Le projet de loi «transparence» porté par la très droitière Ayelet Shaked, ministre de la Justice, a été voté à la Knesset. Sur le terrain, la loi affectera, dans la quasi-exclusivité, les organisations de gauche.
(Jérusalem/n.h.) – Désormais la législation demande aux organisations non-gouvernementales (ONG) de fournir des détails sur toute contribution financière venant de gouvernements étrangers ou de corps gouvernementaux, comme par exemple l’Union Européenne. Les organisations concernées devront également se faire connaitre auprès fonctionnaires du gouvernement, des médias, et sur internet. Le non-respect de la loi sera sanctionné par des amendes.
La loi concerne les 30 000 ONG présentes en Israël, dont seulement la moitié sont actives. Soixante-dix d’entre-elles travaillent dans les « résolutions de conflits » et reçoivent des fonds de l’UE ou de pays à titre singulier comme le Danemark, la Suède, la Belgique, ou encore la Norvège. « Je veux que les pays influencent Israël par la diplomatie et non pas par les millions d’euros aux ONG injectés à des organisations qui généralement promeuvent leur propre vision », a déclaré Shaked.
Le premier ministre Benjamin Netanyahou a fortement appuyé la législation, la qualifiant de « démocratique et nécessaire ». Ajoutant qu’il n’y avait rien d’anti-démocratique à vouloir la transparence, affirmant que le public doit être au courant du rôle des gouvernements étrangers qui subventionnent ces groupes.
Après le vote il publiait sur sa page Facebook en Français: « Nous avons approuvé ce soir la ‘Loi ONG’. Le but de cette loi est d’empêcher une situation absurde dans laquelle des pays étrangers interfèrent dans les affaires intérieures d’Israël via un financement d’ONG et sans que le public israélien n’en soit averti.
Les versions précédentes du projet souhaitaient marquer ces groupes comme des agents étrangers, permettant ainsi à Israël la taxation de ces financements. Une autre proposition particulièrement controversée, abandonnée par la suite, voulait faire porter des étiquettes d’identification aux représentants de ces groupes lorsqu’ils étaient au parlement.
Les opposants à la législation ont affirmé que le gouvernement Netanyahu visait les organisations des droits de l’Homme critiques de la politique israélienne envers les Palestiniens. «Nous allons payer pour ces dommages pour de nombreuses générations », a déclaré le membre de la Knesset de l’opposition Nachman Shai. « La loi sur les ONG … est représentative, plus que tout, du fascisme naissant et rampant dans la société israélienne», a souligné le chef l’opposition Isaac Herzog du parti Union sioniste quelques heures avant le vote. D’autres députés de l’opposition ont comparé la mesure aux politiques autoritaires en Russie et en Arabie Saoudite.
La loi a été approuvée en dépit de vives critiques de l’étranger. Les États-Unis et l’Union européenne ont exprimé leurs préoccupations publiquement et en privé. Le député allemand Volker Beck, président du groupe parlementaire d’amitié germano-israélienne, a écrit sur Facebook lundi que la loi allait « ternir la réputation » d’Israël.
Le groupe anti-colonisation La Paix Maintenant a annoncé qu’il contesterait la loi devant la Cour suprême. « Alors que les organisations de gauche sont délégitimées, les ONG pro-colons qui reçoivent des millions de dollars en dons étrangers sans aucune transparence ne seront pas affectées,» a indiqué le groupe dans un communiqué. « C’est une loi dont le seul but est de faire taire et pointer du doigt ceux qui osent critiquer le gouvernement ou la colonisation,» a-t-il ajouté.
L’ancien ambassadeur aux États-Unis et maintenant membre du parti Kulanu centriste, Michael Oren a déclaré en décembre son opposition au projet de loi. Selon lui, elle ne serait pas applicable de manière égale aux groupes d’extrême-droite qui obtiennent la majeure partie de leur financement par des donateurs privés. « Le projet de loi pourrait nuire aux relations et à l’image d’Israël à l’étranger,» avait déclaré Oren. « Je ne doute pas que les ONG de gauche telles que Breaking the Silence (Rompre le Silence) travaillent à saper la légitimité de l’Etat d’Israël, il est de notre devoir en tant que législateurs d’exposer leurs sources de financement au public. Mais une telle exposition unilatérale, ignorant les ressources des organisations d’extrême droite, a-t-il conclu, pourrait jouer en faveur des éléments qui tentent de nous boycotter.»