Aux Journées Mondiales de la Jeunesse prévues en janvier 2019 au Panama, le pape François demandera à tous les jeunes de prier pour la paix. Avec des chapelets en bois d'olivier made in Bethlehem.
Qu’est-ce qui relie les chrétiens de Terre Sainte, le bois des oliviers de Bethléem et les jeunes des Journées Mondiales de la Jeunesse (JMJ) prévues au Panama du 22 au 27 janvier 2019 ? Le lien est un projet créé pour répondre à un désir du pape François, dont Mgr Pierre Bürcher, évêque émérite de Reykjavik (Islande) s’est fait le promoteur. Le projet prévoit qu’1,5 million de chapelets, fabriqués à Bethléem par des familles dans le besoin, soient donnés aux jeunes des JMJ au Panama, pour les encourager à prier pour la paix. L’association Saint-Jean-Marie Vianney Lausanne, qui soutient les initiatives de Mgr Bürcher, ainsi que Caritas Jérusalem, oeuvrent depuis l’automne pour le succès de l’opération, appelée AveJmj. L’association suisse est responsable de la collecte de fonds, tandis que Caritas Jerusalem est la branche opérationnelle.
« Nous avons décidé d’appeler le projet AveJmj, où ‘Ave’ représente la prière du Rosaire à Marie, tandis que ‘Jmj’ est l’acronyme des Journées Mondiales de la Jeunesse, mais aussi les initiales des noms de Jésus, Marie et Joseph », explique Mgr Bürcher. L’évêque émérite de Reykjavik en Islande, (charge qu’il a quittée en 2015 pour des raisons de santé), est membre depuis 2004 de la Congrégation pour les Églises orientales, au Vatican, et de la Coordination Terre Sainte. L’évêque, qui aujourd’hui partage son temps entre Jérusalem et la Suisse (son pays natal), a raconté à Terrasanta.net comment est née l’idée d’entreprendre cette initiative : « Le Pape a exprimé son désir de prier pour la paix dans le monde et en particulier pour Jérusalem et le Moyen-Orient ». C’est Daniel Pittet, un écrivain suisse couronné de succès pour son livre écrit à l’occasion de l’année de la vie consacrée, qui a répondu à sa demande spécifique. Le livre a été traduit en quinze langues et distribué à cinq millions d’exemplaires, dont un million et demi pour les jeunes présents aux JMJ de Cracovie en 2016. Parlant avec le Pape au sujet de son livre, l’écrivain raconte comment François lui a confié une mission : inviter les jeunes qui participeront aux JMJ au Panama à prier le rosaire pour la paix.
Mgr Pierre Bürcher a été impliqué dans le projet à l’invitation de son vieil ami Pittet. Lorsqu’on lui a demandé conseil, l’évêque a compris qu’il fallait d’abord se procurer ces chapelets pour les donner aux jeunes du Panama. « Il y avait deux solutions – raconte Bürcher – : les faire fabriquer en Chine (mais dans ce cas je n’aurais été d’aucune aide) ou bien, l’olivier étant un symbole de paix, les faire faire à Bethléem par des gens qui n’ont pas de travail ». Le choix s’est porté sur la deuxième solution, grâce aussi à la collaboration avec Caritas Jerusalem.
Après avoir appris de l’archevêque de Panama, Mgr José Domingo Ulloa, que la place de la Journée Mondiale de la Jeunesse ne pourrait accueillir que 500 000 personnes, Mgr Bürcher a établi que chaque jeune participant recevrait trois chapelets : un pour lui-même, un pour donner à ceux qui se réuniront au Panama, et un à rapporter à une personne de leur pays d’origine. Une petite image du pape François sera également ajoutée au paquet.
Les chapelets fabriqués en Terre Sainte devront être prêts en octobre de cette année pour être embarqués du port d’Ashdod (Israël) au Panama, à plus de 12 000 km. D’après certains calculs, chaque chapelet coûtera environ un dollar et, par conséquent, le projet nécessitera un financement d’1,5 million de dollars, dont les coûts de matériel, de personnel et de transport.
À ce jour, onze ateliers d’artisans entre Beit Sahour, Beit Jala et Bethléem travaillent des objets en bois d’olivier. Ils auront besoin d’un total de 81 millions de grains et d’1,5 million de petites croix en bois, à assembler sur 750 km de fil élastique, pour que les chapelets puissent être portés au poignet, comme aiment les jeunes. Pour apprendre aux jeunes à prier le rosaire, une application sera également développée en attendant, qu’ils pourront télécharger directement sur leur smartphone.
