Selon l’Autorité de l’Eau d’Israël, c’est la quatrième année consécutive que le nord d’Israël fait face à une pénurie de précipitations. De quoi impacter l’écosystème et la géopolitique de la région.
Le lac de Tibériade ne cesse de voir son niveau baisser. L’emblématique château d’eau d’Israël qui s’étend sur 160 km2 et situé à 200 mètres au-dessous du niveau de la mer, a soif. Et ne cesse de se vider en même temps que la population croissante en Israël met la pression sur la quantité d’eau nécessaire dans la zone. « Personne n’imaginait que nous serions confrontés à une telle situation, avec plusieurs années de sécheresse consécutives. Cela ne s’était jamais produit », explique à l’agence Reuters, Uri Schor, porte-parole de l’Autorité israélienne de l’eau (IWA). Israël s’inquiète, indique l’agence de presse américaine. Le pays souffre en effet de pénuries consécutives d’averses depuis quatre ans et risque d’être à court d’eau. Ainsi que, bien sûr, son voisin palestinien. Car les frontières de la diplomatie ne sont pas celles de la météo. La sécheresse touche tout le monde. Selon l’Autorité israélienne de l’eau, cette sécheresse qui dure, entraîne un déficit de 2,5 milliards de mètres cubes d’eau des réserves du pays par rapport aux années sans sécheresse. Autrement dit : le déficit correspond à l’équivalent d’un million de piscines olympiques ; de l’eau qui alimente normalement les torrents et les nappes phréatiques d’Israël.
Une décennie après la campagne « Israël se dessèche », le pays connaît donc sa pire sécheresse depuis 100 ans. En témoigne le niveau du lac de Tibériade, la plus grande réserve d’eau douce d’Israël qui tend vers son record le plus bas jamais atteint. Le niveau du lac où selon la bible, Jésus a marché sur l’eau, se trouvait au début du mois à 214,13 mètres sous le niveau de la mer, soit 1,1 mètre sous sa ligne rouge la plus basse. En 2001, le lac avait déjà enregistré un niveau encore plus bas, à 214,87 mètres sous le niveau de la mer, ce qui avait alors été baptisé la « ligne noire » du lac. Le Times of Israel rappelait au début du mois d’octobre que le nord du pays devait recevoir au moins 85% des chutes de pluie hivernales cet hiver, pour que le pays ne voie pas ses torrents, comme la rivière Baniyas du plateau du Golan, et ses sources d’eau s’assécher. Ce qui n’est jamais arrivé depuis que les enregistrements des conditions météorologiques ont commencé dans la région il y a plus de 100 ans. Pour information, l’année dernière, le nord d’Israël n’a reçu que 10 % des pluies hivernales. L’eau est d’autant plus rare dans la région que lorsqu’elle apparaît à l’air libre, elle a tendance à s’évaporer : l’évaporation peut atteindre 50% des précipitations que reçoit Israël.
Reuters dans son édition du 23 octobre rappelle que des installations avaient été mises en place il y a quelques années par les autorités israéliennes qui n’avaient pas lésiné sur les coûts d’une telle entreprise. Ce qui avait mis fin aux coupures d’eau. Une pratique qui courait depuis des dizaines d’années. Il était même question d’exporter le surplus d’eau vers les pays voisins. C’était, d’après l’agence de presse américaine, « la conséquence d’une ambitieuse politique d’équipement menée sous le contrôle de l’Autorité de l’eau, qui a coûté 15 milliards de shekels (4,3 milliards de dollars). » Le secteur privé, quant à lui, avait investi sept milliards de shekels dans la construction de cinq usines de désalinisation. Mais, rapporte Reuters, avec la période de sécheresse actuelle, « cela ne suffit plus. » Après quatre années de sécheresse, le constat est aride : l’eau manque. Face à la raréfaction de cette précieuse ressource que représente « l’or bleu », le pompage de l’eau dans le lac de Tibériade, dans le nord-est du pays, a été quasiment arrêté afin de limiter les conséquences de cette sécheresse. Israël envisage d’autre part la construction d’une nouvelle usine de désalinisation, a déclaré un responsable industriel à Reuters. Une usine de ce type a déjà coûté plus de 400 millions de dollars. L’installation de plusieurs réservoirs pour recevoir l’eau de pluie est également évoquée. Encore faut-il qu’il pleuve.
Impacts écologiques et géopolitiques
Cette pénurie de précipitations affecte bien entendu l’agriculture, l’environnement et la vie animale dans la région. Le manque de débit dans le lac de Tibériade a des conséquences d’une longue portée sur le terrain écologique. Alors que le niveau d’eau ne cesse de chuter, la salinité de l’eau douce s’élève, ce qui pose un danger pour les poissons et la vie marine.
Par ailleurs, « si le pétrole est un enjeu de guerre au XXe siècle, l’eau sera à l’origine des conflits au siècle prochain », avait prédit l’ancien vice-président de la Banque mondiale Ismail Serageldin, en 1995. Israël, la Jordanie, et la Syrie se partagent, pour l’essentiel, les mêmes ressources en eau. Eu égard à ce que les experts appellent, une situation dite de « stress hydrique », c’est-à-dire un déséquilibre structurel entre son capital en eau limité et sa consommation, il est aisé de saisir que de l’eau influe donc grandement sur les relations entre Israël et les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza. En d’autres termes, comprendre : la bataille de l’or bleu, ou l’autre face du conflit israélo-palestinien. Les Palestiniens se plaignent de ne pas avoir suffisamment accès à l’eau en Cisjordanie mais les Israéliens affirment remplir leurs engagements, « au-delà même de ce que prévoient les accords conclus », avance Reuters.
Et au-delà du conflit en Terre Sainte, selon la Banque mondiale, la question de l’eau, pourrait aggraver la crise migratoire dans la région et conduire à de nouveaux conflits ouverts.