Une gare ferroviaire au pied du mur occidental?
La nouveauté de 2018 à Jérusalem sera la ligne de chemin de fer à grande vitesse qui conduira en 20 minutes à l'aéroport Ben Gurion et en 28 minutes à Tel Aviv. Un ministre aimerait faire arriver ce train dans la Vieille Ville...
Même si les contrats pour la construction de nouvelles maisons dans les colonies circulent dans les couloirs de la politique israélienne, les choix les plus significatifs en rapport avec la Ligne Verte ne viennent pas de là aujourd’hui. Ils se concentrent sur un domaine moins évident mais bien plus efficace : celui des infrastructures.
La nouvelle la plus attendue de 2018 à Jérusalem est la ligne ferroviaire à grande vitesse qui, de la nouvelle station Binyanei HaUma (désormais presque prête devant la gare routière centrale de Jaffa Road), conduira en seulement 20 minutes à l’aéroport Ben Gourion et en 28 minutes à la gare centrale de Tel Aviv. L’inauguration était prévue pour avril (à la veille des 70 ans de l’État d’Israël) ; on pensait qu’elle serait reportée en raison de problèmes techniques, mais le 10 janvier dernier, le ministère des Transports annonçait que le TGV israélien entrerait en service le 30 mars prochain, à la veille de Pessah (Pâque juive).
Pour une ville qui compte aujourd’hui plus de 850 000 habitants, l’utilité d’un tel moyen de transport est évidente. Cependant, c’est aussi un passage symbolique qui n’est pas anodin : avec la grande vitesse et un train dans lequel monteront des millions de passagers, la nouvelle liaison traversera de fait la Ligne Verte sur deux petites sections. Cela représentera seulement 6 km sur 56, et la plupart d’entre eux dans un tunnel ; mais pour les réaliser, dans la région du village de Beit Iksa, les terres palestiniennes ont été expropriées. Pour cette raison, il y aussi eu des initiatives de boycottage envers les entreprises étrangères engagées dans la construction : la compagnie de conseil Deutsche Bahn, par exemple, s’est retirée du consortium avec Israel Railways pour cette raison. Mais le chantier a avancé et, avec l’inertie de l’infrastructure, il apportera une énième contribution à la remise aux archives de la Ligne Verte comme point de référence.
D’ailleurs, quelque chose de très similaire s’est déjà passé à Jérusalem avec le light rail, le tramway, qui depuis décembre 2011 traverse les différentes zones, ignorant les lignes et les limites. Ce moyen de transport – contesté par les Palestiniens, mais maintenant aussi emprunté par des milliers de touristes – a radicalement changé la façon de vivre la ville. Ce n’est pas un hasard, ainsi, que son utilisation aille croissant aujourd’hui, particulièrement à Pisgat Ze’ev et Neve Ya’acob, les deux quartiers juifs de Jérusalem-Est les plus près du terminus de ce tramway, et sur les collines au-delà de Shuafat et Beit Hanina, les plus peuplés des quartiers arabes.
Pour en revenir au train à grande vitesse il convient d’ajouter que le ministre des Transports, Yisrael Katz, a réfléchi ces derniers jours à la façon de redynamiser le projet, avec l’annonce de la future station qu’il voudrait construire et nommer en l’honneur de Donald Trump. Comme d’habitude, les médias du monde entier se sont concentrés sur le doigt sans voir la lune qu’il désigne. Parce que la ligne de mire n’est pas tant le fait de donner à la station le nom de Trump (hypothèses à vérifier quand la structure se réalisera, si elle se réalise vraiment), mais le projet en tant que tel d’étendre la route du chemin de fer jusque sous la Vieille Ville, avec tout ce que cela signifie du point de vue des relations internationales.
C’est Ariel Sharon lui-même – après des années de discussions – qui a déterminé le tracé du train à grande vitesse entre Tel Aviv et Jérusalem. Et c’était aussi sa décision d’arrêter les voies ferrées au niveau de la gare routière centrale, sans entrer au cœur de la ville. Katz a cependant entrepris le projet de trois kilomètres souterrains à Jérusalem avec l’intention de construire une station au niveau du Cardo et de faire venir le train le plus près possible du Mur des Lamentations (ou Mur occidental, le Kotel en hébreu). Cette idée, si elle était réellement réalisée, n’aurait qu’une signification : marquer même sous terre qui est le maître de Jérusalem. Parce qu’en réalité, il n’y aurait pas non plus besoin de ces trois kilomètres de voies ferrées : la nouvelle gare Binyanei HaUma est déjà bien reliée à la Vieille Ville par le tramway. Et pour améliorer l’accès au mur des Lamentations, le gouvernement Netanyahou a déjà choisi une autre solution : le funiculaire urbain, un autre projet très contesté qui devrait bientôt se concrétiser dans la zone déjà chaude de Silwan.
Mais dans la course à laisser sa marque sur chaque bande de terre d’Israël aujourd’hui à Jérusalem, le dicton le plus en vogue est « faire toujours plus » ; et voici donc comment se concrétise l’idée du ministre des Transports qui veut emmener les gens directement de l’aéroport Ben Gurion au Mur des Lamentations. Idée sans doute électorale (Katz est un représentant du Likoud, candidat à la succession de Netanyahou) difficile à réaliser ; mais dans un endroit comme Israël, ne jamais dire jamais…