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Accompagner les enfants de Naplouse

Hélène Morlet
18 mars 2016
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Au sortir de la vieille ville de Naplouse, de grands dessins sur les murs annoncent les locaux de l’association Human Supporters. L’association s’est donné pour but de servir la communauté locale en se concentrant particulièrement sur les femmes, les enfants et les jeunes. Elle les aide à surmonter leurs traumatismes et essaye d’en faire des personnes pro-actives, prêtes à construire la société.


(Naplouse) – Au sortir de la vieille ville de Naplouse, de grands dessins sur les murs annoncent les locaux de l’association Human Supporters.

Là, plusieurs activités sont proposées aux jeunes. A l’intérieur, un grand drap est tendu au milieu devant la porte ouverte, entre deux murs. La salle est plongée dans le noir et une lampe de bureau éclaire le drap, pour offrir le décor d’un théâtre d’ombres chinoises. “Il était une fois un cheval qui s’appelait Hassan. Il habitait à Ramallah et partit par un beau matin rendre visite à sa famille à Naplouse.” Les bouts de carton découpés et scotchés sont faits maison. L’histoire de Hassan le cheval continue et se complique : interdit de passer par un checkpoint sur la route, il est contraint de faire demi-tour. C’est finalement son ami l’oiseau qui ira porter des nouvelles au père de Hassan. Cette histoire, inventée par les jeunes, leur permet d’extérioriser les situations auxquelles ils sont confrontés de façon créative.

Dans une autre pièce, un grand miroir est accroché au mur et trois adolescents s’entraînent sur une musique hip-hop. “Nous répondons aux besoins : ces jeunes avaient des capacités pour danser, mais ils n’avaient pas de lieu pour s’entrainer. Nous mettons donc à leur disposition cette salle, et les encourageons à faire des spectacles.” raconte Ali Nobani, directeur des programmes. A la fin de la chanson, Ameed, le professeur de dabke, danse traditionnelle palestinienne, s’approche pour leur donner ses conseils. “Je suis étudiant et je viens de rentrer d’un an en France où j’étais volontaire de service civique. J’y ai passé le BAFA, le brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur” explique-t-il plus tard.

Cette association a été créée en 2006, alors que Naplouse et ses habitants souffraient encore de la Deuxième Intifada et de l’occupation militaire israélienne. “Cela faisait quelques années déjà que nous étions plusieurs volontaires palestiniens engagés au service de la population, explique Ali. Nous aidions principalement pour les soins médicaux, mais nous avions remarqué que les enfants souffraient beaucoup de la situation. Avec quelques volontaires internationaux, nous avons eu l’idée d’organiser un spectacle pour eux. Il y avait des clowns, des ballons, des danses et des crayons pour leur maquiller le visage. Pour quelques instants, ils oubliaient leurs peurs et redevenaient des enfants. Les conséquences de la Deuxième Intifada ont été terribles pour la population de la ville. L’impossibilité de circuler et les affrontements ont eu des conséquences sociales importantes : les parents n’avaient plus de travail, et lorsque les enfants étaient terrorisés par les violences, ils se rendaient compte que leurs parents l’étaient aussi. Cela a créé chez eux une perte du sentiment de sécurité”, souligne encore Ali. “Sept enfants sur dix ont des symptômes de stress post-traumatique. Ils sont plus violents envers eux-mêmes et envers les autres, ils voient en flash-backs les situations vécues, ce qui entraine des difficultés de concentration. Ils sont moins sociables et moins actifs, moins motivés globalement parlant.”

L’association s’est donc donné pour but de servir la communauté locale en se concentrant particulièrement sur les femmes, les enfants et les jeunes. Ils les aident à surmonter leurs traumatismes et essayent d’en faire des personnes pro-actives, prêtes à construire la société. “Nous avons commencé par créer un environnement où les enfants se sentaient suffisamment en sécurité pour réussir à mettre des mots sur leurs expériences, et nous en avons fait un petit journal, La voix des enfants. Nous essayons de travailler sur leur confiance en eux, et de développer leur créativité”. Aucune structure n’existait pour les jeunes au moment de l’Intifada. Mus par la nécessité et l’envie de se rendre utile, ils furent quelques-uns à s’impliquer dans la création de l’association, puis à faire des études de psychologue ou de travailleur social pour répondre encore mieux aux besoins.

L’association apporte une aide autant psychologique et de développement que d’aide aux devoirs. “Ce sont à la fois des employés de l’association, mais aussi de nombreux volontaires (psychologues, travailleurs sociaux, animateurs) qui travaillent pour les enfants de la ville. Nous avons des accords avec les écoles : le directeur nous indique les enfants en difficulté et nous organisons sa prise en charge. Nous rencontrons sa famille, et mettons en place un suivi avec elle, nous le voyons trois fois par semaine pour l’aider. Nous avons des cours d’anglais, d’arabe et de mathématiques. Nous utilisons l’apprentissage actif : nous voulons que le jeune apprenne en faisant par lui-même, par des jeux… Nous l’aidons à surmonter ses problèmes de concentration, et changeons son environnement de travail pour éviter qu’il ne fasse un blocage.”

Des camps d’été sont aussi organisés entre jeunes de différentes religions. La quasi-totalité de la population de Naplouse est musulmane, mais il y a aussi quelques chrétiens et des samaritains. Si la coexistence est ancienne et pacifique, le retour des samaritains sur le mont Garizim il y a quelques années les sépare du reste de la population de la ville. “Ils ont une école là-haut, maintenant, donc les camps d’été permettent aux jeunes de continuer à se fréquenter”

Maintenant que la Deuxième Intifada est terminée, l’association est-elle toujours d’actualité ? “Bien sûr ! s’exclame Ali. D’abord parce qu’un enfant de dix ans a vécu les trois premières années de sa vie pendant l’Intifada, et que ça l’a marqué. Et ensuite, l’occupation israélienne est toujours en cours. Il y a de nombreux affrontements autour de la tombe de Joseph, visitée par les colons protégés par l’armée. Ces derniers mois, six personnes sont mortes à des checkpoints autour de la ville et il y a toujours des prisonniers politiques. Cela influence la vie des gens. Parfois les conditions de vie sont très dures, parfois un peu moins.” En attendant, l’association continue son travail auprès des enfants.

Pour visiter leur site internet, cliquez ici.

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