Le 18 octobre, le roi de Jordanie s’est de nouveau posé en défenseur des Eglises de Jérusalem et de leurs Lieux Saints. Il est aussi revenu sur le contentieux lié aux ventes de biens fonciers par l’Eglise orthodoxe.
C’est ce qui s’appelle une mise au point. Le Roi Abdallah II de Jordanie a revendiqué hier le rôle de « protecteur » des Lieux Saints chrétiens à Jérusalem avec « la même attention et le même soin » que ceux apportés pour les Lieux Saints musulmans, rapporte l’agence Fides. Le roi recevait au palais Al Husseiniya à Amman, en présence de son cousin, le prince Ghazi, conseiller spécial auprès du roi pour les affaires religieuses et culturelles, le Patriarche grec-orthodoxe de Jérusalem, Theophilos III. Il donnait en définitive écho aux deux récentes déclarations des 13 Eglises Chrétiennes de Jérusalem. Dans leur dernier communiqué, les Eglises condamnaient vigoureusement les tentatives « systématiques » d’Israël « d’affaiblir la présence chrétienne » dans la Ville sainte. Pour mémoire, en juillet, les patriarches et chefs des Eglises de Jérusalem s’étaient vivement émus des atteintes portées au statu quo qui régit les lieux saints de la ville. Israël avait renforcé, suite à un attentat contre ses forces de police, les mesures de sécurité sur l’Esplanade des Mosquées (Mont du Temple pour les juifs) en y installant des caméras et des détecteurs de métaux. Début septembre, les dignitaires chrétiens dénonçaient une nouvelle « violation flagrante du statu quo ». En cause, une décision de justice contre le Patriarcat grec-orthodoxe de Jérusalem rendue le 1er août par le tribunal de district de Jérusalem qui approuvait la vente de biens immobiliers appartenant à cette Eglise à Ateret Cohanim, association qui milite pour la « judaïsation » de Jérusalem-Est. Mohammad Momani, le ministre d’Etat jordanien des Affaires médiatiques avait aussi condamné le jeudi 12 octobre dernier l’afflux de visiteurs juifs sur le mont du Temple pendant la fête de Souccot, le décrivant comme « l’assaut de la mosquée Al-Aqsa par des colons et des extrémistes juifs », et a jugé Israël « irresponsable » d’avoir autorisé l’entrée dans l’enceinte. De même, le roi de Jordanie a rappelé mercredi « de manière péremptoire », souligne l’agence Fides, que le Royaume hachémite luttera contre toute menace pesant sur le statu quo historique à Jérusalem, qui repose sur la coexistence pacifique des différentes communautés et garantit aux Eglises le droit d’administrer leurs biens. C’est pourquoi, a-t-il ajouté, « la Jordanie, dans le cadre de la garde hachémite des Lieux Saints islamiques et chrétiens de Jérusalem, poursuivra ses efforts pour conserver ces sites et défendre les propriétés des Eglises au sein de tous les instances internationales et dans le cadre des sessions de l’Unesco.»
En quête de soutien
A ces propos le Patriarche grec-orthodoxe de Jérusalem, Theophilos III a répondu, selon Petra, l’agence de presse officielle du gouvernement jordanien, que les habitants de Jérusalem, qu’ils soient chrétiens ou musulmans, apprécient hautement l’attention de la Jordanie à leur égard, ainsi que les efforts du roi pour protéger la présence chrétienne à Jérusalem. L’agence jordanienne relaie que le patriarche a expliqué que les efforts du roi ont été et sont toujours une source de force et d’espoir pour les habitants de Jérusalem qui résistent à la politique israélienne.
Cette rencontre entre le patriarche et le monarque intervient alors que les fidèles palestiniens de l’Eglise orthodoxe de Jérusalem reprochent à leur évêque certaines ventes immobilières à Israël pour une bouchée de pain, tandis que l’Etat hébreu l’incrimine d’avoir vendu des biens fonciers à des entreprises (anonymes) immatriculées dans les Caraïbes. Suscitant ainsi l’inquiétude des législateurs et des responsables israéliens sur la possibilité que des éléments ennemis aient été impliqués dans l’achat, indique le Times of Israel.
C’est dans ce contexte sensible que le Patriarche Theophilos III s’est rendu au palais royal pour demander officiellement à la Jordanie d’intervenir. Le Patriarche a cherché à obtenir un premier soutien pour faire annuler la fameuse décision de justice rendue en août à propos des transactions immobilières controversées à Ateret Cohanim. L’Eglise soutient dans cette affaire que les contrats de vente étaient illégaux et que ces acquisitions avaient été conclues dans des circonstances frauduleuses. Le roi Abdallah, que cite l’agence Fides, a de fait déclaré que « toute tentative de confiscation de propriétés de chrétiens à Jérusalem doit être considérée comme nulle et être bloquée. » Par ailleurs, Theophilos III a fait valoir que son Eglise coopérait avec toutes les Eglises chrétiennes de Jérusalem pour faire annuler un projet de loi israélien sur le statut des terres appartenant aux Eglises soumis par la députée Rachel Azaria (du parti centre-droit Koulanou – ‘Nous tous’). Le texte est en cours de discussion à la Knesset – le Parlement israélien – et vise à transférer à l’Etat les terrains vendus par les Eglises de Jérusalem à des investisseurs anonymes, en échange d’un dédommagement. Le texte prévoirait également de restreindre les droits des Églises sur leurs propres propriétés. C’est l’objet de la seconde demande de soutien de la part d’un Patriarche qui ne veut pas rester isolé sur ce terrain. A cette fin, le Patriarche rencontrera aussi le 23 octobre le Pape François au Vatican. Le 29 octobre, il s’entretiendra avec le Premier ministre grec Alexis Tsipras à Athènes. Le 1er novembre, il rencontrera l’Archevêque de Canterbury, responsable de l’Eglise anglicane de Grande-Bretagne. Pour rappel, Theophilos III a rencontré le mois dernier les délégués du National Council of Churches américain à Jérusalem et la veille de sa visite en Jordanie, il s’était également entretenu avec le Premier ministre palestinien, Rami Hamdallah. Ce dernier lors de l’entretien a, selon l’agence palestinienne Wafa, « fustigé toutes les mesures et positions israéliennes visant à modifier le caractère palestinien de Jérusalem et à vider la ville sainte de ses habitants musulmans et chrétiens indigènes de façon illégale et unilatérale ».
A défaut de s’adresser aux chrétiens qui lui demandent des comptes, le patriarche Theophilos entretient donc une vie activité diplomatique.
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