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La demeure du Calife

Carla Benelli - Ossama Hamdan
30 mai 2017
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Le palais d’Hisham à Khirbat al Mafjar, au nord de l’oasis de Jéricho, est l’un des monuments les plus importants de l’art islamique en Palestine.
Le complexe se compose d’un palais, d’une mosquée,
de thermes, de jardins et de fontaines.
Grâce à un projet de restauration financé par le gouvernement japonais, les riches mosaïques seront préservées.


Qasr Hisham, le Palais d’Hisham, au cœur de l’oasis de Jéricho, dans les Territoires contrôlés par l’Autorité palestinienne, est l’un des monuments omeyyades les plus importants (VIIe-VIIIe siècle après J.-C.).
Il est réputé pour la richesse de ses ornements, de ses sculptures et surtout de ses magnifiques sols de mosaïque.
Entre 1935 et 1948, sous le Mandat britannique en Palestine, les ruines du site de Khirbat al Mafjar, à quelques kilomètres au nord du centre de l’oasis, avaient été creusées par deux archéologues : D.C. Baramki et R.W. Hamilton. Les fouilles permirent d’identifier un complexe palatial de la première moitié du VIIIe siècle après J.-C. Après la découverte d’une pierre gravée faisant référence au calife Hisham ibn ‛Abd al-Malik (691-743), qui a gouverné le Califat omeyyade puis toute la région de 724 à 743, la construction fut attribuée à Hisham et baptisée Qasr Hisham.

 

Entouré d’un mur d’enceinte orné de tours semi-circulaires faisant saillie sur les angles et sur le centre de chaque rempart, le complexe était composé d’un palais, d’une mosquée, de thermes et d’un caravansérail, le tout enrichi de jardins et de fontaines. A dominante romaine, la structure architecturale combinait la salle d’audience et les thermes à la forteresse quadrangulaire. L’irrigation des jardins et des cultures était assurée par un aqueduc de plus de trois kilomètres, qui apportait l’eau de la source Ayn Duyuk. L’aqueduc est tombé en ruines, l’endroit est devenu complètement désertique, mais il devait être à l’époque un espace luxuriant et vert.
Le vaste complexe a finalement été définitivement abandonné vers les IXe et Xe siècles : il a été durement frappé par une série de tremblements de terre, dont l’un particulièrement dévastateur en 749, probablement subi alors que certaines parties étaient encore en cours de construction.

La mosaïque, dite de “l’arbre de vie” sur laquelle figure une bête sauvage attaquant des gazelles sous un arbre, est une des rares mosaïques aujourd’hui visible au public.

 

Le palais se déployait sur deux étages autour d’une cour à portiques ouvrant sur les pièces à vivre, sur une petite mosquée et sur une grande salle. Au centre du côté ouest, un escalier descendait vers des bains souterrains (sirdab) protégés en haut par une balustrade et richement décorés au sol de mosaïques ayant survécu à la destruction.
Sur le côté est de la cour, se trouvait une grande mosquée – pour une grande part à ciel ouvert – qui indiquait la prière au sud. Sur le côté opposé, un couloir de colonnades reliait le palais aux thermes, débouchant directement dans la grande pièce. La grande salle des bains, de 30 mètres de long, jouissait d’un sol de fines mosaïques à entrelacs géométriques très élaborés, ainsi que de parois murales agrémentées de niches. Elle était surmontée d’une coupole soutenue par 16 piliers polylobés. L’ensemble de la mosaïque du sol (qui existe toujours) atteint les 800 mètres carrés et se compose de 38 panneaux aux formes régulières. Ils ont presque tous des décorations différentes, et sont positionnés tels des tapis bordés autour des piliers d’éléments triangulaires qui respectent la conception architecturale de la pièce. Un motif circulaire définit le centre de la pièce, sous la coupole principale, et les tapis semi-circulaires ont été placés sous les absides.
évolution des sujets.

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Tout le répertoire établi au cours des siècles précédents, de l’époque hellénistique aux époques romaine et byzantine, se retrouve dans les mosaïques de Qasr Hisham. Mais la plupart des tapis se sont largement répandus sur les mosaïques des sols de la Palestine et de la Jordanie des trois derniers siècles précédant la période omeyyade. Nous trouvons des tapis composés d’entrelacs complexes, avec une préférence pour l’utilisation d’éléments floraux, des motifs d’arc-en-ciel, des pointillés, des zigzag, des nœuds multiples, de grands motifs circulaires reposant sur une répétition régulière couvrant toutes les surfaces. Il s’agit d’un développement caractéristique des mosaïques de la première époque islamique. Celle-ci semble donner naissance à
un goût esthétique se tournant vers l’abandon des formes
naturalistes pour des géométries qui ont tendance à surmonter la peur du vide, une horreur du vide qui pousse à couvrir toutes les surfaces avec des détails particulièrement fins.
Les autres parties du hamam, (prefurnia pour le feu, le bain de vapeur et les latrines), se trouvent à l’extérieur du mur nord de la grande pièce.
A l’angle nord-est, une petite pièce avait été transformée avec un dôme et des murs recouverts de stuc, aux mosaïques fines, représentant l’Arbre de Vie, sur lequel on pourrait imaginer siéger le maître des lieux, sur un podium.

