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Mgr Piretto, archevêque latin de Smyrne, sous le signe de la miséricorde

Carlo Giorgi
21 décembre 2015
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Il a été ordonné, samedi 19 décembre, archevêque latin d'Izmir en Turquie. Mgr Lorenzo Piretto, dominicain âgé de 73 ans, a passé une bonne moitié de sa vie parmi les communautés chrétiennes d'Istanbul et de la mer Egée. Izmir - l'antique Smyrne - est dorénavant son diocèse et bien qu'il ne compte que peu de fidèles ce dernier possède une taille équivalente à la Grèce. Terrasanta.net a pu interviewer le nouveau pasteur quelques jours avant son ordination.


Il a été ordonné, samedi 19 décembre, nouvel archevêque latin d’Izmir en Turquie. Mgr Lorenzo Piretto, dominicain âgé de 73 ans, a passé une bonne moitié de sa vie parmi les communautés chrétiennes d’Istanbul et de la mer Egée. Izmir est l’antique Smyrne, de laquelle parle Saint Jean dans l’Apocalypse ; c’est dorénavant le diocèse dans lequel Mgr Piretto est appelé. Bien qu’il ne compte que peu de fidèles il possède une taille équivalente à la Grèce. « Plus que sa surface, ce qui prime c’est l’histoire de cette Eglise – explique le nouveau pasteur dans l’interview accordée à Terrasanta.net quelques jours avant son ordination -. C’est l’Eglise du Concile d’Ephèse, celle de 431, celle de Marie déclarée Mère de Dieu, en grec Teotokos ; ici, selon la tradition, la Mère de Jésus, accompagné de Jean, a passé les dernières années de sa vie. Dans les collines au-dessus d’Ephèse se trouve sa maison, découverte en 800 et devenue depuis lieu de pèlerinage même pour les musulmans. Cette terre est celle de Saint Jean ; Saint-Polycarpe et son élève, saint Irénée … il y a une histoire magnifique« .

C’est une église avec une grande histoire mais une petite taille.

Les catholiques, selon l’Annuaire pontifical de l’année 2015, seraient 15.000. La ville d’Izmir en compte environ 1200. Nôtre quotidien est un monde totalement musulman et l’on est en droit de se demander : que représentent dans ce contexte un millier de chrétiens ? Je le redirai lors de mon ordination : nous ne devons pas nous soucier du nombre mais être une entité unie, en vrais fidèles de notre Seigneur. Il pourvoira le reste. Nous pouvons être un signe de réconciliation dans un moment de grande tension ; paisibles citoyens de ce pays auquel nous voulons apporter notre contribution de fraternité, de justice et de réconciliation. Le préfet, le maire et le Mufti ont été invités à mon ordination et tous ont assuré de leur présence. La présence chrétienne est une présence qui est accueillie avec sympathie et respect.

Présentez-nous le diocèse, qui sont vos collaborateurs ?

Les prêtres sont au nombre d’une douzaine, dont trois Fidei Donum – deux Italiens et un Français – des hommes de foi qui travaillent bien. Parmi les religieux, nous avons les Dominicains, des Frères Mineurs Capucins et les Frères des Écoles Chrétiennes (fondés par saint Jean-Baptiste de la Salle au XVIIe siècle – ndlr). Les sœurs de l’Immaculée Conception d’Ivrea gèrent une école italienne, maternelle et élémentaire. Le lycée St. Joseph des Frères des Écoles Chrétiennes est fréquenté par les musulmans et géré par des laïcs qui ont été formés dans l’esprit lasallien. Depuis peu nous avons la présence des femmes laïques consacrées qui viennent du sud de l’Italie. Deux d’entre elles ont commencé à Ephèse un service d’accueil à la maison de la Vierge Marie. C’est une des nouvelles actions sur lesquelles nous devons nous impliquer en cette année de la miséricorde. Nous devons de mille façons donner plus de présence à Marie ; et la finalité de cette présence c’est le Seigneur Jésus. Je vois de nombreux signes d’espérance, en dépit de notre petitesse et pauvreté. Avec la grâce de Dieu l’impossible peut devenir possible.

 

Vous vivez en Turquie depuis les années quatre-vingt. Comment le pays s’est-il transformé au cours des dernières décennies notamment en ce qui concerne les catholiques ?

Difficile de vous partager une évaluation. D’une part, il y a de l’acceptation et de l’ouverture. D’autre part, l’idée d’être une Église «étrangère». N’oublions pas qu’en Turquie l’Eglise catholique n’est pas officiellement reconnue. En outre il y a encore quinze ans il n’y avait pas de la part des catholiques un vrai engagement en faveur d’une véritable inculturation. Il faut dire, cependant, qu’en Turquie il y a des possibilités qui font défaut dans bien d’autres pays, juste pour exemple, la liberté de religion est inscrite dans la Constitution. Ainsi, en église nous pouvons agir dans le cadre de notre foi. J’ai enseigné treize ans le latin à la faculté islamique de l’Université de Marmara à Istanbul. Je peux témoigner de la disponibilité des personnes à écouter et d’une curiosité sur le christianisme. Les questions de mes élèves étaient motivées par un désir sincère de connaissances. Mes anciens élèves qui sont maintenant devenus professeurs à la Faculté de théologie islamique m’ont envoyé leurs vœux pour mon ordination épiscopale ! La Turquie est officiellement un Etat laïc mais, ces dernières années, il y a eu des évolutions dans les perspectives de gestion du pouvoir. Cela pourrait être positif pour nous chrétiens : si nous pensions à une laïcité à la française, dure et crue, dans laquelle les courants majoritaires seraient ouverts à la foi chrétienne.

Le Pape François, le 30 novembre dernier – fête de saint André – a déclaré que le temps était venu pour une plus grande unité avec les orthodoxes. Comme se vit l’œcuménisme dans le pays hébergeant le Patriarche œcuménique de Constantinople ?

Je prends l’exemple de mon ordination : aux autres évêques catholiques latins de la Turquie – Mgr. Paul Bizzeti, nouvellement nommé vicaire apostolique d’Anatolie, et Mgr. Luis Pelatre, évêque d’Istanbul – sera présent l’archevêque l’Arménien, Boghos Zekiyan. Viendront aussi les évêques syriaque catholique et chaldéen, l’archevêque arménien apostolique, deux métropolites syro-orthodoxes, le représentant du patriarche Bartholomée I et les pasteurs protestants des Églises reconnues anglicane et turque luthérienne. Ce sera une belle occasion d’unité.

Quelle devise avez-vous choisie pour votre ministère ?

Un seul mot : la Miséricorde. Je l’ai choisi pour trois raisons. La première est que le Jubilé de la Miséricorde vient tout juste de débuter et je m’en sens presque obligé ; la seconde est celle des Dominicains, d’où je viens, quand un jeune homme vient à la cérémonie d’investiture, le supérieur l’interroge : «Que demandez-vous ? Et il répond : La miséricorde de Dieu et de l’Ordre ». Enfin, j’ai pensé au Seigneur qui a été tant miséricordieux au cours de ma vie.

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