Isolé, le Hamas à Gaza depuis 2007, tend la main au Fatah qui dirige la Cisjordanie. Après l’échec de précédentes tentatives de rapprochement, la dernière – moins hypothétique – est à prendre avec des pincettes
L’Autorité palestinienne a fait son grand retour dans une bande de Gaza exsangue. Rami Hamdallah, son premier ministre était à la tête, lundi 2 octobre 2017, d’une délégation de plus de quatre cents personnes dans l’enclave contrôlée depuis 10 ans par le Hamas. Le lendemain, mardi 3 octobre, il présidait son premier conseil des ministres à Gaza. Cela n’était pas arrivé depuis 2014. Cette séance devait symboliser les efforts de réconciliation entre le Fatah du président Mahmoud Abbas – qui gouverne la Cisjordanie – et le Hamas qui règne à Gaza. Mais aussi préparer le terrain à un transfert des pouvoirs – au moins civils – du mouvement islamiste à l’Autorité Palestinienne. Et de surcroît, internationalement reconnue.
Cependant, la circonspection ou le réalisme sont de mise. De précédentes ébauches de rapprochement se sont soldées dans le passé par des échecs. La dernière en date a été la tentative au printemps 2014, de dépasser les divisions politiques entre les islamistes du Hamas et les nationalistes laïcs du Fatah (la principale faction de l’OLP – Organisation de Libération de la Palestine). L’accord prévoyait de régler trois points : le sort des fonctionnaires, la reconstruction de la bande de Gaza et, enfin, la tenue de nouvelles élections générales. Aucun de ces objectifs n’a été tenu.
Si cette fois-ci, la tentative d’une réconciliation paraît un peu moins hypothétique, c’est qu’elle s’explique surtout par un concours de circonstances plaçant le Hamas sous pression. D’une part, la situation humanitaire de Gaza, peuplée de deux millions d’habitants, est aujourd’hui catastrophique. L’enclave palestinienne est soumise à un sévère blocus de la part d’Israël et de l’Egypte. Les Gazouis n’ont accès à l’électricité que moins de 3 ou 4h par jour, l’accès à l’eau est plus que limité ; 95% de l’eau n’est pas potable. Selon l’Onu si la situation ne s’améliore pas, si le blocus ne prend pas fin, en 2020 la bande de Gaza deviendra « invivable ». C’est sans compter le sévère tour de vis financier donné par le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas. De fait, l’Autorité Palestinienne a cessé en juin dernier de payer à Israël les factures d’électricité pour l’enclave, afin d’accentuer les pressions sur le Hamas. Il a également gelé le salaire des fonctionnaires qui s’y trouvent.
D’autre part, la géopolitique régionale change. Le Qatar, soutien traditionnel du Hamas, est aujourd’hui dans une position délicate sur la scène internationale depuis que les autres nations du Golfe l’accusent de soutenir le terrorisme et d’entretenir des relations trop étroites avec l’Iran. Ainsi, ces pays se sont engagés dans un bras de fer diplomatique avec l’émirat qatari à qui ils imposent un boycott qui, outre les liaisons aériennes, maritimes et terrestres, a visé les médias du Qatar. Fort de cette actualité, l’Egypte du maréchal al-Sissi a tiré la couverture en sa faveur pour redevenir un acteur de médiation entre les factions palestiniennes. C’est au Caire qu’ont en effet eu lieu les principales discussions en vue d’un rapprochement Fatah-Hamas dont il a été fait état le 17 septembre dernier.
Les armes du Hamas
L’une des questions les plus sensibles de ce rapprochement est de savoir si le Hamas – à la fois parti politique et milice armée – disposant d’une force armée estimée à environ 25 000 hommes, est prêt à céder le contrôle de la sécurité à l’Autorité Palestinienne. Plusieurs observateurs israéliens évoquent déjà un risque de « hezbollahisation du Hamas », un mouvement armé qui noyaute l’Etat et maintient une organisation parallèle. Pas sûr que l’idée plaise au Fatah. « Les points de passage (avec Israël et l’Egypte), la sécurité, les ministères, tout doit être dirigé par l’Autorité palestinienne », a martelé Mahmoud Abbas dont les propos sont cités par l’agence AFP. « Ce sera un seul Etat, un seul système, une seule loi et une seule armée », a-t-il dit.
Pour le moment, un porte-parole de l’Autorité Palestinienne a précisé que Mahmoud Abbas – qui détient la clé des bailleurs de fonds internationaux, ne comptait pas lever les sanctions imposées à Gaza à ce stade, mais plutôt attendre le résultat de discussions programmées au Caire entre le Fatah et le Hamas au cours des deux prochaines semaines. L’heure de la réconciliation n’a donc pas tout a fait sonné.
Il y a aussi une autre question cruciale, celle des fonctionnaires. L’intégration des deux familles de fonctionnaires, aux allégeances contradictoires, constitue un énorme défi.
Optimisme, réalisme et circonspection
Face à ces développements, l’envoyé spécial de l’Onu pour le Proche-Orient Nickolay Mladenov a fait preuve d’un certain optimisme. « Si la région reste engagée (dans le processus), si l’Egypte continue à jouer son rôle et si les parties intéressées continuent à montrer la même volonté de travailler avec nous, cela peut marcher », a-t-il prédit. L’administration Trump, qui cherche à relancer le processus de paix, a dit « suivre attentivement » l’évolution de la situation et répété que tout gouvernement palestinien devait renoncer à la violence et reconnaître Israël. Même son de cloche côté israélien. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a prévenu dans un communiqué que son pays n’accepterait de traiter avec un gouvernement parlant au nom de toutes les factions palestiniennes que si le Hamas démantèle son bras armé, rompt avec l’Iran et reconnaît Israël. Des conditions a priori très difficiles voire impossibles à satisfaire pour le Hamas.
L’ancien homme fort du Fatah à Gaza Mohammed Dahlan, qui a joué en coulisses un rôle clé pour l’établissement d’un gouvernement d’union palestinien et qui figure parmi les successeurs potentiels de Mahmoud Abbas (82 ans) a déclaré dans une interview accordée à Reuters que « la situation interne palestinienne est plus sacrée, plus importante et plus utile maintenant que la prétendue négociation » avec Israël.
Interpol : une victoire diplomatique
En parallèle de ces possibles réconciliations inter-palestiniennes, les Palestiniens ont enregistré une nouvelle victoire diplomatique vers la reconnaissance de leur Etat. L’Etat de Palestine, qui est pour le moment un proto-Etat, a obtenu le statut de membre à part entière d’Interpol, en dépit de l’opposition d’Israël. La décision a été prise par les pays membres d’Interpol lors de l’assemblée générale de l’organisation internationale policière, actuellement organisée à Pékin, le 27 septembre dernier. Les Palestiniens disposent d’un statut d’observateur à l’Onu depuis 2012. Ils ont déjà rejoint plus de 50 organisations internationales et accords. Parmi eux, la Cour pénale internationale et l’Unesco.