L'Etat hébreu a annoncé son retrait de l'Unesco le 12 octobre, emboîtant le pas aux Etats-Unis qui ont fustigé les positions « anti-israéliennes » de l'organisation onusienne. Retour sur des années de contentieux.
C’est une première pour Tel Aviv. Une seconde pour Washington. Si la menace planait depuis des mois, les Etats-Unis ont annoncé jeudi 12 octobre 2017 qu’ils se retiraient de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco). Au-delà de raisons financières qui ont pesé dans ce retrait, les Etats-Unis accusent principalement l’institution d’être « anti-israélienne », a annoncé jeudi dans un communiqué sa directrice générale, Irina Bokova. Quelques heures après l’annonce américaine, l’Etat hébreu a suivi l’exemple américain. « Nous entrons dans une nouvelle ère aux Nations unies, celle où, quand on pratique la discrimination contre Israël, il faut en payer le prix », a déclaré Danny Danon, ambassadeur d’Israël auprès de l’Onu. En bref, de l’eau au moulin de ceux qui estiment que les conflits du Moyen-Orient sont entrés à l’Unesco.
Jeudi, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, a ainsi « donné pour instruction au ministère des Affaires étrangères de préparer le retrait d’Israël de l’organisation, parallèlement aux Etats-Unis », selon un communiqué de son bureau. « L’Unesco est devenue le théâtre de l’absurde où l’on déforme l’histoire au lieu de la préserver », a-t-il ajouté. Et sur le sujet, la classe politique israélienne est assez unanime : « L’Unesco ne s’occupe pas de l’histoire. Elle s’occupe de déformer l’histoire juive », a également jugé Avi Gabbay, le chef du parti travailliste (centre-gauche), principal parti d’opposition en Israël.
Pour faire court, les deux pays alliés n’apprécient pas les décisions qui ont été prises ces dernières années en faveur de la Palestine (défendues par les pays arabes). L’étincelle qui a mis le feu aux poudres est sans aucun doute la dernière résolution de l’Unesco adoptée le 7 juillet dernier déclarant la vieille ville d’Hébron, en Cisjordanie occupée, « zone protégée » du patrimoine mondial. Comprendre que Hébron a été classée comme un patrimoine palestinien menacé par la colonisation israélienne, alors que les Juifs y revendiquent une présence de 4000 ans. Une décision alors qualifiée de « délirante » par Israël. Le ministère israélien des Affaires étrangères avait même parlé de « souillure morale », estimant qu’elle niait l’histoire juive de la ville. Aussi, Washington avait-il prévenu, début juillet, de son intention de réexaminer ses liens avec l’Unesco. L’ambassadrice des Etats-Unis à l’Onu, Nikki Haley, n’y était pas allée de main morte pour montrer son désaccord avec la décision de concéder à Hébron le statut de « zone protégée », la qualifiant d’ « affront à l’histoire. »
Des années de contentieux
C’est donc cette ultime décision qui a été la goutte faisant déborder un vase plein de contentieux se cumulant depuis des années. Les Etats-Unis, avaient déjà pris leurs distances avec l’Unesco depuis l’admission de la Palestine comme membre à part entière de l’Unesco, en octobre 2011. En vertu d’une loi américaine des années 90, qui interdit à Washington de financer une agence reconnaissant la Palestine comme Etat, l’administration Obama avait dû cesser les financements. A noter que la contribution de l’Oncle Sam représentait une part non négligeable du budget de l’Unesco (environ 22 %). Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou avait, sur ce sujet, ordonné le gel de la contribution de l’Etat hébreu à l’institution soit 2 millions de dollars.
En juin 2012, l’Unesco inscrit le site de l’église de la Nativité de Bethléem au Patrimoine mondial, usant d’une procédure d’urgence qui suscite une vive protestation d’Israël. Il s’agit du premier site palestinien inscrit sur la liste du Patrimoine mondial de l’Organisation. Les Etats-Unis se disent alors « profondément déçus. »
En octobre 2015, Israël qualifie de « honteuse » la résolution sur la Palestine critiquant la politique d’Israël concernant les lieux saints musulmans à Jérusalem. Et en avril 2016, à l’initiative de plusieurs pays arabes, le conseil exécutif de l’Unesco adopte une décision sur la « Palestine occupée » visant à « sauvegarder le patrimoine culturel palestinien et le caractère distinctif de Jérusalem-Est ». Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu condamne alors un texte « absurde ». Pour rappel, les sites les plus sacrés du judaïsme, le Mur des Lamentations et le Mont du Temple (l’Esplanade des Mosquées, également troisième lieu saint de l’islam), se trouvent à Jérusalem-Est.
Il y a pile un an, en octobre 2016, l’Unesco adopte une résolution sur Jérusalem-Est portée par des pays arabes au nom de la protection du patrimoine culturel palestinien. Les textes votés à l’Unesco ne font mention que des noms musulmans de l’Esplanade des Mosquées. Ils nient donc en creux, « le lien d’Israël avec le mont du Temple », estime le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou. Israël rappelle alors son ambassadeur à l’Unesco.
Le 5 mai 2017, soit quelques mois avant la pomme de discorde que représente Hébron, une résolution sur le statut de Jérusalem présentant Israël comme « puissance occupante » est entérinée par le Conseil exécutif de l’Unesco en séance plénière. Israël avait déjà annoncé une nouvelle réduction de sa contribution à l’Onu pour dénoncer la résolution qui nie, selon Benjamin Netanyahu, le lien historique entre les juifs et Jérusalem.
Les décisions américaine et israélienne, remarquées mais, comme on l’a vu, prévisibles interviennent alors que l’Unesco, en perte de vitesse et en quête d’un second souffle est – à l’heure où est écrit cet article – d’élire son nouveau directeur général. L’Amérique se contentera, à partir du 31 décembre 2018, d’un statut d’observateur au sein d’une institution. Le chef du gouvernement israélien a quant à lui donné pour instruction au ministère israélien des Affaires étrangères de « préparer le retrait » du pays de l’Unesco. Ce qui laisse entendre une démarche dans le temps, susceptible de changer si les circonstances s’y prêtent, indique le journal français Le Monde, d’après une source officielle. En ce sens, l’identité du nouveau directeur général de l’organisation onusienne sera déterminante. On l’entend bien : selon qu’il sera Egyptien, Qatari ou Français, le second souffle attendu par l’Unesco pourrait ne pas aller dans le sens d’Israël…. Quoi qu’il en soit, cela n’enlèvera de toute façon pas les critiques décochées depuis des années par l’Etat hébreu à l’encontre de l’organe onusien.