C’est un chemin de croix actualisé qu’un groupe de pèlerins locaux a parcouru mardi 15 mars dans la vieille ville de Jérusalem. Organisé par le mouvement Sabeel pour les chrétiens de Jérusalem, il leur proposait de prier sur les souffrances vécues par le peuple palestinien. Ils étaient donc une quarantaine de chrétiens palestiniens à se retrouver en fin d’après-midi à la première station de la Via Dolorosa.
(Jérusalem/HM) – C’est un chemin de croix actualisé qu’un groupe de pèlerins locaux a parcouru mardi 15 mars dans la vieille ville de Jérusalem. Organisé par le mouvement Sabeel pour les chrétiens de Jérusalem, il leur proposait de prier sur les souffrances vécues par le peuple palestinien. Ils étaient donc une quarantaine de chrétiens palestiniens à se retrouver en fin d’après-midi à la première station de la Via Dolorosa.
Composée de quatorze stations réparties dans la vieille ville de Jérusalem et à l’intérieur du Saint Sépulcre, la Via Dolorosa est le chemin qu’aurait parcouru le Christ entre le lieu de son jugement et le lieu de sa crucifixion. Lieu de dévotion, elle est arpentée chaque année par des millions de chrétiens qui peuvent marcher avec le Christ et revivre dans la foi les dernières heures de sa Passion.
Le “chemin de croix contemporain” a été créé par Sabeel il y a une quinzaine d’années. Ce mouvement chrétien œcuménique promeut la théologie de la libération. “Ces théologies se créent en réaction au contexte, en Amérique latine comme ici. Dans notre cas, c’est l’injustice infligée au nom de la Bible (création de l’Etat d’Israël sur les terres des Palestiniens, NDLR) qui nous a motivés à la lire avec nos yeux de Palestiniens”, explique Samia Khoury, une des femmes fondatrices de Sabeel.
“Avec le chemin de croix contemporain, nous ne faisons pas que marcher dans les pas du Christ, mais nous faisons le lien avec notre propre souffrance. Le but est d’apprendre du Christ, qu’il nous aide à surmonter les défis et endurer ce qui nous arrive”, souligne Omar Haramy, administrateur de Sabeel. “Lorsque nous l’organisons pour des internationaux, nous transposons les différentes stations sur des lieux concrets de souffrance pour les Palestiniens : une maison détruite, un camp de réfugiés, un village dépeuplé, etc. Aujourd’hui c’était pour des chrétiens palestiniens. Comme ce sont nos histoires et notre environnement, nous les avons portés avec nous sur la Via Dolorosa traditionnelle”, ajoute-t-il encore. Cet évènement a lieu au moins une fois par an, pour les paroissiens de Jérusalem de toutes confessions. Protestants, grecs orthodoxes, syriaques, catholiques… tous sont conviés et représentés. Trois membres du clergé étaient présents. Abouna Michel, franciscain égyptien, y participait : “Je me sens proche des souffrances de ce peuple parmi lequel je vis, et je trouve ça encore plus beau quand les prières sont œcuméniques”, témoigne-t-il.
Le petit groupe marchait dans les rues du souk, portant une grande croix en bois. Chaque arrêt à une station était l’occasion de lectures des textes bibliques, de chants et de prières. Le chemin passe au milieu des rues de Jérusalem. Vendeurs du souk en pleine discussion, militaires postés aux carrefours, touristes suivant le groupe pour le photographier… l’environnement ne portait pas à la prière mais l’expérience, qui parlait à chacun de ses propres souffrances, a été émouvante. Nadine, jeune femme chrétienne de Jérusalem, raconte : “Je viens de passer quatre années en dehors du pays, pendant lesquelles ma vie a beaucoup changée. Ce chemin de prière, pendant lequel j’ai porté la croix, m’a touchée et sensibilisée sur certaines situations que je ne vis pas forcément au quotidien. Ça m’aide à construire ma foi et mon engagement pour mon pays”.
Ce sont tous les chrétiens du Moyen Orient qui souffrent ces dernières années. Parmi le groupe de chrétiens palestiniens s’était glissés un couple de chrétiens irakiens actuellement en pèlerinage en Terre Sainte. Invités par le prêtre syriaque, la proximité de leur expérience avec celle du peuple palestinien et avec celle du chemin de croix du Christ les a marqués. “Je ressens la peine des Palestiniens. Ce qui arrive aux chrétiens irakiens est similaire à ce qui leur est arrivé en 1948. Je vis en Suède depuis une quinzaine d’années avec ma femme et mes enfants, mais mes parents, mes frères et mes amis vivaient encore en Irak. La nuit du 6 août 2014, ils ont dû fuir leurs maisons, n’emportant que les habits qu’ils avaient sur le dos.” Hanna s’arrête un moment, ému. “Ils ont perdu leurs maisons, leurs biens, leurs entreprises ou commerces, tout ce qu’ils avaient construit au cours de leur vie. Ils sont devenus des réfugiés. Les chrétiens étaient plus éduqués que la moyenne dans le pays, et ils étaient des acteurs importants du pays, qui s’impliquaient de façon généreuse. Je prie maintenant pour que Dieu nous donne l’aide et le soutien dont nous avons besoin dans ces heures difficiles.” Et il conclut , fidèle à sa foi : “A nous de continuer d’annoncer Dieu partout dans le monde, là où nous serons réfugiés.”