Le Friends Of Zion Heritage Center (Musée des Amis de Sion) a ouvert ses portes à Jérusalem cette année. Grâce à des supports multimédia à la pointe de la technologie, il réussit brillamment à donner vie à l’histoire d’un sujet controversé : le sionisme chrétien.
(Jérusalem/td) – Un nouveau musée a ouvert ses portes à Jérusalem cette année: le Friends Of Zion Heritage Center (Musée des Amis de Sion). Dès la première salle, le visiteur en prend plein les yeux. Debout devant un écran panoramique de dix mètres de large, il survole les paysages d’Israël et de Palestine. À ses pieds, son parcours à travers les territoires des douze tribus d’Israël est tracé à l’encre d’or sur une immense carte en relief. Le visiteur, tel un géant debout sur la Méditerranée, face au Levant, surplombe la terre dite “Promise”. Déjà, elle offre aux regards la splendeur de ses sublimes falaises et de ses vertes collines parsemées d’oliviers millénaires. En guise de mot d’accueil, l’ancien Président d’Israël Shimon Peres et le fondateur du musée Michael Evans, journaliste, en disent un peu plus : on parlera dans ce musée du “miracle d’Israël”, renaissance qui fut permise notamment grâce à la contribution de chrétiens sionistes.
Cependant, dans la salle suivante, on remonte le temps. Différents récits se succèdent : l’histoire Abraham, celle d’Ézéchiel, puis la dispersion des Juifs sous l’empire Romain. Ensuite, retour à l’ère moderne : le visiteur doit se placer devant des statues aux traits cubiques, comme taillées dans le roc, afin entendre les biographies des protagonistes représentés. Pour leur donner vie, une mosaïque lumineuse est projetée sur les statues alors qu’un film raconte leur histoire. Ces “Dreamers”, ou rêveurs, comme William Blackstone et Henri Dunant, sont parmi les premiers chrétiens à avoir soutenu l’idée d’un retour du peuple juif en Palestine.
Le “Hall des Visionnaires”, qui succède à ces statues, présente des personnalités plus politiques. Dans cette salle, un mur-écran tactile géant dépeint une fresque de personnages. Cette fois, c’est au visiteur de leur donner vie, en posant sa main sur l’écran, afin que leurs actions en faveur d’Israël apparaissent. Sont notamment présents la reine Victoria, Arthur Balfour et Woodrow Wilson, tous en faveur de l’établissement d’un foyer national juif en Palestine.
La suite de la visite sera plus sombre. Un film d’animation relate les histoires de héros de la Seconde Guerre mondiale : Irina Sendler, Oscar Shindler, Chiune Sugihara…. Tous ont sauvé des juifs de la “solution finale” nazie. Ces vies sauvées deviennent des “Lumières dans les ténèbres”, physiquement représentées par des rayons lumineux descendus du plafond. En plaçant la main sous les faisceaux, le visiteur peut tenir dans sa paume ces visages, tombés comme des lueurs fragiles, perdues dans l’obscurité de la nuit.
La salle d’après, le “Hall des Braves”, met en scène, grâce à des archives photo et vidéo, des généraux de guerre britanniques, français et le Président américain Harry Truman. Ils interpellent puis s’adressent directement au visiteur : chacun d’eux raconte son histoire personnelle avec les Juifs ou Israël, comme s’il la racontait à un ami. Dans une pièce adjacente, des Juifs témoignent en vidéo de l’aide qu’ils ont pu recevoir de la part de chrétiens au cours de leur vie.
Finalement, un film en 3D invite le visiteur à répondre comme Abraham “Me Voici” à l’appel de Dieu, des Juifs, et d’Israël, à suivre l’exemple de ces hommes et de ces femmes présentés au cours de la visite, afin que le temps venu puisse continuer la promesse divine : “À toi et à ta descendance après toi je donnerai le pays où tu résides, tout le pays de Canaan en propriété perpétuelle’’.
En conclusion, les animations multimédia sont exceptionnelles et vraiment dignes de ce qu’on peut attendre d’un musée en 2015. Cependant, une question pourrait tarauder le visiteur : quel rapport entre le sionisme et les chrétiens qui ont sauvé des juifs pendant la guerre ? Les consciences chrétiennes de ces héros aujourd’hui défunts auraient-elles été en accord avec les conditions d’existence de l’État d’Israël ces 70 dernières années ? Les personnages de ce musée auraient-ils été d’accord pour être tous mis dans le même sac du sionisme chrétien ? Par ailleurs, le sujet des Palestiniens et de leurs droits, de leur présence sur le territoire est totalement oblitéré. Comme s’ils n’existaient pas, ou n’avaient pas d’importance. Un sionisme chrétien aveugle sur le conflit israélo-palestinien est-il encore vraiment chrétien ?
Le sionisme chrétien a été dénoncé en août 2006 par quatre représentants des Églises d’Orient dans une déclaration commune dont voici le premier paragraphe : “Le sionisme chrétien est un mouvement théologique et politique qui fait siennes les positions idéologiques les plus extrêmes du sionisme, au point de nuire à une paix juste en Palestine et en Israël” (1).
En Israël aussi, le mouvement chrétien sioniste commence à soulever quelques interrogations voire de la désapprobation. Ainsi, en septembre dernier, le Gand Rabbinat d’Israël mettait en garde contre les accents prosélytes des rassemblements chrétiens sionistes qui se tiennent annuellement à Jérusalem sous l’égide de l’Ambassade Chrétienne Internationale de Jérusalem (ICEJ). « Ceci est une affaire grave qui va à l’encontre des fondements de nos croyances, et elle doit donc être dénoncée, de même que le public doit en être averti », indiquait le communiqué, appelant le public israélien de ne pas participer à ces événements. Et le communiqué d’ajouter : « Même s’il se peut que les organisateurs de la conférence sont des amis d’Israël, dans les faits, l’évènement constitue un danger et sape spirituellement le caractère juif (de l’Etat) ».
Le fondateur du musée, Michael Evans, chrétien sioniste déclaré, né d’une mère juive non pratiquante et d’un père chrétien, et qui se convertit au christianisme après avoir « rencontré » Jésus, présentait ainsi son objectif militant à la cérémonie d’ouverture : “le Friends of Zion Heritage Center est là pour mener une guerre d’opinion, pour vous aider [Israël] à mener une guerre médiatique et économique, et pour mobiliser des dizaines de millions d’amis”.
Des questions peuvent légitimement se poser quant à l’objectivité et la neutralité de l’histoire racontée dans ce musée. Il entretient la confusion entre le fait d’aider les juifs et celui d’être sioniste, comme si toute personne qui contesterait les politiques de l’Etat hébreu voire ne se qualifierait pas de sioniste était au mieux égoïste, au pire antisémite.
Un musée à visiter donc, en gardant un esprit critique.
Si vous ne pouvez pas vous y rendre, il est possible de visiter intégralement le musée en tour virtuel : en découvrant la visite virtuelle ici
Infos pratiques
horaires :
du dimanche au jeudi : 9h30 à 18h,
le vendredi : de 9h30 à 14h
le samedi : de 10h à 18h
Entrée gratuite jusqu’à fin 2015
Uniquement sur réservation
tel : +972-2-532-9400
email : res@fozhc.com
ou en personne directement au musée
adresse: Yosef Rivlin St 20, Jerusalem
Plus d’infos sur le site www.fozmuseum.com