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Egypte: réouverture de la bibliothèque de Sainte-Catherine

Christophe Lafontaine
18 décembre 2017
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L’ancienne bibliothèque du monastère orthodoxe Sainte-Catherine au Sinaï (Egypte) a rouvert samedi 16 décembre 2017 après trois années de travaux. Elle renferme en son sein des manuscrits datant du IVe siècle.


« La bibliothèque est maintenant ouverte au public et aux chercheurs. » C’est ce qu’a déclaré à l’Associated Press, Tony Kazamias, un conseiller de l’archevêque  du monastère Sainte-Catherine dans le sud de la péninsule du Sinaï, au Nord-Est de Egypte.

Le célèbre monastère grec-orthodoxe, fondé au 5e siècle, est inscrit sur la liste du Patrimoine mondial de l’humanité établie par l’Unesco depuis 2002. Il possède une ancienne bibliothèque qui contient des milliers de manuscrits historiques et religieux uniques et inestimables. On dit que certaines œuvres sont les plus anciennes du christianisme.

Le ministre égyptien des Antiquités Khaled el-Enany, le gouverneur général du Sinaï Khaled Fouda et l’archevêque de Sainte-Catherine ont inauguré samedi dernier la première étape d’un grand projet de conservation de la bibliothèque du monastère en présence d’ambassadeurs de pays étrangers en Egypte, ainsi que des représentants du pape copte Tawadros II et de l’imam de l’université cairote al-Azhar, l’institution la plus respectée de l’islam sunnite, le cheikh Ahmed Al-Tayeb.

La première phase de travaux commencée en 2014 concernait la partie orientale de la bibliothèque. D’autres travaux de restauration sont toujours en cours mais sans qu’un délai de fin ne soit précisé. Mohamed Abdellatif, assistant du ministre des Antiquités et chef du secteur des antiquités coptes et islamiques au ministère, a déclaré à Ahram Online que les travaux de conservation étaient menés sous la supervision du ministère avec les fonds fournis par le monastère.

Le projet de restauration comprend le développement du côté oriental de la bibliothèque, le renforcement de la façade ainsi que la consolidation et la conservation du mur dit « de Justinien », qui remonte au 6e siècle après JC. C’est l’empereur byzantin qui avait ordonné la construction du monastère.

Une ordonnance d’Hippocrate retrouvée

La bibliothèque abrite la deuxième plus grande collection de manuscrits anciens au monde, derrière la bibliothèque du Vatican, comme l’a déclaré à l’Associated Press, l’archevêque du monastère, Monk Damyanos. A ce titree, la bibliothèque contient environ 3 300 manuscrits anciens, principalement des textes chrétiens en grec (les trois quarts des manuscrits), copte, arabe, hébreu, syriaque, arménien, géorgien, valaque, slavon. Elle contient également plus de 5000 incunables et des milliers de livres et de rouleaux datant du 4e siècle. Au moins 160 des manuscrits comportent de légères éraflures et des traces d’encre issues d’écritures plus récentes, selon Tony Kazamias, le conseiller de l’archevêque, qui estime que les palimpsestes – c’est-à-dire  des manuscrits constitués de parchemins déjà utilisés, dont on a fait disparaître les inscriptions pour pouvoir y écrire de nouveau, en raison de la rareté de ce type de cuir à l’époque – ont probablement été abîmés par les moines du monastère et réutilisés entre les 8e et 12e siècle.

La bibliothèque comprend aussi des ouvrages qui comptent parmi les plus anciens du Nouveau Testament, notamment le Codex Syriacus (version en syriaque des évangiles de l’évangile de saint Luc) qui date du 5e siècle. De cette bibliothèque provient le Codex Sinaiticus datant du 4e siècle, la plus vieille transcription connue à ce jour du Nouveau Testament dans son intégralité. Le manuscrit a cependant été transporté en Russie puis vendu au Royaume-Uni au 20e siècle qui l’a exposé au British Museum, ne laissant en Egypte que douze pages et quelque vingt-quatre fragments écrits en syriaque.

