L'eau du lac de Kinneret diminue d'année en année. Les experts expriment leur inquiétude : le niveau du Lac de Tibériade est le plus bas depuis un siècle.
La Mer de Galilée ne rassemble pas à une mer aujourd’hui. Egalement connu sous le nom de Lac de Tibériade ou Lac de Kinneret, le bassin a atteint en 2017 son niveau le plus bas depuis 100 ans d’après l’Autorité Israélienne de l’Eau. Des milliers de pèlerins ont eu – et ont chaque jour – l’occasion d’admirer ses rives. En effet, selon les Evangiles, il s’agit d’un des endroits principaux de la vie de Jésus : lieu de la pêche miraculeuse, de la multiplication des pains, là où « Jésus se manifesta aux disciples ». Mais le lac qu’ils voient aujourd’hui est bien différent de celui d’alors.
Le Lac de Tibériade est la principale réserve d’eau douce du pays. Aujourd’hui il ne fournit l’eau qu’aux alentours de la Galilée. Trois quart de l’eau potable et plus de la moitié de l’eau d’irrigation proviennent d’usines de dessalement d’eau de mer. Elles couvrent 75% des besoins en Israël. Comment se fait-il, alors, que le niveau de l’eau du lac continue à diminuer? La situation est « désormais sérieuse », a déclaré Amir Givati de l’Autorité de l’Eau d’Israël. Le lac de Tibériade a été exploité pendant des années comme la seule ressource d’eau du pays. Elle était ainsi pompée en grandes quantités jusqu’au désert du Néguev , au sud d’Israël. C’est le rêve sioniste de faire fleurir le désert.
A partir de 2015, grâce à la mise en place d’usines de dessalement de l’eau de mer, les 300 millions de mètres cubes d’eau pompée auparavant sont devenus 50. Mais le lac avait déjà perdu beaucoup d’eau, et il n’est pas le seul. L’extinction de la Mer Morte, qui s’assèche également d’année en année, s’explique en partie par le manque d’eau de la rivière du Jourdain, son principal affluent. Lequel passe par le Lac de Tibériade.
Pour mesurer la diminution des eaux, il est nécessaire de compter à l’envers. En effet, le Lac de Tibériade se trouve environ à 200 mètres sous le niveau de la mer. L’Autorité de l’Eau compte aujourd’hui 213 centimètres d’eaux, en dessous de la « ligne rouge » de 208 centimètres. En théorie, il ne serait guère possible de pomper de l’eau de Tibériade aujourd’hui. On s’approche de la « ligne noire » : 214 centimètres en dessous du niveau de la mer. C’est la limite maximale à ne jamais dépasser.
A cela s’ajoute que, depuis quatre ans, les hivers sont de plus en plus secs et les précipitations peu fréquentes. On ne parvient donc pas à retrouver un niveau d’eau acceptable par le cycle naturel, d’autant plus qu’on continue à pomper. Les chiffres ne laissent rien présager de bon : en février 2017, seulement 10% des pluies annuelles ont été enregistrées. Normalement, elles devraient atteindre à cette époque 50%-60%. Même si chaque année pendant la saison hivernale on observe une montée des eaux, elle est donc beaucoup moins importante que ce qu’elle devrait être. Cette année le lac a augmenté de 22 centimètre en février, quand la moyenne annuelle normale est de 60 centimètres environ.
Les incidences de la sécheresse sont multiples. Elle a des effets visibles. Quand bien même l’essentiel de l’eau en Israël est fourni par le dessalement – un processus onéreux – une partie provient encore du lac. Mais encore, moins il ya d’eau plus elle contient de sel. Et c’est un problème pour la faune, et par conséquent pour l’industrie de la pêche. Autrefois, 22 espèces de poissons peuplaient le lac et 2.000 tonnes par an étaient péchées. Aujourd’hui, ce commerce est en crise.
Aussi, le projet de construction d’une autre usine de dessalement a été développé en Galilée Occidentale pour résoudre la question et d’arrêter totalement le pompage d’eau du côté israélien. Cependant, les manifestations locales empêchent sa construction effective. Entre-temps, des programmes contre le gaspillage de l’eau ont été mis en place par le gouvernement. « Coupe l’eau quand tu te brosses les dents! Tu vides le Kinneret! » est l’un des conseils que donnent les mamans israéliennes. L’éducation à l’épargne est une bonne chose. Mais Julie Trottier, directrice de recherche au CNRS à Jérusalem, rappelle que « l’eau utilisée chaque jour par les ménages ne représente que 7% de la consommation. L’irrigation en revanche représente 93% ». Le problème est donc ailleurs.
Frère Luca, gardien du Couvent de Capharnaüm au nord du Lac de Tibériade, s’est rendu compte de la situation : « Ici on le voit, le lac a baissé. On l’a constaté tout au long de 2016, jusqu’à novembre ». « C’était impressionnant – s’exclame le frère de la Custodie de Terre Sainte – la plage s’est étendue d’au moins cinq ou six mètres! Nous le voyons en observant les rochers : certains étaient couverts par l’eau et maintenant ils ne le sont plus. De cette façon, nous pouvons observer chaque jour le niveau des eaux sur lesquelles Jésus a marché ». Quelques centimètres, comme le souligne Frère Luca, laissent aparaître des mètres carrés de plage supplémentaires. Les pèlerins qui avaient déjà visité le lac sont frappés par la différence : « Le lac s’assèche! ».
Quand le Seigneur reviendra, retrouvera-t-il des eaux sur lesquelles marcher ?