La procédure intentée par des Palestiniens originaires de Beit Jala, près de Bethléem, est basée sur le précédent des procès de Nuremberg et reçoit l'appui des législateurs chiliens, selon Haaretz.
(Jérusalem/N.H.) – Une procédure pour crime de guerre a été entamée au Chili contre trois juges de la Cour suprême israélienne pour avoir autorisé la construction de la barrière de séparation en Cisjordanie dans la région de Bethléem, ont déclaré des sources palestiniennes.
En 2013, 58 propriétaires fonciers locaux, ainsi que des religieuses salésiennes de la vallée de Crémisan, avaient ensemble entamé des poursuites judiciaires.
Les résidents espéraient en une décision de la Cour suprême israélienne de 2014 – qui ordonnait à l’Etat israélien de justifier le tracé du mur de séparation dans la vallée de Crémisan de Beit Jala. Cette décision indiquait que la saisie de terres ordonnée par l’armée pourrait être annulée.
Cependant, en juillet dernier, la Cour suprême israélienne a approuvé la construction du mur en empruntant un itinéraire alternatif qui sépare encore le monastère et le couvent salésien de la communauté qu’il sert à Beit Jala, tout en annexant la vallée fertile de Crémisan, la plaçant du côté israélien du mur.
La vallée de Crémisan se trouve entre les colonies de Gilo et Har Gilo, à quelques kilomètres au sud-ouest de Jérusalem.
Les Palestiniens ont longtemps soutenu que le mur de séparation de Crémisan ne représentait aucun avantage sécuritaire pour Israël et qu’il était construit pour annexer les terres et relier les colonies de Gilo et Har Gilo.
La Haute Cour de justice d’Israël a également rejeté en janvier une requête déposée contre la construction du mur par la municipalité de Beit Jala, les propriétaires fonciers de Beit Jala et le monastère de Salésien, selon le groupe israélien de défense des droits de l’homme, B’Tselem.
Aujourd’hui, le procès en question qui allègue également des crimes contre l’humanité, a été déposé à Santiago lundi et a été rejoint par un certain nombre de législateurs chiliens de gauche, droite et les partis centristes.
Les requérants sont six propriétaires fonciers de Beit Jala en Cisjordanie, dont les terres seront séparées du village à la suite de la construction de la barrière. Cinq des demandeurs sont des ressortissants chiliens résidant en Amérique latine et le sixième est un Palestinien qui vit à Beit Jala.
La procédure a été intentée contre l’ancien juge en chef Asher Grunis et les juges Neal Hendel et Uzi Vogelman. Les trois étaient en fonction quand fut présentée à la Cour suprême la pétition de résidents de Beit Jala qui proposait un tracé alternatif pour la barrière suggéré par le Conseil pour la paix et la sécurité, un groupe israélien composé d’experts militaires à la retraite. Le 2 avril 2015, le tribunal a estimé que l’itinéraire alternatif – qui ne sépare pas les villageois de leurs terres – échouait de remplir le rôle sécuritaire du mur de la façon souhaitée par ministère de la Défense.
Le Chili est signataire du Statut de Rome de 2012 et inclus donc le principe de la compétence universelle dans sa constitution, donnant au pouvoir judiciaire du comté le pouvoir de poursuivre toute personne pour des crimes internationaux, quelle que soit sa nationalité ou le pays dans lequel le crime a eu lieu.
La décision de poursuivre les juges israélien est basée sur le précédent établi par les procès de Nuremberg, qui permet la condamnation des juges pour leur rôle dans la coopération avec les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, a déclaré à Haaretz un membre de l’équipe juridique.
La procédure stipule que, comme l’enquête sur les revendications est en cours, il pourrait être décidé de nommer d’autres personnes responsables de l’érection du mur, a ajouté la source. Les juges qui ont finalement autorisé le tracé du mur étaient Hendel, Zvi Zylbertal et Miriam Naor – qui a pris la sucession de Grunis en tant que juge en chef.
L’avocat qui a déposé la plainte est Nicholas Paves, un ancien gouverneur chilien. Cinq juges chiliens ont été nommés pour enquêter sur le procès, Jorge Abollado Vivanco, Sandra Rojas Gonzalez, Carlos Gutiérrez Moya, Judith Guzman Martinez et Liliana Ledesma Miranda. L’enquête pourrait inclure la convocation des juges israéliens pour interrogatoire, ou, éventuellement, les interroger en Israël.
Le Chili abrite une importnate communauté palestinienne établie dans la région au début du XXe siècle. La majorité d’entre eux sont originaires de Beit Jala.
Le Chili a voté en faveur de la reconnaissance de la Palestine aux Nations Unies en tant qu’État non membre et l’envoyé palestinien à Santiago a le statut d’ambassadeur officiel.
Un Palestinien impliqué dans le procès a déclaré que ces facteurs, ainsi que la jurisprudence universelle du Chili, ont joué un rôle clé dans la décision de porter plainte au Chili. Il a également noté que le public au Chili est à l’écoute des questions de droits de l’homme et de crimes contre l’humanité en raison de son passé en tant que dictature militaire sous le régime d’Augusto Pinochet.
Les autorités israéliennes ont repris la construction du mur de séparation à Crémisan plus tôt cette année et cela malgré la condamnation internationale. L’Union européenne a averti qu’une fois terminée, le mur limiterait sévèrement l’accès de près de 60 familles palestiniennes à leurs terres agricoles. Pendant ce temps, près de 60 kilomètres du mur ont déjà coupé le district de Bethléem et sont construits sur des terres palestiniennes.
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