Plus d'une centaine d’Arabes chrétiens d'Israël auraient visité l’an dernier le Liban en pèlerinage. Sans dimension politique aucune. Bien que les deux pays soient toujours en guerre. Une révélation du quotidien Haaretz.
Un tourisme pas comme les autres. Le quotidien israélien Haaretz dans son édition du 2 novembre 2017, se fait l’écho de la venue périodique au Liban de touristes Arabes de nationalité israélienne et de confession chrétienne dans le cadre d’un tourisme religieux bien cadré.
Ainsi, selon la presse régionale, plus d’une centaine de pèlerins seraient entrés au Liban l’an passé pour y séjourner six-sept jours. En toute discrétion. Alors que l’Etat hébreu et le pays du Cèdre sont techniquement et officiellement toujours en guerre. N’entretenant aucune relation diplomatique depuis 1948. Une haute autorité de l’Eglise maronite a confirmé l’information à L’Orient-Le jour. Elle confie dans les colonnes du quotidien libanais que « ces visiteurs sont des pèlerins comme les autres qui sont accueillis par l’Eglise lorsqu’ils viennent au Liban. »
Sur le plan financier, les pèlerins déboursent près de 1 800 dollars par personne pour effectuer ce voyage, relate Haaretz.
Sur le plan pratique, les pèlerins franchissent avec leur passeport israélien la frontière avec la Jordanie, royaume avec lequel Israël a signé un accord de paix (en 1994). Une fois à Amman, l’ambassade palestinienne délivre aux pèlerins un document de voyage – temporaire et valide pour une seule visite au Liban – avec des timbres d’entrée jordaniens. Les permis de voyage sont rendus à l’ambassade à Amman lors du retour.
Papiers en poche, les fidèles peuvent donc visiter les sanctuaires chrétiens du Liban : Notre-Dame-du-Liban dans le village de Harissa dans la région de Beyrouth, le monastère de Saint-Maroun, le sanctuaire catholique de Saint-Charbel dans le village d’Annaya au nord dans les montagnes sur les hauteurs de Byblos. Les pèlerins se rendent aussi au village marial de Maghdouché proche de Saïda, mais encore à Baalbek, Zahlé et dans de nombreux sites de la vallée de la Bekaa. « Il s’agit d’une semaine très chargée de visites spirituelles, confie un participant au journal israélien. Nous n’allons pas au Liban pour discuter de politique, mais pour prier et profiter des paysages libanais qui sont à couper le souffle. »
Ni infiltration, ni excursions clandestines
Il ne s’agit pas « d’infiltration ou d’excursions clandestines, mais de voyages suivant une procédure très méthodique », explique à Haaretz un des organisateurs chrétiens. Selon le journal israélien, « toutes les étapes du voyage sont encadrées et les voyageurs n’ont pas l’autorisation de visiter d’autres endroits sans que l’organisateur ne soit tenu au courant. » Les organisateurs n’hésitent d’ailleurs pas à dresser la comparaison entre ces pèlerinages et ceux des musulmans à La Mecque et à Médine. De fait, souligne un autre média israélien, le Times of Israel, le phénomène des Arabes israéliens visitant les pays musulmans n’est pas nouveau. Chaque année, explique le journal, bien qu’un nombre limité de pèlerins musulmans israéliens puissent se rendre à la Mecque depuis l’aéroport Ben Gourion pendant le Ramadan via Amman, la plupart font le voyage de 1 350 kilomètres en bus à travers les déserts jordaniens et saoudiens. L’année dernière, rapporte encore le journal israélien en ligne, le ministre des Communications en Israël, le druze Ayoub Kara, « aurait tenté de persuader l’Arabie saoudite d’autoriser des vols directs depuis Tel Aviv pour que les musulmans israéliens puissent faire le pèlerinage dans des conditions moins difficiles. »
Accord tacite ?
Interrogé par L’Orient-Le Jour, l’ambassadeur palestinien au Liban, Achraf Dabbour, affirme que ces voyages pour les Arabes chrétiens israéliens sont possibles « en coordination avec le patriarcat (ndlr : maronite).» Quant aux pèlerins, dit-il, « nous devons les considérer comme étant des touristes arabes ». Et d’insister sur la nécessité que ces « ressortissants arabes maintiennent le contact avec leur environnement régional arabe.»
Pourtant, des deux côtés en Israël comme au Liban, les lois interdisent aux citoyens de commercer avec le pays ennemi et de s’y rendre. Haaretz soutient cependant que toute l’organisation de ces voyages est « basée sur un accord tacite impliquant le Liban, Israël, l’Autorité palestinienne et la Jordanie ». L’Orient-Le Jour a cependant rapporté que la Sûreté générale réfute « formellement » cette théorie.