Les doutes concernant sa capacité à conserver le pouvoir s’étaient toujours concentrés autour du Hamas. Si de nouvelles élections ont lieu et que le Hamas y participe, Abou Mazen sera-t-il reconduit, devra-t-il pour gagner dialoguer avec le mouvement islamiste qui contrôle la bande de Gaza ? Le fait que les élections soient continuellement reportées semblait supporter l’idée que la plus grande crainte pour le leader de l’Autorité Palestinienne soit précisément celle là.

Mais un autre fait a été passé sous silence : l’émergence d’un autre concurrent qui, depuis des années, n’a presque jamais fait parlé de lui : Mohammed Dahlan. Qui se rappelle les événements de 2006, se souviendra que Dahlan était le chef de la sécurité du Fatah à Gaza. En sa qualité de principal adversaire du Hamas dans la bande, il avait été défait en 2007 lorsque les islamistes reprirent, armes à la main, le plein contrôle de la bande de Gaza. Par la suite, exilé des Territoires palestiniens, il avait trouvé refuge à l’étranger mais a récemment affirmé avoir l’intention de rentrer dans la course à la présidence de l’Autorité palestinienne contre Abbas.

Mais pourquoi l’histoire de Dahlan devrait-elle nous intéresser ? Car au-delà du défi politique, certains détails aident à comprendre ce qui pourrait bientôt se produire.

L’opinion publique palestinienne est très déçue par son leader politique actuel. Compte tenu de l’impasse dans laquelle se trouvent les négociations et la politique de soutien aux colonies du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, Abbas est jugé incapable de changer la situation malgré la reconnaissance internationale qu’il a partiellement obtenue (drapeau palestinien élevé devant le bâtiment de l’ONU) mais qui semble, de fait, peser peu par rapport à la situation sur le terrain où les espoirs continuent d’être frustrés. En d’autres termes, l’administration palestinienne actuelle est considérée comme étant incapable de persuader ou contraindre Israël à changer de politique. Cette situation, outre le fait d’ouvrir la porte à une recrudescence des affrontements (tels que ceux des derniers jours), où la violence est considérée comme seul exutoire, permet l’entrée de nouveaux personnages comme Dahlan.

Et Dahlan a une réputation de « dur ». C’est lui qui a mené la lutte du Fatah contre le Hamas à Gaza et tout le monde sait combien ce dernier déteste le mouvement islamiste. À 54 ans, il se présente en leader énergique capable de changer les choses. Mais il a également été exilé de Cisjordanie pour des accusations de corruption lorsqu’il a notamment commencé à s’opposer politiquement à Abbas.

Pour d’autres, cela aurait pu sonner la fin d’une carrière politique, mais pour Dahlan, au contraire, cela a été un nouveau départ: réfugié aux Emirats Arabes Unis, il est devenu conseiller du souverain local. En tant qu’envoyé des Emirati, au cours de ces dernières années, il a parcouru l’Europe et le Moyen-Orient; en tant que diplomate il a contribué, entre autres choses, à la médiation des accords diplomatiques entre l’Egypte et l’Ethiopie sur le projet Renaissance Dam, le barrage qui fera varier le débit du Nil. Mais Dahlan est aussi une personne controversée: au Moyen-Orient et en Europe, il est toujours accompagné par deux gardes du corps gigantesques; il exhorte à l’utilisation des armes et soutient la lutte contre le terrorisme; il est plus considéré comme étant un instrument au service des Emirats, qu’un politicien indépendant.

C’est là précisément que le bât blesse : les Emirats ont donné refuge à Dahlan alors qu’il était dans le besoin, ils l’ont envoyé partout dans le monde, ils le protègent et lui ont permis de prendre la nationalité serbe – en échange d’investissements commerciaux dans les Balkans – afin de ne pas demeurer apatride mais avoir un « pays ami » qui puisse lui servir de « base ». Comme les Emirats encore, Dahlan méprise les Frères Musulmans et le Hamas et il a été vu à plusieurs reprises entre Rome et Bruxelles demandant de l’aide afin de les combattre en Afrique du Nord. Bientôt, il défiera Abbas, contre lequel il a déjà remporté une victoire: un tribunal palestinien a confirmé son immunité parlementaire, qui le protège de toute accusation de corruption. Un coup dur pour l’actuel chef de l’Autorité Palestinienne, qui nous amène à trois constats.

Le premier : grâce aux Emirats, Dahlan possède un fort soutien tant économique que politique qui pourraient réellement l’emporter, surtout s’il parvient à convaincre une opinion publique qui, comme mentionné, est lassée de l’ancien leader.

Deuxièmement, force est de constater que si Dahlan devenait président de l’ANP, il aurait grande peine à travailler en faveur de l’unité politique palestinienne. En effet, il serait l’adversaire le plus féroce du Hamas (et cela suggère que, parmi ses « sponsors » potentiels pourrait se trouver Israël même).

Troisième point: celui de la réelle indépendance de Dahlan étant donné l’énorme dette qu’il a envers les Emirats. On peut supposer qu’il continuerait à faire valoir leurs intérêts.

Tout cela nous amène à un dernier point : Dahlan pourrait réellement changer l’équilibre du monde palestinien, mais pourrait-il apporter avec lui un avenir meilleur? A l’heure actuelle cela ne semble guère probable: en face d’une recrudescence de la haine mutuelle entre Israéliens et Palestiniens, la réponse de la classe politique palestinienne n’est qu’une lutte interne pour le pouvoir, de plus en plus influencée par des acteurs externes. Pendant ce temps, le conflit, livré à lui même, continue sa descente aux enfers.

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