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Mariages précoces au Liban : le débat remis sur la table

Christophe Lafontaine
19 février 2018
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Comment protéger les enfants du mariage précoce ? Musulmans et chrétiens en ont débattu le 13 février au Liban. Le but ? Permettre l’adoption d’une législation civile sur la question.


Le Liban abolira-t-il le mariage des mineurs ? Si le débat fait rage au pays du Cèdre, c’est parce qu’aucune loi sur l’âge légal du mariage ne pourra être adoptée sans le consentement des chefs religieux. Jusqu’à présent, ce sont les tribunaux religieux et non civils qui définissent l’âge de nubilité de leurs fidèles. Selon l’ONG belge « SB overSeas », l’âge du mariage est descendu au Liban jusqu’à 15 ans pour les garçons et 9 pour les filles.

En mars 2017, un projet de loi établissant l’âge minimum du mariage à 18 ans a été présenté devant le parlement libanais par le député des Forces libanaises Elie Keyrouz. Dans cette perspective, les différentes communautés religieuses du Liban sont appelées, rapporte l’agence Fides, à « promouvoir une réflexion afin de revoir leurs usages et règles communautaires si elles désirent contribuer concrètement au dépassement de la praxis sociale des ‘mariages précoces’. » C’est la conclusion d’une conférence tenue le 13 février dernier à  l’Université du Saint Esprit de Kaslik (USEK), qui a réuni trois chefs religieux, musulmans et chrétiens, cependant « connus pour leur pensée progressiste », souligne L’Orient-Le Jour.  

« Dans de nombreux pays arabes, les choses évoluent »

Dans son intervention, le cheikh sunnite  Malek al-Shaar, mufti du Liban-Nord a rappelé que l’islam n’établit pas d’âge légal pour le mariage. On parle de fait ‘d’âge autorisé’. C’est-à-dire que « quiconque peut se marier est autorisé à le faire ». Dès lors, selon la charia, il n’est pas interdit de marier même des fillettes de moins de 10 ans. Mais le cheikh de poursuivre : « même si les us et coutumes diffèrent d’un siècle à l’autre, d’un pays à l’autre et d’une culture à l’autre, dans de nombreux pays arabes, les choses évoluent », au point que l’Egypte, la Jordanie et d’autres nations (Palestine et Tunisie par exemple) à majorité sunnite ont fixé l’âge minimum pour le mariage à 17 ans pour les femmes et à 18 ans pour les hommes. « Au Liban d’ériger aujourd’hui ses règles dans ce sens », a-t-il conclu, cité par L’Orient-Le Jour.

Pour sa part, le cheich chiite Abbas al-Jawhari, Président du Centre arabe pour le dialogue s’est dit favorable à l’introduction au Liban de la règle d’un âge minimum pour le mariage. Il a fait remarquer qu’au sein du monde islamique, les fillettes étaient mariées « sous le prétexte que le prophète aurait épousé Aisha qui n’avait que 9 ans. » Ce qui « n’a jamais été prouvé », a-t-il fait remarquer.

Les deux représentants musulmans affichent donc une franche opposition à Hassan Nasrallah, secrétaire général du parti chiite Hezbollah, qui – pour mémoire – avait accusé le 18 mars 2017 les opposants au mariage précoce d’être des serviteurs de Satan.

Côté chrétien, Mgr Hanna Alwan, Vicaire patriarcal maronite a rappelé que, selon le Droit canonique des Eglises catholiques orientales, « le mariage avant l’âge de 18 tant pour les femmes que pour les hommes, est rejeté et fortement découragé », n’étant autorisé que dans des cas particuliers – par exemple lorsque la jeune femme mineure est enceinte – et demande l’autorisation non seulement des parents mais aussi de l’évêque. En outre, l’Eglise n’hésite pas à déclarer nul un mariage lorsqu’est découvert le fait qu’il a été contracté sous la menace ou que le couple ne disposait pas de la maturité nécessaire pour fonder une nouvelle famille.

Selon le journal Middle East Eye, les grecs-orthodoxes proposent 18 ans comme âge minimal pour les deux sexes. Une union entre un garçon de 17 ans et une jeune fille de 15 ans est cependant tolérée sous réserve de l’autorisation du juge religieux.

En corrélation avec l’afflux des réfugiés syriens

L’afflux de réfugiés syriens inquiète le Liban face à la multiplication des mariages de mineurs sur son sol. Ainsi, selon un rapport de l’Unicef de 2016, le plus haut pourcentage de filles mariées entre 15 et 19 ans se situe au sein des réfugiés syriens, soit un taux de 27%, suivi de la population palestinienne de Syrie réfugiée au Liban (13%). Au sein de la population libanaise et des réfugiés palestiniens du Liban, le taux de mariage précoce est de 4 %. Dans les autres pays, on remarque aussi les conséquences de la guerre civile en Syrie et l’afflux de réfugiés. En Jordanie, par exemple, selon un rapport de l’ONG internationale Save the Children intitulé « Too Young to Wed » (Trop jeunes pour être mariées), un mariage sur quatre aujourd’hui entre réfugiés syriens dans le pays implique une fille âgée de moins de 18 ans. En 2011, le chiffre était de 12 %.

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