Au Caire, un journaliste et un écrivain en prison pour une critique de l’islam
Depuis deux ans et demi les Frères musulmans ne gouvernent plus en Egypte. Mais les procès et les condamnations pour "blasphème" – qui prévoient des sanctions de détention très strictes – ne se sont pas interrompues. Au cours des dernières semaines, en effet, deux personnalités bien connues ont été reconnues coupables de façon exemplaire : l’animateur télé Islam Behery et l’écrivain Fatima Naoot.
(CG) – Depuis deux ans et demi les Frères musulmans ne gouvernent plus en Egypte. Mais les procès et les condamnations pour « blasphème » – qui prévoient des sanctions de détention très strictes – ne se sont pas interrompues. Au cours des dernières semaines, en effet, deux personnalités bien connues ont été reconnues coupables de façon exemplaire : Islam Behery – intellectuel, chercheur et expert en questions islamiques, écrivain et aussi présentateur de télévision, a été condamné à un an d’emprisonnement et Fatima Naoot, poète et écrivain musulmane proche du monde copte, qui devra purger trois années en prison.
Behery est l’un des visages les plus populaires de la chaîne satellitaire égyptienne Al Kahera Wal Nas (« Le Caire et le peuple » – ndlr), où il a animé, quotidiennement et sur une longue période, une émission intitulée «Avec l’Islam» sur les différents aspects de la vie et de la pensée musulmane. Selon le magazine en ligne The Cairo Post, au cours d’une de ces émissions, Behery aurait remis en question la crédibilité des sources des Hadith, c’est-à-dire les paroles du Prophète Muhammad, qui représentent la deuxième source de l’enseignement islamique après le Coran. En avril 2015, l’Université Al-Azhar, la plus grande autorité académique égyptienne sunnite, a dénoncé Behery pour diffusion « d’idées violant les principes fondamentaux de l’Islam et de son système de lois« .
Quelques semaines plus tard, de peur d’être interdite, la chaîne de télévision a choisi de suspendre l’émission de Behery. En mai, le présentateur a été condamné à cinq ans pour «diffamation de la religion», ramenés au final, en décembre dernier, à un an.
Quant à Fatima Naoot, il y a seulement quelques jours elle a été condamnée à trois ans de prison et à une amende de 2500 $. Le jugement a pris effet immédiatement et la condamnée peut faire appel mais seulement derrière les barreaux.
De quelle expression blasphématoire se serait souillée l’écrivain ? Selon les informations du site El-Masry El-Youm, elle aurait critiqué l’abattage des animaux à l’occasion de la fête islamique de l’Aïd al-Adha, le décrivant sur sa page Facebook comme « le plus grand massacre commis par les humains ».
La fête de l’Aïd al-Adha rappelle un épisode de la vie d’Abraham, considéré aussi comme un prophète par les musulmans. Selon le Coran, Abraham était sur le point de sacrifier à Dieu son fils unique, Ismaël, quand Dieu est intervenu pour lui donner un agneau pour son sacrifice. « Chaque année, on assiste à un massacre parce qu’un homme, une fois, a fait un cauchemar impliquant son fils bien-aimé – Naoot a-t-elle écrit dans un article publié par le journal El-Masry El Youm – et bien que le cauchemar soit terminé pour l’homme et son fils, les moutons continuent à payer de leur vie les conséquences de ce cauchemar sacré… ». Durant son procès, Fatima Naoot a admis avoir écrit le message sur Facebook, mais en même temps nié que son but était d’insulter l’Islam. L’auteur a plutôt soutenu que les hommes justifient leur désir de tuer et le parfum enivrant de la cuisine en essayant d’attribuer une signification divine à leurs actes. « Je suis triste pour le jugement – a dit l’accusée à la fin du procès à l’Agence France Presse – et cela ne me dérange pas d’aller en prison. Je suis triste parce que les efforts des réformistes n’ont conduit à rien ».