Au cours de la rénovation de la bibliothèque, rapporte l’agence de presse américaine, les archéologues ont trouvé en juillet ce qui pourrait être une ordonnance médicale, signée voilà plus de 1300 ans par un scribe sous la dictée du célèbre savant, Hippocrate, médecin grec de l’antiquité, considéré comme le « père de la médecine occidentale ». Cette prescription se cachait sous des textes en arabe des évangiles conservé au monastère. Mohamad Abdel-Latif, assistant du ministre pour les antiquités coptes et islamiques, avait relevé cet été à la presse qu’une autre page découverte renfermait un texte en arabe du célèbre médecin grec Claude Galien, remontant au 9e siècle. Ce texte a été rédigé sur des écrits religieux de saint Paul de Tarse, datant du 5e siècle.

Une mosaïque transfigurée

En outre, le monastère possède une très importante collection de mosaïques. Des travaux ont d’ailleurs étaient entrepris pour la restauration d’une d’entre-elles, célèbre pour le sujet qu’elle porte, la Transfiguration du Christ. Située dans l’abside orientale de la grande basilique du monastère, elle rappelle le deuxième nom de ce dernier, également connu comme le vocable de monastère de la Transfiguration.  

La mosaïque se détériorant sous l’effet principalement des infiltrations et des séismes, trois campagnes de restaurations ont été menées en 1847, en 1959 et de 2005 à 2010 par l’équipe de conservateurs-restaurateurs de mosaïques du Centre de Conservation Archéologique (Centro di Conservazione Archeologica di Roma). La réouverture de la bibliothèque a permis d’inaugurer officiellement la mosaïque rénovée, ayant retrouvé tout son éclat.

Etendue sur 46 mètres carrés, datant du 6e siècle, elle a été réalisée à la demande de l’empereur Justinien. Elle est l’une des plus remarquables mosaïques byzantines et la plus ancienne des mosaïques des églises d’Orient. Composée de plus de 500 000 tesselles (de dimension moyenne de 5-7 mm de côté), la mosaïque comprend des pierres semi-précieuses, mais les principales pièces sont en verre. Certaines pièces sont incrustées d’or et d’argent.

Situé à 1570 m d’altitude, au pied du Mont Sinaï, où Moïse aurait reçu les Dix Commandements d’après la Bible. Sainte Catherine est l’un des plus anciens monastères au monde encore en activité. Il compte une vingtaine de moines, d’origine grecque

Lors de la cérémonie de samedi, le ministre des Antiquités égyptiennes a décrit Sainte Catherine comme « une source d’inspiration qui rayonnait à travers la civilisation, à la fois régionalement et globalement. » Il a ajouté, rapporte Ahram Online que « le monastère Sainte-Catherine est un lieu de rencontre entre le judaïsme, le christianisme et l’islam, c’est ce que nous pourrions appeler le génie de l’Egypte et sa réflexion sur l’harmonie entre ses composantes et son grand peuple. »

L’Egypte cherche à relancer la dynamique du secteur touristique, une source principale du revenu national. Le monastère ainsi que sa bibliothèque étaient une importante destination touristique, qui attirait près de 300 000 visiteurs par an avant 2011, année de la chute de Hosni Moubarak. Avec la détérioration de la sécurité dans le Sinaï, des enlèvements réguliers de touristes et des attentats répétés, le monastère grec-orthodoxe de Sainte-Catherine avait été contraint de fermer ses portes en 2013 et avait d’ailleurs subi une tentative d’attaque djihadiste en avril dernier, à un point de contrôle à l’entrée du site. Dans un communiqué du ministère des Antiquités, le ministre Khaled el-Enany veut croire que « les inaugurations d’aujourd’hui sont un message de sécurité et de paix pour le monde entier ».

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