L'Unesco a approuvé la semaine passée une résolution concernant la ville de Jérusalem. Une nouvelle fois l’encre a coulé. Pourquoi tous les six revient-on sur la question?
(Jérusalem) – «Peu de pays attachent autant d’importance qu’Israël aux votes de l’Unesco», écrivait le journal Le Monde en octobre 2016, lors de «l’adoption de la résolution controversée sur Jérusalem». Sept mois plus tard, un nouveau vote a eu lieu au début mai. Et, encore une fois, il a fait beaucoup couler beaucoup d’encre. Avec vingt-deux pays en faveur, dix contre et vingt-trois abstentions, une nouvelle résolution sur Jérusalem a été approuvée. Ou, devrait-on dire, une nouvelle version de la résolution «Palestine Occupée», modifiée et corrigée à plus de dix reprises depuis des années. Une résolution votée par les pays membres de l’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture et qui est encore très – trop – politisée.
Elle concerne le patrimoine historique de la vieille ville de Jérusalem. La version d’octobre 2016 avait été critiquée du fait qu’elle ne mentionnait qu’en arabe, en utilisant les termes musulmans, la ville et ses lieux saints contestés. Ainsi, le mur des lamentations et le mont du Temple n’étaient-ils définis que comme Al-Haram al-Sharif et la mosquée Al-Aqsa. Donc l’Unesco niait – ou plutôt n’affirmait pas – le lien entre la religion juive et le patrimoine de Jérusalem. Cette situation avait suscité de très vives réactions de la part d’Israël, qui a fait (unilatéralement) de la ville sa capitale. La directrice de l’Unesco avait alors affirmé que «l’héritage de Jérusalem est indivisible et chacune de ses communautés a le droit à une reconnaissance explicite de son histoire et de sa relation avec la ville. Nier, occulter ou vouloir effacer l’une ou l’autre des traditions juive, chrétienne ou musulmane revient à mettre en péril l’intégrité du site, contre les raisons qui justifièrent son inscription sur la Liste du patrimoine mondial».
Mais quelque chose a changé. A cause de la polémique, dans la résolution approuvée la semaine passée, une phrase plus générale a été ajoutée pour expliciter «l’importance de la ville pour les trois grandes religions monothéistes», judaïsme, christianisme et islam. La section I.B – celle nommée « Al-Haram al-Sharif/Al-Aqsa et ses alentours » dans la résolution d’octobre – a disparu. Cependant, le théâtre de l’absurde continue. Netanyahu a déclaré le 4 mai qu’ «Israël ne croit pas à l’Unesco» et qu’«il n’y a pas un autre peuple pour lequel Jérusalem est sacrée comme pour le peuple juif». Le gouvernement israélien continue à rejeter cette décision, surtout parce que la résolution de mai 2017 définit l’état hébreu comme «puissance occupante» de la Vieille Ville et du côté Est de Jérusalem. De plus, le texte fait référence aux situations critiques de la bande de Gaza, de la ville d’Hébron et de Bethléem. Inacceptable pour Israël.
La résolution sur Jérusalem a été promue à l’origine par l’Algérie, l’Egypte, le Liban, le Maroc, Oman, le Qatar et le Soudan. C’est aussi pour cette raison qu’Israël reste fortement critique à l’égard de la résolution en soi. Et à l’égard de l’Unesco aussi. En 2011 Israël a suspendu le versement du soutien financier à l’organisation «après l’acceptation de la Palestine comme membre» estimant qu’il s’agissait d’un «soutien au terrorisme islamiste», déclarait le ministre Naftali Bennett le 14 octobre 2016, membre du parti sioniste HaBayit HaYehudi (la Maison Juive). Certains courants de la droite israélienne avaient même proposé de «virer de les Nations Unies de leur quartier général à Jérusalem en réaction à la résolution Unesco», rapporte Haaretz.
Ces résolutions de l’Unesco font beaucoup parler sans avoir de conséquences concrètes. Sauf pour le gouvernement israélien. Le 3 mai Netanyahu déclarait «avoir demandé au ministère des Affaires étrangères de réduire d’1 million de dollars les fonds qu’Israël transfère à l’ONU». Et ce n’est pas la première fois: les fonds avaient déjà été diminués lors des deux dernières votations, notamment après celle qui condamne les implantations israéliennes en Cisjordanie approuvée par les Nations Unies en décembre, grâce à l’abstention des Etats-Unis. Ainsi, beaucoup de projets auquel Israël contribuait n’obtiendront plus de fonds de la part de l’Etat juif.
Fondamentalement, c’est surtout un dialogue de sourds qui continue entre l’Unesco qui entend protéger un patrimoine historique existant, et l’Etat hébreu qui veut que la référence à son Temple détruit il y a plus de 1900 ans (mais dont il pourrait demeurer des restes, notamment dans les sous-sols) soit constamment soulignée. D’autant, dans le judaïsme, que si Dieu a reposé en son Temple, sa Shekhina (présence) demeure encore sur l’esplanade.
Sauf à ce qu’une résolution sur le patrimoine se mêle de théologie juive et islamique en essayant de les réconcilier, la bataille restera ouverte. A moins que l’Unesco, les musulmans et les juifs, veuillent bien travailler à partir de textes existants (du début du XXe) où les formulations respectaient les uns et les autres. Dans l’exacerbation actuelle, il semble que ce soit trop leur demander. Dommage.
Lire aussi
Prière polémique: Pourquoi un juif peut-il désirer prier sur l’esplanade?