Archéologie : à la recherche du prétoire de Pilate
Depuis le XVe siècle, le point de départ de la Via Dolorosa est situé par les franciscains à la forteresse Antonia, aujourd’hui école de l’Omariyya, au nord-ouest de l’esplanade des mosquées dans la vielle ville. Cependant en 2015, des archéologues israéliens ont annoncé avoir découvert le lieu du procès de Jésus, de l’autre côté de la ville, porte de Jaffa.
Pour tenter de comprendre cette étonnante déclaration, il faut remonter dans le temps. La Judée tombe sous domination romaine en 63 av. J.-C. et devient une province romaine en 6 ap. J.-C. Le préfet – appelé aussi procurateur – représentant de l’Empire, réside à Césarée maritime dans le palais d’Hérode (Ac 23, 35). Mais il se rend à Jérusalem au moment des fêtes religieuses pour s’assurer du maintien de l’ordre.
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En effet, à l’occasion des grandes fêtes juives, telles que la Pâque, une des trois grandes fêtes de pèlerinage prescrites par la Torah, de nombreux juifs se rendaient dans la ville sainte. Afin d’éviter les perturbations et les potentielles menaces contre l’autorité romaine, des troupes devaient se tenir prêtes à intervenir. C’est probablement la raison pour laquelle Ponce Pilate était présent à Jérusalem à la veille de la Pâque.
Dans les textes
La question qui se pose est donc de savoir où Ponce Pilate, préfet de Judée, aurait pris ses appartements et jugé Jésus. Il existe deux forteresses édifiées par Hérode le Grand à Jérusalem : la première construite fut l’Antonia, une ancienne résidence royale transformée à l’époque de Jésus en caserne romaine, au nord-ouest du temple. La seconde, un somptueux palais, là où se trouve aujourd’hui la porte de Jaffa, dans la ville haute, et dont quelques fortifications subsistent.
Les textes des évangiles, décrivant la scène du procès de Jésus nous donnent plusieurs informations permettant de situer les lieux : “La foule monta donc chez Pilate, et se mit à demander ce qu’il leur accordait d’habitude. Pilate leur répondit : ‘Voulez-vous que je vous relâche le roi des Juifs ?’. Il se rendait bien compte que c’était par jalousie que les grands prêtres l’avaient livré. Ces derniers soulevèrent la foule pour qu’il leur relâche plutôt Barabbas. Et comme Pilate reprenait : ‘Que voulez-vous donc que je fasse de celui que vous appelez le roi des Juifs ?’, de nouveau ils crièrent : ‘Crucifie-le !’Pilate leur disait : ‘Qu’a-t-il donc fait de mal ? ’Mais ils crièrent encore plus fort : ‘Crucifie-le !’. Pilate, voulant contenter la foule, relâcha Barabbas et, après avoir fait flageller Jésus, il le livra pour qu’il soit crucifié. Les soldats l’emmenèrent à l’intérieur du palais, c’est-à-dire dans le prétoire. […]” Mc (15, 8-16).
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Le verbe “monter” utilisé par Marc, pourrait indiquer que le lieu se trouvait en hauteur dans la ville. Cependant, “monter” en grec – langue dans laquelle les Évangiles ont été écrits – peut traduire le fait de se rendre dans un endroit important comme on dit par exemple en français “monter à la capitale”.
Un mot, trois endroits
Un autre mot est sujet à débat : “prétoire”, aulé en grec. L’usage et la signification du terme ont évolué au cours des siècles. Sous l’empire romain, il peut ainsi désigner au moins trois choses différentes : le lieu réservé au général en chef dans les camps militaires, la résidence de l’empereur en tant que général en chef, ou enfin la résidence officielle des gouverneurs de province, le plus souvent dans le palais du vaincu.
Ainsi, Pilate aurait pris ses quartiers soit dans le casernement d’Antonia, soit dans le somptueux palais construit par Hérode le Grand. La pratique romaine de l’époque suivrait plutôt la deuxième hypothèse, dans laquelle le préfet s’installe dans le palais du souverain vaincu. Aurait-il accepté de résider dans un endroit moins prestigieux qu’Hérode Antipas, fils d’Hérode le Grand, un subalterne ?
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Par ailleurs, d’après Philon d’Alexandrie on sait que Pilate était présent au palais d’Hérode lors de l’incident des “boucliers dorés”, vers 35. De même, l’historiographe judéen Flavius Josèphe relate une scène dans laquelle un des successeurs de Pilate, Gessius Florus (64-66) installa un tribunal dans le palais et fit fouetter des accusés qu’il condamna à la crucifixion, dans une scène comparable à celle du procès de Jésus.
Débat ouvert
L’évangile de Jean donne encore plus de précisions que Marc sur le lieu : “Pilate amena Jésus au-dehors ; il le fit asseoir sur une estrade au lieu-dit le Dallage – en hébreu : gabbatha.” (Jn 19, 13). En grec dans le texte, l’endroit est désigné par lithostrotos, un espace de pierre pavée, un dallage. Gabbatha est un mot que l’hébreu emprunta à l’araméen signifiant le lieu en hauteur.
La tradition franciscaine défend que le prétoire dont parle l’Évangile était situé à la forteresse Antonia. Une zone de dalles romaines trouvée sur place correspondrait à ce dallage, le lithostrotos. L’arc connu sous le nom de l’Ecce Homo serait ce lieu en hauteur qui ferait partie du complexe du palais. Il est cependant attesté que ces dalles comme l’arche faisaient partie du forum construit par l’empereur Hadrien en 135.
Hormis les fortifications, faute d’éléments archéologiques sur le palais d’Hérode le Grand en tant que tel, la forteresse Antonia est longtemps restée le seul lieu tangible pour les pèlerins.
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Mais début 2015, des archéologues ont annoncé avoir retrouvé le lieu de procès de Jésus, près de la porte de Jaffa, thèse déjà défendue par de nombreux autres historiens et archéologues. En inspectant une ancienne prison ottomane dans un bâtiment abandonné adjacent à la Tour de David, ils ont découvert différentes strates sur 2 700 ans d’histoire de Jérusalem, et notamment un pan du mur du fameux palais. Les spécialistes sont désormais certains que les remparts actuels de la Vieille ville à la porte de Jaffa édifiés au XVIe siècle par les Ottomans l’ont été sur les ruines de cet ancien palais.
Et maintenant ?
Le débat sur l’emplacement exact du procès se poursuivra tant qu’une preuve flagrante de la résidence de Ponce Pilate lors du procès ne sera pas apportée, et il est probable que la Via Dolorosa et son chemin de croix tels qui sont pratiqués de nos jours ne bougeront pas.
Même si l’hypothèse du palais d’Hérode est vraisemblable, tant que le consensus n’est pas acquis, il n’y aucune raison de modifier un parcours pratiqué depuis des siècles. On ne balaie pas un demi-millénaire de tradition du jour au lendemain.
Dernière mise à jour: 06/01/2024 19:20