Vendredi commençait le bref voyage du pape François en Egypte. Sens de ce voyage et attentes du peuple et des Eglises qui l’accueillent. Entretien avec le franciscain Mamdouh Chéhab Bassilios.
« Salam alaykoum ! La paix soit avec vous ». Le pape avait auparavant salué le « cher peuple d’Egypte », à l’approche de sa visite dans le pays. « Je souhaite – dit François dans un message vidéo diffusé le 25 avril et transmis aussi à la télévision égyptienne – que cette visite soit une accolade de consolation et d’encouragement à tous les chrétiens du Moyen-Orient ; un message d’amitié et d’estime à tous les habitants d’Egypte ; un message de fraternité et de réconciliation à tous les fils d’Abraham, particulièrement au monde musulman. Enfin également une contribution précieuse au dialogue interreligieux avec le monde de l’islam et au dialogue œcuménique avec la vénérée et bien aimée Eglise Copte Orthodoxe ».
Le programme du voyage – d’une durée de 36 heures de l’accueil officiel à l’aéroport à 14h le vendredi 28 avril jusqu’au départ le lendemain à 17h – est particulièrement dense. Mais ce tour de force est désormais une constante des voyages du pape Bergoglio. La première étape a eu lieu au palais présidentiel, où s’est déroulée la rencontre privée avec le chef de l’Etat Abdel Fattah al-Sissi. Ensuite, le Pape s’est rendu à l’Université d’Al-Azhar, pour une réunion privée avec le grand imam Ahmed Al-Tahyeb. Le Pape a participé à la Conférence internationale pour la paix justement prévue dans cette université, l’une des plus importantes institutions théologiques de l’islam sunnite. Il fut également présent à la rencontre avec Bartholomée Ier, Patriarche œcuménique de Constantinople, qui était déjà avec François lors de sa visite à Lesbos l’an dernier et en 2014 en Terre Sainte.
Dans l’après-midi, le Pape a rencontré des personnalités de la politique, de l’économie et de la culture. Puis il s’est rendu au Patriarcat copte, du pape Tawadros II. Il a rejoint avec Bartolomée l’église al-Botrosiyya (Saint-Pierre) pour prier pour les chrétiens coptes tués dans les attentats du 9 avril dernier, le dimanche des Rameaux. Après le dîner, François a rencontré les représentants des fidèles catholiques rassemblés en pèlerinage d’autres localités d’Egypte.
Ce matin, le Pape a célébré la messe au Stade de l’Aéronautique militaire. Le déjeuner est prévu avec les évêques, et dans l’après-midi une rencontre est programmée avec des prêtres, des séminaristes et des religieuses.
Parmi les participants à ce dernier événement, il y aura aussi Frère Mamdouh Chéhab Bassilios, supérieur du Couvent franciscain de l’Assomption de la Très Sainte Vierge Marie au Caire, dans le quartier populaire de Muski. « Les Egyptiens – explique le prêtre – attendent avec beaucoup d’enthousiasme la visite du Saint Père. Au lendemain des attentats du dimanche des Rameaux, beaucoup s’attendaient à ce qu’il renonce à son voyage. Le Pape nous a surpris, en insistant sur la réalisation de ce voyage. »
Comment le pays vit-il l’arrivée du Pape ?
Pour le moment, les sentiments sont mêlés de joie et d’appréhension. L’opinion publique y prête une grande attention. La route qui mène de l’aéroport au centre, « Salah Salem », est remplie de grandes affiches avec la devise du voyage : « Le Pape de la Paix dans l’Egypte de la Paix ». Journaux, chaînes de télévision satellites ou privées ne font qu’en parler. Certains commentateurs connus comme Amr Adib, Lamis al-Hadidi, Ibrahim Issa, chantent les louanges de l’humble pape.
Qu’attendent les catholiques en particulier ?
Les catholiques sont toujours une minorité au sein de la minorité chrétienne en Egypte. Recevoir la visite du Saint Père implique une plus grande reconnaissance envers l’Eglise copte et l’Etat. C’est un grand soutien pour l’Eglise locale. Face à la menace du terrorisme, l’arrivée du Pape nous soutient dans la foi et nous aide à ne pas nous laisser aller à la peur.
Quelles sont les attentes de l’Eglise copte ?
Les frères coptes attendent le Pape non seulement parce qu’il donne une impulsion à la réalisation de l’unité entre les Eglises, mais aussi parce qu’il offre son soutien à l’Eglise des martyrs. Une grande affinité spirituelle lie Tawadros et François. Le Patriarche copte a notamment été très touché par la récente visite du cardinal Kurt Koch (Président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens – ndlr) qui a fait part à l’Eglise copte des condoléances du pape François après les récents attentats. Pour les coptes, la question œcuménique reste au cœur, mais le chemin à parcourir pour aplanir les divergences doctrinales et dogmatiques est encore long.
Le Pape a participé à la conférence interreligieuse d’Al Azhar. Cette nouvelle réunion du dialogue avec l’Islam va-t-elle aider à vaincre l’intégrisme ?
En tant que chrétiens égyptiens, nous le souhaitons. Nous l’espérons, même. Mais malheureusement, nous avons déchanté sur cette question. Al Azhar, jusqu’à présent, n’a pas condamné les terroristes parce qu’ils font partie de ceux qui professent les deux shahada (profession de foi à deux éléments) qui est la croyance en un Dieu et son prophète, bien qu’il condamne les actions terroristes de l’Etat islamique. Malheureusement, s’il n’y a pas de condamnation plus ferme, ce ne sera pas une conférence interreligieuse sur le thème de la paix qui vaincra l’intégrisme.