En Egypt les incidents de violence sectaire à l’encontre des coptes sont en augmentation au cours des derniers mois, et ce principalement dans la province de Minya, au sud du Caire.
« Juste pour rappel, Monsieur le Président, les coptes sont égyptiens et Minya est une province égyptienne ». Cette phrase a été postée sur Twitter, le 17 juillet, par Mgr Anba Macarius, évêque de Minya. La raison de ce tweet amer, adressé directement au président Abdel Fattah el-Sisi, se trouve dans le rapport de l’Initiative égyptienne pour les droits de la personne (Egyptian Initiative for Personal Right, EIPR), rendu public le 18 juillet sur le site de l’organisation. Selon le rapport, les épisodes de violence sectaire à l’encontre des coptes sont en augmentation au cours de ces derniers mois, et ce principalement dans la province de Minya, au sud du Caire. Dans cette région, se trouve la plus forte concentration de chrétiens égyptiens, avec une population composée à 50% de coptes. Dans la même zone, l’EIPR a documenté au moins 77 incidents de violence sectaire depuis le 25 janvier 2011 (sans compter les nombreux incidents qui eurent lieu entre le 14 et le 17 août 2013, lorsque les partisans de l’ancien président Mohammed Morsi attaquèrent des chrétiens en représailles contre son renversement). Dix de ces épisodes se sont produits entre janvier et juillet 2016.
Ces trois derniers mois sont particulièrement décourageants. A commencer par le mois de mai, à El Karm, avec l’attaque d’une femme âgée, déshabillée et traînée dans la rue, en raison d’un fils soupçonné d’entretenir une liaison avec une musulmane. Puis, le 29 juin, dans le village de Kom al-Loufi, dans le district de Samalout, des centaines de musulmans radicaux locaux ont mis le feu à plusieurs maisons coptes croyant que ces derniers étaient en train de construire une église. Le 15 juillet, une scène similaire se déroula dans le village d’Abu Yacouub. Le 17 juillet, en revanche, c’est la famille d’un prêtre dans le village de Tahna al-Gabal, qui était poignardée par un groupe de fanatiques musulmans après un litige sur un droit de passage. Un homme de 27 ans a été tué et d’autres plus ou moins grièvement blessés. Et si vous quittez la province de Minya, la liste des attaques s’allonge encore. Le 2 juillet, une fille copte été trainée par les cheveux et poignardée au cou ; le 9 juillet, à Tanta, un pharmacien subissait le même sort ; et la liste continue.
La plupart de ces épisodes suivent le même schéma : on diffuse le nom de ceux qui construisent des églises, ou de celles et ceux qui, de religion différente, entretiennent une relation, et en peu de temps un groupe d’extrémistes musulmans se rassemblent pour les attaquer. Mais les conflits peuvent aussi être déclenchés suite à une querelle ordinaire et futile entre deux personnes, se transformant soudainement en violence collective sectaire. Souvent, les témoins affirment que la police intervient avec du retard ou pire laisse faire. De toute évidence, les autorités étatiques et religieuses institutionnelles font pression pour que soit rapidement trouvé une issue au conflit notamment au travers des assemblées de réconciliation extrajudiciaires d’origine tribale qui ne rendent pourtant pas justice aux parties lésées.
En réponse au tweet de Mgr Anba Macarius, le président El-Sisi a réaffirmé qu’ »il n’y a pas de différence entre les musulmans et les coptes, ils sont tous les citoyens égyptiens », et que la loi sera appliquée. C’est le patriarche copte Tawadros qui lui a fait écho, invitant à ne pas tirer profit des récents événements pour diviser les égyptiens. Des slogans trop souvent répétés mais qui ne suffisent plus. La nouveauté réside dans le fait que, désormais, de nombreux coptes commencent à faire entendre leur voix à la fois contre l’Etat ou encore l’Eglise, en connaissance de cause des risques encourus. Ils réclament la justice, pas la réconciliation. Ils demandent la promulgation d’une loi unique sur la construction des lieux de culte, cette loi promise, en vain, par tous les présidents qui se sont succédés à la tête du pays depuis 2011. Ils exigent la fin du traitement des violences sectaires comme des cas isolés, appelant à une solution sécuritaire et la reconnaissance, en Egypte, d’un problème généralisé de culture sectaire.
Nadia Henry, député copte du Parti des Égyptiens Libres fondé par le magnat Naguib Sawiris, a fait entendre sa voix au Parlement, exigeant avec force des enquêtes et des mesures sérieuses, mais elle a été, en hâte, écartée de son propre parti. Mgr Macarius, et d’autres comme lui, continuent d’exhorter les victimes de violence sectaire à rejeter les sessions de réconciliation. L’Union des jeunes de Maspero a appelé à un boycott, du pape Tawadros et de toutes les rencontres officielles avec les autorités de l’Etat. Mais le problème du sectarisme en Egypte, explique le militant Mina Thabet, directeur des programmes pour les minorités de la Commission égyptienne pour les droits et les libertés, est une équation complexe. Dans la province de Minya, l’analphabétisme atteint les 40%, la Haute-Egypte est confrontée au sous-développement. Face à la négligence de l’État, les islamistes ont pris le contrôle, au travers de leur réseau de protection sociale, de la majorité des écoles. L’histoire du christianisme en Egypte, dans les vétustes programmes éducatifs, est partagée – quand on en parle – de manière déformée. Selon Ishak Ibrahim, chercheur à l’EIPR, il est clair qu’un contexte social de ce genre, matériellement et culturellement pauvre, abandonné à l’emprise d’un islam radical, est extrêmement vulnérable aux tensions sectaires. L’engagement social et culturel à concéder serait immense, mais l’Etat ne montre aucune volonté de régler ce problème. Après tout, tant que les coptes auront peur, ils préfèreront soutenir le régime militaire, plutôt que de risquer de retourner à un gouvernement islamiste. Mais jusqu’à quand cette technique fonctionnera-t-elle ?