Jusqu'à mi-décembre, des photographies prises par quinze anciens prisonniers sont exposées dans l'église écossaise de Jérusalem : une expérience de réflexion et de rédemption.
Adeeb est un ancien détenu et sait ce que veut dire dormir dans la rue. Aujourd’hui, même si le temps a passé et qu’il a changé, la vie dans la rue lui revient à l’esprit comme le pire des cauchemars. « Parking privé » est le titre du cliché avec lequel il fait écho à cette partie de son vécu. Il l’a réalisé en tenant en main pour la première fois un appareil photo et en racontant son point de vue.
Cette photographie fait partie de l’exposition intitulée As I am (« Tel que je suis »), qui peut être visitée jusqu’à mi-décembre dans l’église écossaise de Jérusalem, près de l’ancienne gare. Comme Adeeb, une quinzaine d’anciens détenus des prisons israéliennes ont participé à un atelier de photographie et ont ensuite pris eux-mêmes des photos. Les réunions ont été organisées par la photojournaliste Andrea Krogmann, dans le cadre d’un projet de réinsertion sociale. Projet promu par House of Grace de Haïfa, une structure qui fonctionne depuis 1982 en faveur de ceux qui sont sortis de prison. « Nous avons fourni quelques appareils photo et posé quelques questions – raconte Andrea Krogmann -. Après une introduction, nous leur avons demandé de sortir et de donner une réponse sous forme de photo ». Une sélection de ces clichés a été retenue pour l’exposition.
Pour beaucoup de ceux qui sont passés par la prison, l’étape la plus difficile consiste à admettre ses propres erreurs et à écouter les critiques pour finalement embrasser la vérité. C’est ainsi qu’est née la photo intitulée « Accepter la vérité ». Sur une autre, est illustré le concept du salut, par la capture de l’image d’une rampe d’escalier et d’une porte à contre jour. Les ex-détenus essaient donc d’exprimer leurs propres souffrances, les questions, les difficultés rencontrées après leur sortie de prison.
« Chaque année, nous essayons de proposer quelque chose de nouveau », a déclaré Jamal Shehede, directeur de la structure House of Grace, lors de l’inauguration. Quelque chose qu’ils n’ont jamais fait, pour leur montrer qu’ils ont des compétences et des capacités ». L’idée de l’atelier de photographie a été un succès. L’exposition qui en a émergé a été développée autour de trois thèmes principaux : « Ma plus grande peur », « House of Grace – Maison » et « Colocation ». « Il y a plusieurs projets en cours – explique avec enthousiasme Jamal – de la céramique au psychodrame, mais dans le cas de la photographie, c’est différent : nous avons quelque chose qui reste et qui peut aussi être montré dans le futur ».
L’inauguration a eu lieu à l’occasion de la fête de Saint André dans l’église écossaise de Jérusalem, où l’exposition reste ouverte au public durant deux semaines. Mohammad était présent à l’inauguration, lui aussi ayant un passé de prisonnier. Sur son visage sombre, se lit le poids de dix-huit années passées derrière les barreaux. « Je suis fier de faire partie de House of Grace, d’être un homme comme les autres, qui vit comme tout le monde », partage-t-il. Mohammad est originaire de Jérusalem, mais au cours de ces nombreuses années il est passé par toutes les prisons du pays. Aujourd’hui, il travaille dans une compagnie de bus dans sa ville. Dans l’église écossaise, parmi les photographies exposées, Mohammad indique la sienne. « Cet atelier m’a permis de me sentir à nouveau un être humain », affirme-t-il. D’habitude, je vois toujours le côté négatif de la vie, mais ce projet m’a appris à regarder le monde avec une perspective meilleure, en voyant la beauté autour de moi ».