Dans l'après-midi du 24 décembre, la saison des célébrations de Noël à Bethléem a commencé avec les liturgies des catholiques de rite latin. Chronique des moments clés.
Après les événements des dernières semaines, beaucoup se demandaient si la place de Bethléem serait comme d’habitude, ou si la peur à cause de la sécurité aurait pu empêcher un grand nombre de personnes de célébrer Noël dans la ville même où Jésus est né. Cette année, le 24 décembre sur la place de la Mangeoire, devant la basilique de la Nativité à Bethléem, quelque chose de différent a été ressenti : « Moins de pèlerins » – a-t-on murmuré -, et deux grands nouveaux panneaux d’affichage bien visibles se remarquaient sur la place. On y lisait des phrases sur « Jérusalem capitale de la Palestine », précisément pour rappeler que même pas un mois s’était écoulé depuis les jours de tensions et d’affrontements aux check-points de Bethléem, des manifestations, des arrestations dans toute la Cisjordanie et des morts à Gaza.
Pourtant, de nombreux fidèles locaux et pèlerins du monde entier sont venus célébrer l’événement de la Naissance par excellence, celle qui a changé l’histoire de l’humanité. Rien que la semaine dernière en raison de la crise sur Jérusalem on a craint un effet plus dramatique concernant le flux des arrivées en provenance de l’étranger, de sorte que l’annulation de nombreux groupes a incité le Patriarcat latin de Jérusalem et la Custodie de Terre Sainte à lancer un appel pour réaffirmer que « le pèlerinage en Terre Sainte était sécurisé ».
Pour le jour de la veille de Noël, il semble que la participation populaire ait été massive et que sur la place régnait malgré tout le désir de sourire, de se réjouir et de laisser de côté colère et récriminations.
« Je suis venu à Jéricho pour profiter de cette journée et oublier la tristesse », a déclaré une femme musulmane devant le grand sapin de Noël. « Les musulmans et les chrétiens sont frères, ils vivent dans le même pays et se battent pour les mêmes droits », a-t-elle dit. J’aime la joie de cet événement, voir les gens unis et leur bonheur, les lumières, la place de Bethléem ». Quelques jeunes disent la même chose, en sirotant un café au centre de la Place de la Mangeoire : « Nous ne sommes pas chrétiens, mais nous venons d’Hébron pour ressentir un peu cette atmosphère de Noël ». Hannin et John, un couple de Bethléem, sont chrétiens et aiment Noël : « C’est un moment où se manifeste toute notre culture palestinienne. » « Nous sommes venus depuis Nazareth à Bethléem – a affirmé un autre couple – pour célébrer Noël, c’est tout ». Salomon, un chrétien éthiopien de Jérusalem, était également sur la place pour prendre des photos de la crèche : « Je fête le Noël éthiopien, mais j’aime participer aussi à la fête latine. C’est plein de joie ».
Parmi les pèlerins italiens qui « avaient toujours rêvé de passer un réveillon de Noël à Bethléem » et les gens de Bethléem que « se sentent chanceux de vivre et le célébrer sur la terre de Noël », il y avait aussi Christopher, un Américain qui affecté à Bethléem pour travailler avec les forces de sécurité palestiniennes. «Pour les grands événements, il y a toujours des forces spéciales sur le terrain, mais il n’y a pas de problèmes de sécurité », explique Christopher. Aujourd’hui, c’est une grande fête et chacun est bienvenu ici, dans l’esprit de Noël qui réunit tout le monde ».
« Malgré les problèmes, nous sommes tous réunis ici et cela signifie que nous avons l’espérance : justement parce que c’est Noël ». C’est ce qu’a affirmé Msgr Pierbattista Pizzaballa au cours du dîner avec les autorités civiles peu avant la messe de minuit de Noël, résumant ainsi l’esprit qui régnait. L’administrateur apostolique du Patriarcat latin de Jérusalem a présidé pour la deuxième fois les célébrations de Noël, marquées par des temps et des traditions bien spécifiques. Après la procession en voiture de Jérusalem à Bethléem (via le check-point près du Tombeau de Rachel, ouvert seulement trois fois par an), l’archevêque a fait son entrée solennelle sur la place de la Mangeoire à Bethléem et a présidé les premières vêpres et la procession vers la Grotte dans l’après-midi du 24.
Le dîner pour le réveillon de Noël a rassemblé les Franciscains de la Custodie de Terre Sainte, les membres du Patriarcat latin et l’administrateur apostolique, ainsi que le Premier ministre de l’Autorité palestinienne Rami Hamdallah et sa délégation. Parmi les invités spéciaux, le vainqueur admiré de la dernière édition d’Arab Idol, le jeune chrétien de Bethléem, Yacoub Shaheen, a interprété une chanson à la fin du dîner. Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, de retour d’un voyage à l’étranger, est arrivé à temps pour assister à la première partie de la messe de minuit, qu’il a quittée après l’homélie.
Dans son homélie, Mgr Pizzaballa a parlé de l’Enfant Jésus « dont le nom est « Conseiller-merveilleux, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix » (Isaïe 9, 5). Pourtant, il apparaît petit et pauvre, caché et humble ». Et le Noël du Seigneur est « un avènement humble, aussi petit, humble et discret qu’est l’amour quand il est vrai », a déclaré Pizzaballa.
Ajoutant un morceau au texte écrit, Pizzaballa a dit qu’il imaginait que beaucoup auraient voulu l’entendre parler au sujet de Jérusalem, mais qu’il en avait déjà parlé en beaucoup d’autres occasions. « Nous qui vivons en Terre Sainte, terre fascinante et difficile, témoin de l’histoire de la Révélation, nous sommes appelés à ne pas la posséder, mais à la servir – a-t-il poursuivi –. Nous devons être au service de cette terre pour l’humanité ». Citant alors le pape François qui a défini à plusieurs reprises Jérusalem comme « ville de la paix », il a ajouté : «Il n’y a pas de paix si quelqu’un exclut. Jérusalem doit inclure, et pas exclure ». Devant les centaines de fidèles qui emplissaient l’église franciscaine de Sainte Catherine – attenante à la basilique de la Nativité – l’administrateur apostolique a de nouveau fait appel à la classe politique, qu’il avait également mentionnée lors de son message de Noël pour l’escorter à : « avoir du courage, à oser et risquer. A ne pas craindre la solitude et ne pas abandonner sa propre vision des choses ».
L’archevêque a voulu offrir des mots d’encouragement : « Courage, Eglise de Terre Sainte ! Courage, frères et sœurs ! Nous pouvons continuer à vivre et à rester ici, dans la faiblesse et la pauvreté, parce que ce sont les voies de Dieu, quand il veut venir dans le monde et bénir l’humanité. »