Alors que la rentrée réveille l’Eglise de Terre Sainte, l’annonce de la démission du père David Neuhaus crée la surprise. Décryptage d’une nouvelle moins surprenante qu’il n’y parait.
(Jérusalem) – La nouvelle s’est affichée ce jour sur le site du patriarcat latin. Le Père David Neuhaus a demandé à être relevé de ses fonctions de vicaire patriarcal pour les catholiques hébréophones.
C’est une lettre de remerciement pour le service accompli, signée de l’administrateur apostolique, Mgr Pierbattista Pizzaballa, qui fait office de communiqué. Le père David Neuhaus avait quant à lui signifié sa décision à la communauté dont il avait la charge le 14 août dernier expliquant être « épuisé ».
C’est un parcours atypique qui a mené David Neuhaus à la tête de la communauté chrétienne d’expression hébraïque. Né en 1962, en Afrique du Sud de parents juifs allemands, David est arrivé en Israël pour poursuivre ses études en Sciences Politiques à l’université hébraïque de Jérusalem. De nombreux articles ont retracé le parcours de sa conversion au christianisme, son entrée chez les jésuites, son parcours de prêtre au service du patriarcat latin, comme professeur au séminaire diocésain de Beit Jala où cet israélien a enseigné en langue arabe.
En mars 2009, il est nommé par le patriarche d’alors, Mgr Fouad Twal, vicaire patriarcal pour les catholiques hébréophones. C’est de ce poste dont, à sa demande, il a été relevé après l’avoir tenu avec brio pendant 12 ans.
Pour ceux qui suivent l’actualité des catholiques latins de Terre Sainte, cette nouvelle s’ajoute à tous les changements que connaît déjà le diocèse. La rapidité d’acceptation de la démission du patriarche émérite Mgr Twal en 2016, la nomination d’un administrateur apostolique, en la personne du franciscain italien et Custode sortant, Pierbattista Pizzaballa, la démission du vicaire patriarcal en Jordanie, Mgr Mahoun Lahham, la nomination à sa place du Palestinien William Shomali, le déménagement de Mgr Marcuzzo de Nazareth où il était évêque auxiliaire pour Jérusalem avec le même titre, son remplacement par un jordanien, le père Hanna Kaldani, avec le titre de vicaire patriarcal, les changements opérés au séminaire et dans les paroisses. Le moins que l’on puisse dire c’est que l’Eglise catholique latine (de rite romain) de Terre Sainte connaît de profonds bouleversements.
La démission du père David Neuhaus s’inscrit-elle dans le même mouvement ? La raison invoquée est celle de l’épuisement. Quiconque connaît le père David sait qu’il s’est donné corps et âme à la communauté qu’il a servie et que ces années dernières une grande partie de son énergie a été consacrée au travail auprès des migrants légaux et illégaux présents en Israël. Une communauté qui, numériquement, est devenue plus nombreuse que la communauté des chrétiens locaux palestiniens, arabes en Israël et Palestine. Une communauté dont les problématiques sont lourdes. Tandis que la communauté de ceux juifs ayant demandé le baptême, ou de ceux ayant fait le choix de vivre une communion de destin avec le peuple juif, a considérablement diminué en nombre par rapport aux années 70 et 80 où elle était florissante. Des communautés aux problématiques et besoins très disparates et qui demandaient des soins attentifs dans une société qui ne les voit pas du meilleur œil. Personne ne savait vraiment ce qu’il en coutait au père David de garder le cap, l’énergie, l’attention, le soin et le sourire le plus souvent quand il accueillait les sollicitations diverses qui venaient s’ajouter à son travail pastoral. On le sait maintenant : il est épuisé et a besoin de se ressourcer après avoir tant donné.
Douze ans, quand on y songe, c’est un rythme normal de changement dans l’Eglise catholique. A d’autres on confie des mandats de 6 ans renouvelables.
Pour se renouveler dans son travail, il faut changer. Or quel changement s’offrait au père David ? La possibilité de devenir évêque de la communauté hebréophone comme en son temps Mgr Jean-Baptiste Gourion ? Fut un temps, la communion des Qehilot, les paroisses hébréophones, avait espéré de nouveau avoir leur propre évêque. La nomination d’un vicaire patriarcal à leur tête avait sonné le glas de cette aspiration. Dans l’église arabophone, certains disaient qu’ « avant de créer un diocèse pour 300 personnes, il faudrait créer un diocèse pour la Jordanie ». D’autres interrogeaient, faut-il une nouvelle déchirure/couture, à la tunique du Christ en Terre Sainte ?
La possibilité de devenir évêque auxiliaire en Israël en remplacement de Mgr Marcuzzo nommé à Jérusalem ? Après la nomination d’un administrateur apostolique italien, Rome ne pouvait pas faire accepter à la communauté palestinienne qu’un jésuite juif israélien soit nommé évêque de la plus importante communauté arabe chrétienne, celle présente en Israël. Le père David était en quelque sorte condamné à faire la même chose avec les mêmes pour les 20 ans à venir.
Il a jugé qu’il était temps pour lui de reprendre souffle et pour sa communauté de poursuivre sa croissance sans lui. C’est courageux et on imagine ce que cela peut avoir de douloureux pour celui qu’il suffisait de voir au milieu des siens pour comprendre que l’appellation de père n’avait rien de formel.
Une page se tourne pour les Qehilot et pour le père David. Reste à lui souhaiter de trouver le moyen de reconstituer ses forces, de recentrer son énergie sur ce chemin que le Seigneur semble lui avoir indiqué. Quiconque le connait et l’apprécie ne doute pas un instant que ce passage, douloureux comme ils le sont tous, sera pour l’éclosion de nouveaux projets au service des chrétiens de Terre sainte et singulièrement en Israël.