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Le cas très controversé des derniers Juifs du Yémen

Laura Silvia Battaglia
12 avril 2016
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L'un des derniers groupes de Juifs yéménites arrivait en Israël le 20 mars dernier avec tous les honneurs. A Sanaa certains ont décidé de rester, préférant rejoindre les États-Unis.


À la mi-mars, ils sont arrivés en Israël, à peine 17, avec un rouleau précieux d’une ancienne Torah. Le premier ministre Benjamin Netanyahu les avait alors reçus et les médias internationaux leur avaient consacré des dizaines d’analyses relatant notamment l’opération « Magic carpet » – comprenez « Tapis magique ou volant », qui eut lieu entre 1949 et 1950 afin de faciliter le transfert des communautés juives survivantes du Yémen vers la terre d’Israël. Terrasanta.net n’avait pas manqué de vous relater ce fait d’exception.

En quelques heures, sur les médias sociaux, les images des nouveaux arrivants ont été diffusées en boucles, traditionnelle kippa sur la tête mais également femmes en niqab (voile presque intégral sur le corps – ndlr) selon la coutume que la communauté a maintenue au Yémen. En Israël, les commentaires furent loin d’être favorables à ces migrants : « S’ils veulent garder leurs coutumes qu’ils retournent d’où ils viennent » ; « Mais leurs femmes sont-elles juives ou musulmanes ? » et ainsi de suite. Les réseaux sociaux ont mis au jour – peut-être trop – une partie de l’iceberg qui avait été jusqu’à présent passée sous silence : celle des difficultés bien réelles des Juifs yéménites à être acceptés en Israël. C’est d’ailleurs l’une des principales raisons qui poussent encore 40 personnes de la dite communauté à rester à Sanaa – où elles vivent dans l’enceinte de l’ancienne ambassade des États-Unis, derrière un mur – et qui s’opposent avec résistance à leur transfert en Israël, après avoir entendu les histoires de celles et ceux qui les ont précédés dans les années cinquante.

Il ne s’agit pourtant pas seulement d’intégration. Derrière le sort des réfugiés Yéménites se joue un bras de fer entre le gouvernement et l’Agence juive, qui encouragent le «retour» des Juifs dispersés dans d’autres pays du monde, et la communauté ultra-orthodoxe Satmar Hasidim, considérée comme antisioniste basée à New York. Selon al-Monitor, publication en ligne reconnue et publiant des analyses et des approfondissements sur le Moyen-Orient, Satmar Hasidim, essaye depuis 1991 d’empêcher le déplacement des Juifs yéménites en Israël, encourageant plutôt leur transfert aux États-Unis.

Du récit de ces immigrants, la communauté ultra-orthodoxe à New York les aurait convaincus en mettant en avant le fait qu’Israël ne serait pas en capacité de les aider à préserver leur foi et leurs coutumes. De plus, aux Etats-Unis, ils seraient aidés financièrement afin de s’établir dans les villes de Monsey et Monroe (État de New York). Le grand intérêt de Satmar Hasidim pour les Juifs yéménites reposerait sur le fait qu’ils n’ont jamais été sécularisés : ils sont les seuls Juifs au monde à avoir maintenu les plus anciennes traditions séfarades dans ce qu’elles ont de plus pures (ils sont Mizrahi), et c’est pour cela que, selon les ultra-orthodoxes, ils devraient être préservés et protégés de la laïcité dans une communauté fermée comme celle de Monsey et Monroe.

L’homme clé de la migration des hébraïque-yéménite aux États-Unis c’est le rabbin Berl Yaakovovitz, qui, en vingt-deux années, a visité les Yéménites juifs à Sanaa et Raidah, dans la province d’Amran, plus d’une trentaine de fois. Yaakovovitz rejette les accusations antisionistes portées contre lui par l’agence israélienne pour la migration et se défend en disant qu’il veut aider les familles juives yéménites qui souhaitent émigrer vers les Etats-Unis, sans avoir jamais empêché leur migration vers Israël. D’autre part, l’Agence rappelle que lorsque la communauté Satmar Hasidim n’a pas réussi à les faire émigrer vers New York, elle a plutôt encouragé leur séjour au Yémen. Rabbi Berl Yaakovovitz dément les faits à al-Monitor et ajoute : « Nous les aidons simplement à survivre au Yémen ; nous envoyons de l’argent ; nous maintenons une école de garçons pour 10 enfants et une pour filles qui accueille 15 jeunes filles ; nous avons des programmes d’aides pour les hommes mariés et donnons des bourses aux enfants. Il s’agit de nos fonds propres et l’Etat d’Israël n’a rien à y voir. Les juifs yéménites sont libres de faire ce qu’ils veulent ».

En octobre 2014, Terrasanta.net avait rendu visite aux juifs installés à Sanaa, repliés dans leur enceinte. L’un des membres de la communauté, Sulaiman Marrahabi, disait : « Ma vie est dans ces murs mais je rêve de retourner dans mon pays natal. Je crains de finir comme de nombreux parents. Ils ont émigré en Israël il y a quelques années et ne mettront plus jamais les pieds ici, pas même pour mourir ». Sulaiman est l’un de ces 40 Yéménites qui vit encore dans le complexe de Sanaa et qui a refusé de quitter la terre de la reine de Saba. Malgré la guerre, en dépit de tout.

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