Le projet AveJmj donne du travail à des centaines d’habitants de Bethléem et des environs. « Nous avons accepté ce projet car nous sommes le bras social de l’Eglise catholique », déclare Harout Bedrossian, du bureau fundraising de Caritas Jerusalem. Notre intention est d’impliquer les pauvres, les nécessiteux, afin qu’ils puissent travailler et vivre dans la dignité ».
Basel et Kamel, deux jeunes de Bethléem choisis par Caritas pour être coordinateurs opérationnels, montrent dans le centre de collecte de Beit Sahour des boîtes contenant les chapelets déjà terminés. « Nous avons un programme sur l’ordinateur grâce auquel nous contrôlons la production, pièce par pièce – ont-ils spécifié -. Pour chacun, nous faisons un contrôle de qualité minutieux ».
On compte 50 000 objets fabriqués à ce jour, mais Harout est optimiste : « Nous avons acheté de nouvelles machines pour chaque atelier et chacun a embauché de jeunes chômeurs et des femmes. Nous avons adopté des critères de recrutement spécifiques : les personnes dans le besoin, sans qualification ou des réfugiés ». Chacun des ateliers sélectionnés a contribué à divers aspects de la production : les grains du chapelet, les croix, les gravures au laser sur les croix, l’assemblage.
Dans le bruit des machines qui coupent le bois, Hassan de Bethléem raconte qu’avant d’être employé dans l’atelier qui produit des grains pour les chapelets, il travaillait dans une colonie israélienne : « C’était très difficile : j’avais peur pour moi tous les jours. Je suis ici depuis trois mois maintenant. » Omar aussi, l’un des propriétaires de l’atelier, a travaillé une partie de son temps dans une colonie. « Ici – explique-t-il – les commandes sont saisonnières, surtout à Noël et à Pâques. C’est pourquoi quand nous avons entendu parler de ce projet, nous avons pensé que c’était une bonne opportunité ». Marchant au milieu des machines et des copeaux de bois, il montre les jeunes au travail : «Tous ceux que vous voyez étaient au chômage avant ce projet ». Parmi eux, il y a des chrétiens, mais aussi des musulmans.
« J’ai embauché une nouvelle personne la semaine dernière », explique Ibrahim, le propriétaire d’un autre atelier. Pour lui, la demande pour la production de milliers de chapelets est venue au bon moment : il avait l’intention – une semaine plus tard – de vendre ses machines, en raison de difficultés économiques. « Ce projet a été une bénédiction. J’ai acheté cinq nouvelles machines et embauché cinq autres personnes », dit Ibrahim avec un sourire.
A quelques pas de l’église de la Nativité de Bethléem, un autre grand atelier a été impliqué dans le projet AveJmj. C’est celui de Samer, fils de l’ancien maire de Bethléem, Vera Baboun. « Nous offrons ici des opportunités de formation et d’emploi aux personnes défavorisées. Nous avons commencé à fabriquer des croix et nous produisons aussi des grains pour le chapelet, en travaillant douze heures par jour avec deux équipes différentes – raconte Samer en faisant le tour des salles -. Nous aurons une quarantaine de personnes qui bénéficieront du projet à la fin ».
Sur chaque croix, le mot Bethléem sera gravé au laser d’un côté – pour se souvenir d’où il vient – et JMJ 2019 de l’autre. Le centre qui travaille avec le laser pour le projet a également vu son recrutement augmenter. Ihab, le propriétaire, ajoute : « Je suis heureux que mon travail de Bethléem soit envoyé partout dans le monde ».
Pour la fin du processus, des groupes de femmes ont été embauchés pour l’assemblage des différentes pièces. Elles se retrouvent dans le salon, discutent et travaillent. L’aspect positif de l’activité est qu’elles peuvent se faire aider par d’autres membres de la famille ou le faire à la fin de la journée, quand elles ne sont pas prises par l’entretien de la maison. C’est ce que raconte Carmen, l’une des femmes impliquées dans le projet.
Alors que des milliers de chapelets seront fabriqués en Terre Sainte, les Journées Mondiales de la Jeunesse approchent. Pendant l’Angélus du dimanche 11 février, le pape François lui-même s’est inscrit symboliquement comme premier participant aux JMJ au Panama en janvier 2019. Dix heures plus tard, déjà 234 groupes avaient commencé les inscriptions, et leur nombre est amené à augmenter.