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Coup de théâtre, un odéon retrouvé au pied du Mur Occidental

Christophe Lafontaine
17 octobre 2017
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Des archéologues israéliens ont présenté lundi 16 octobre 2017 un nouveau pan du Mur des Lamentations à Jérusalem récemment mis au jour, ainsi qu'un bâtiment public romain, ressemblant à un petit théâtre. Inédit.


Après deux ans de fouilles, des archéologues israéliens ont présenté lundi leurs dernières trouvailles lors d’une conférence de presse. Ils ont récemment mis à la lumière une partie du Mur Occidental (dit des Lamentations) vieux de 2000 ans. Les archéologues font état de pierres très bien conservées et de grande qualité bien que l’ensemble soit resté sous terre pendant 17 siècles. Ensevelie sous une couche de terre de 8 mètres, dans les tunnels du Mur occidental, cette section du mur est large de 15 mètres et haute de huit mètres. Le Mur des Lamentations est le seul vestige d’un mur de soutènement du deuxième Temple juif détruit par les Romains en l’an 70. Pour mémoire, une autre section du Mur des Lamentations avait été révélée en 2007.

Lors de ces fouilles, les archéologues de l’Autorité des Antiquités d’Israël (AAI)  sont aussi tombés à leur grande surprise sur les vestiges d’un édifice public romain de forme circulaire. Il aurait été érigé au IIème ou IIIème siècle après J-C près du Mont du Temple (Esplanade des Mosquées pour les musulmans). « Du point de vue de la recherche, c’est une découverte sensationnelle », s’émeuvent les archéologues du site, Joe Uziel, Tehillah Lieberman et Avi Solomon dans un communiqué, alors qu’ils s’attendaient à trouver une rue romaine à la base du mur. C’est la première fois qu’un tel bâtiment public romain est mis au jour au pied du mur dans la vieille ville de Jérusalem. Dans son communiqué, l’Autorité des Antiquités a précisé qu’il n‘était pas possible de déterminer si ce bâtiment était voué à organiser des réunions de l’administration romaine ou servait comme lieu de spectacles. Sa taille « relativement petite » et « son emplacement, sous un espace couvert (…), nous amène à penser qu’il s’agit d’une structure connue dans le monde romain sous le nom d’Odéon », est-il indiqué dans le communiqué. De fait, les chercheurs du site font état d’un espace de 200 places. Une envergure plutôt modeste par rapport aux théâtres romains de Césarée, Beit She’an ou Beit Guvrin. Dans la plupart des cas, de telles structures étaient utilisées pour des représentations acoustiques, comme les structures connues sous le nom de « bouleutérion », l’ancêtre du siège du conseil municipal. Enfoui dans la terre pendant des siècles, ce petit auditorium est situé sous l’Arche de Wilson du nom de Charles Wilson, un archéologue britannique ayant effectué des fouilles au XIXe siècle dans cette partie de la Vieille ville. L’arche – un pont qui reliait l’esplanade du temple d’Hérode à la ville haute – est l’un des éléments restés intacts de l’époque du Second Temple.

Cependant, même si la destination finale de l’auditorium n’est pas complètement connue, cette découverte confirme des écrits historiques décrivant un théâtre près du Mont du Temple. Les références se retrouvent dans les textes de Flavius Josèphe et dans les écrits de la période qui a suivi la destruction du Second Temple, lorsque Jérusalem est devenue une colonie romaine appelée Ælia Capitolina. Mais l’odéon avait jusque-là échappé aux fouilles de Jérusalem pendant environ 150 ans depuis  l’époque des premières fouilles modernes. Dans les années 1860, l’archéologue britannique Charles Wilson fut le premier à chercher un tel théâtre dans les environs du Mur occidental. « Beaucoup de théories ont été avancées quant à l’emplacement de ces complexes, mais ils étaient sans fondement archéologique jusqu’à cette dernière découverte », explique le communiqué de l’Autorité des Antiquités d’Israël. Inachevé, la construction de l’odéon a probablement été interrompue au moment  d’une révolte des Juifs contre les Romains, la fameuse révolte de Bar Kokhba (vers132-136 après JC). Il s’agissait de la seconde insurrection des juifs de la province de Judée contre l’Empire romain. Des constructions inachevées de cette période ont été d’ailleurs découvertes par le passé lors des fouilles du site archéologique du Cardo.

