Mgr Pizzaballa a exprimé dans un texte publié sur le site du patriarcat un texte fort et original appelant non seulement au respect de la pluralité de la ville sainte, mais invitant les politiques à une solution qui permettrait de la partager pour le bénéfice de toute l'humanité.
(Jérusalem/mab) – « Toute revendication exclusive, qu’elle soit politique ou religieuse, est contraire à la logique de la ville. ». Le site lpj.org a publié ce jour un texte fort de l’Administrateur apostolique du patriarcat latin, Mgr Pierbattista Pizzaballa. Ce texte intitulé « Si je t’oublie, Jérusalem, que ma main droite se dessèche » – d’après les paroles du psaume 137 – va un peu plus loin que la position appelant à respecter le statut Quo.
Se démarquant de la position dorénavant prise par les Etats-Unis en la personne du président Trump et corroborant la position de l’État hébreu pour qui Jérusalem est la capitale éternelle, une et indivisible de l’Etat, Mgr Pizzaballa déclare en préambule : «Toute revendication exclusive, qu’elle soit politique ou religieuse, est contraire à la logique même de la ville. Chaque citoyen de Jérusalem et chaque personne qui s’y rend en visite ou en pèlerinage devrait être en mesure de percevoir et de s’approprier d’une manière ou d’une autre le message de dialogue, de coexistence et de respect que la Ville Sainte nous rappelle et que nous avons souvent terni par notre comportement.» Des comportements qui selon lui « dénaturent le caractère » de la ville.
Mais le représentant de l’Eglise catholique va plus loin que la position jusque-là admise par l’Eglise catholique qui appelait depuis 1947 à faire de Jérusalem un « corpus separatum » sous juridiction internationale. Une position sur laquelle l’Eglise catholique fléchissait ces dernières années en constatant la puissance des revendications nationales. Mgr Pizzaballa avance donc avec détermination : « Il n’y a rien qui puisse empêcher Jérusalem, dans son unicité et son unité, de devenir le symbole national des deux peuples qui la revendiquent comme capitale. »
On est loin d’un Statu quo qui consisterait à ce que rien ne bouge. Mgr Pizzaballa appelle au contraire à l’imagination dans la négociation. «Les Israéliens et les Palestiniens devraient parvenir à un accord qui corresponde d’une certaine manière à leurs aspirations légitimes et qui respecte les principes de justice. Les décisions unilatérales qui modifient la configuration actuelle de la ville n’apporteront pas de bénéfices, mais seulement de nouvelles tensions et elles enlèveront la possibilité de rétablir la paix. »
Alors que les yeux du monde entier sont tournés vers la ville sainte, l’Administrateur apostolique estime que la vocation de Jérusalem n’attire pas à elles les seuls protagonistes actuels : « S i Jérusalem est sacrée pour les juifs, les chrétiens et les musulmans, elle l’est aussi pour de nombreux peuples du monde entier, qui la considèrent comme leur capitale spirituelle, qui y viennent en tant que pèlerins pour prier et rencontrer leurs frères dans la foi. »
Mgr Pizzaballa ajoute combien la ville est un tout et que c’est cet ensemble qui lui confère ce caractère unique et universel que des accords devraient préserver : « Les deux parties devraient veiller à préserver le caractère universel actuel de la ville et ne ménager aucun effort pour qu’elle reste le lieu où juifs, chrétiens et musulmans continuent de se rencontrer dans les rues de la vieille ville, chacun avec sa mentalité et ses traditions propres, liées de manière si unique les unes aux autres. »
Et de conclure : « La discussion sur Jérusalem ne peut donc pas être réduite à un simple conflit territorial et à la souveraineté politique, précisément parce que Jérusalem est unique, parce qu’elle est le patrimoine du monde entier, et qu’elle a une vocation universelle qui parle à des milliards de personnes dans le monde, croyants et non-croyants. Une solution réaliste au problème de Jérusalem devrait inclure tous ces éléments. »
Dans le contexte de tension suscité par les déclarations du président américain, l’Administrateur apostolique prolonge l’appel du Saint-Père lors de la catéchèse de mercredi en offrant une vision qui dépasse les clivages politiques et religieux mais qui rende hommage à cette ville « Où chacun est né » selon le psaume 86.
Ce peut-il que Mgr Pizzaballa soit entendu ? Il sera lu sans aucun doute, car sa position et sa renommée sont importantes tant en Israël qu’en Palestine. Depuis toujours, celui qui a été Custode de Terre Sainte durant 12 ans, est connu pour la passion qu’il a pour le monde israélien et le souci d’équilibre qu’il a toujours voulu garder entre les partis. On sait aussi qu’il a l’oreille du Saint-Siège et que dans l’Eglise de Terre Sainte d’aucuns le verrait bien en médiateur des politiques.
Dans l’état actuel des choses, il faudra pourtant une intervention divine pour que les cœurs s’ouvrent. Tous les espoirs sont permis dans une ville trois fois sainte.