Voilà ce que le visiteur peut voir aujourd’hui du riche palais d’antan. Un film de 15 minutes, sur site, permet de s’en faire une idée. Son visionnage est hautement recommandé avant une visite.

Vous avez dit Hisham ?

Au cours des siècles de la domination omeyyade sur la région, entre les VIIe et VIIIe siècles, ce type de bâtiment (dont d’autres exemples existent en Jordanie, en Syrie et Israël) étaient des points de référence pour les différentes tribus arabes qui traversaient les territoires sous le contrôle du califat. Là, les tribus se réunissaient et pouvaient utiliser les bains et profiter des spectacles de musique et de poésie qui se donnaient dans les grandes pièces des thermes.

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Les fouilles ont largement démontré le luxe de la construction du palais : découverte de fragments de fresques polychromes, de marbre, de stuc sur les murs, mais aussi des sculptures en ronde-bosse ornant les niches intérieures et extérieures de la grande salle des thermes. La plupart de ces découvertes sont maintenant exposées au Musée Rockefeller à Jérusalem, qui, avant 1967, était le Musée National Palestinien.
Les chercheurs n’ont jamais été vraiment convaincus par l’attribution du palais au calife Hisham. Ce dernier était trop sérieux pour avoir conçu des décorations aussi luxueuses et riches. Les stucs représentaient aussi des animaux impurs comme les porcs, et des danseurs à moitié nus. Ils décoraient non seulement l’entrée du bâtiment, mais surtout, le cadre des thermes, où avaient lieu des danses et des bals, et où les concavités multiples des absides et des dômes amplifiaient les propriétés acoustiques. Certains pensent plus raisonnable d’attribuer le palais à Walid ibn Yazid, l’héritier d’Hisham, célèbre pour son inconvenance et son amour de la poésie. L’abside principale de la pièce, face à l’entrée, a été surplombée d’une chaîne de cinq mailles, entièrement sculptée dans une pierre unique, qui devait indiquer la royauté de ceux qui s’asseyaient en dessous. Parallèlement à la chaîne, le sol de mosaïques représentait un fruit étrange duquel émergeaient une lance et un couteau. Cette représentation – très commune pour les mosaïques de l’époque, mais unique sur les 800 mètres carrés de mosaïques qui couvraient le sol de la pièce -, l’architecte Hamilton la considérait comme une véritable énigme et lui a donné le nom de Walid (en arabe qui est né) à partir de ce bourgeon particulier.
Suivant son raisonnement, l’étudiante Doris Behrens-Abouseif a tenté une autre interprétation de la mosaïque de la petite pièce avec l’abside. Traditionnellement, le grand arbre avec à droite un lion attaquant une gazelle et à gauche deux gazelles paisibles qui paissent, est interprété comme le symbole du “bien” et du “mal”, donc un “Arbre de vie”. Selon Mme Behrens-Abouseif, ce ne sont pas le bien et le mal qui sont représentés ici, mais la force masculine d’un côté et la grâce féminine de l’autre. La gazelle, symbole de la beauté féminine dans la culture arabe, est la proie du lion. Walid, poète et chasseur, a dédié une grande part de sa poésie à l’amour.♦


Restauration des mosaïques en vue

Depuis les interventions de préservation du patrimoine à l’époque de l’occupation jordanienne, et malgré la contribution, après les accords d’Oslo de 1993, du père Michele Piccirillo, archéologue franciscain du Studium Biblicum de la Custodie, qui avait su mobiliser l’UNESCO, rien ou quasi n’a été fait – pour de multiples raisons internes et externes – par l’Autorité palestinienne pour restaurer, protéger et pouvoir montrer au public l’inestimable trésor des mosaïques du palais d’Hisham.

Pour autant, l’Autorité palestinienne n’a pas renoncé. En octobre dernier, elle a signé un accord avec le gouvernement japonais qui se serait engagé à hauteur de 12 millions de dollars. D’ici à la fin 2018, les mosaïques devraient être protégées par un abri et un chemin de visite devrait être mis en place.

A l’occasion de cet accord, les mosaïques habituellement recouvertes de bâches et protégés de plusieurs tonnes de sable, ont été dévoilées révélant leur splendeur. C’était la première fois depuis 2011, quand le ministère palestinien des Antiquités les fit dégager pour une campagne photographique.

 

D’une surface d’environ 820 m2, et la mosaïque des termes composée de 38 panneaux aux motifs floraux et géométriques est l’une des plus grandes et des plus anciennes du Moyen-Orient à n’avoir jamais été déplacée.

Dernière mise à jour: 16/01/2024 14:41

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