Crapauds d’outre-tombe à la lumière du jour

Ces découvertes seront présentées au public le 18 octobre 2017 lors d’une conférence intitulée « Nouvelles études dans l’archéologie de Jérusalem et sa région » qui se tiendra à l’Université hébraïque. Parmi les récentes fouilles, l’Autorité des Antiquités d’Israël présentera également ses recherches sur les coutumes funéraires durant la période cananéenne suite à la découverte de restes de crapauds retrouvés à Jérusalem dans une tombe datant de 4 000 ans. Dans un communiqué en date du 25 septembre 2017, l’Autorité des antiquités avait en effet indiqué que neuf batraciens décapités avaient été retrouvés dans une jarre bien conservée à l’intérieur d’une tombe datant de la période cananéenne de l’âge du bronze moyen. Selon les deux directeurs de recherche, Shua Kisilevitz et Zohar Turgeman-Yaffe, le fait d’avoir trouvé des tombeaux intentionnellement scellés est un « trésor inestimable » qui permet aux archéologues d’étudier des objets quasiment dans leur état d’origine et de mettre en lumière les coutumes funéraires de l’époque D’après les chercheurs, les squelettes des crapauds retrouvés en contexte sépulcral, feraient partie d’une offrande pour un défunt qui devait les utiliser dans l’au-delà. Ce cas de figure expliquerait pourquoi les crapauds auraient été décapités. Habituellement, pour retirer la peau toxique du crapaud, on lui coupe la tête et les orteils. La présence de ces crapauds d’outre-tombe porterait aussi une valeur apotropaïque – comme c’est le cas dans les civilisations gréco-romaines plus récentes – c’est-à-dire qui conjure le mauvais sort et vise à détourner les influences maléfiques. Il est possible également que le crapaud rappelle la renaissance ; lui qui hiberne au fond d’un terrier pendant l’hiver, puis réapparaît au printemps. Cette interprétation est couramment privilégiée par les auteurs souhaitant expliquer la présence d’amphibiens tétrapodes (grenouilles, crapauds, salamandres) en contexte funéraire.

Palmiers et buissons de myrtes

Les fouilles ont débuté en 2014 avant l’expansion du quartier de Manaḥat, près du zoo biblique de Jérusalem. Selon Shua Kisilevitz et Zohar Turgeman-Yaffe, la section du bassin de Nahal Rephaim, où la tombe a été découverte, était autrefois un terrain fertile, en particulier pendant la période cananéenne. Les fouilles ont ainsi permis d’apporter la preuve de la culture de palmiers et de buissons de myrtes, éventuellement dans le cadre de rituels funéraires. Des pollens ont été retrouvés les pots sortis de terre. « Avant que les jarres ne soient installées dans la tombe, elles semblent avoir été en contact avec des plantes qui n’étaient pas originaires de la région, ce qui suggère que ces dernières ont été plantées spécialement pour la réalisation des rituels funéraires », a expliqué le Dr Dafna Langgut de l’institut d’archéologie de Tel-Aviv. De fait, la myrte provenait du nord du pays et les palmiers-dattiers de la vallée du Jourdain. « Au cours de cette période, le palmier dattier symbolise la fertilité et le rajeunissement, ce qui pourrait expliquer pourquoi les anciens cultivent les arbres dans cet environnement, où ils ne poussent pas naturellement » explique Dafna Langgut.

A noter aussi qu’au cours des dernières années, « des fouilles dans la région ont permis de découvrir deux sites de peuplement, deux temples et plusieurs cimetières, qui donnent un aperçu de la vie de la population locale à cette époque », ont déclaré les chercheurs dans le communiqué.

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