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Le premier musée de la présence chrétienne à Jérusalem est

Marie-Armelle Beaulieu
30 mars 2018
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En 2013, le Trésor du Saint-Sépulcre émerveillait les visiteurs du châ;teau du roi Soleil. "C'est une des expositions les plus courues que nous ayons eues" commente Béatrix Saule, directrice conservatrice générale honoraire du château de Versailles. Ce trésor se prépare un écrinà Jérusalem et Mme Saule a accepté de devenir la pré;sidente du comité scientifique de la collection historique du Terra Sancta Museum.


Qu’est-ce que les pièces amenées à être dans ce musée ont d’exceptionnel ?

D’exceptionnel elles ont leur provenance très prestigieuse, les cours d’Europe. Ce sont des pièces dont les souverains ont fait don avec l’idée d’offrir le plus beau pour le service divin. Et ce qui est exceptionnel c’est que ce sont des objets de paramentique (vêtements liturgiques NDLR) et d’orfèvrerie exécutés dans des matériaux réputés fragiles. La paramentique parce que ce sont des objets d’usage et donc qui s’usent, et qui souvent ont disparu du fait même d’être utilisés ; et l’orfèvrerie parce que c’est quelque chose qui est facilement fondu, récupéré, sujet à un tas de vicissitudes : il y a eu des révolutions, il y a eu des fontes ordonnées par les souverains eux-mêmes. Donc aujourd’hui, nous avons ici à Jérusalem des œuvres qu’on ne trouve plus ailleurs.

Si je prends l’exemple français, c’est absolument manifeste : il n’y a plus en France aucun objet royal français d’Ancien Régime en ce qui concerne les vases et les ornements liturgiques. Mais c’est la même chose pour les autres cours, et donc de l’avis de tous les spécialistes, ce sont vraiment des œuvres qui permettent de connaître des choses que l’on ne connaissait plus seulement qu’à travers les descriptions qui en avaient été faites. Tandis que dans ce que l’on a coutume d’appeler “le trésor de la custodie” on voit des choses qui ont été conservées et qui nous donnent vraiment des exemples de ce que l’on pouvait avoir dans les pays d’origine d’où ils ont aujourd’hui disparu.

 

 

 Quelles sont les difficultés rencontrées dans le choix des pièces à exposer ?

Il y a deux sections majeures dans le musée. Pour l’une, qui est l’histoire de la custodie, c’est la difficulté de trouver des objets qui illustrent cette histoire. Certains des objets sont souvent trop précieux, au sens de leur rareté ou fragilité, pour être présentés de façon permanente. C’est le cas de figure que nous rencontrons sur les documents archivistiques par exemple.

L’autre cas de figure en ce qui concerne le trésor, c’est plutôt le trop-plein. Nous avons littéralement l’embarras du choix : il y a tellement d’objets à montrer qui sont d’une qualité vraiment exceptionnelle qu’il faut faire un choix et nous sommes malheureux de ne pas pouvoir tout montrer.

Rencontrez-vous des difficultés de mise en scène des pièces ?

Oui, en ce qui concerne la conservation, les objets de paramentique font mauvais ménage avec l’orfèvrerie parce qu’il peut y avoir des interactions entre les œuvres. Ensuite, la difficulté, c’est que c’est une présentation permanente et tout ce qui est tissu ne peut pas être présenté de façon permanente ; donc cela impose des roulements et c’est tout de même quelque chose d’assez difficile à gérer.

Ensuite, ce sont des œuvres qui sont pour certaines très sensibles à la lumière et tout autant à l’humidité. En matière de conservation, c’est un vrai sujet qui demande des études très pointues.

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Vous avez travaillé à la construction du narratif du musée. Au moment de passer à la réalisation technique, quelles difficultés rencontrez-vous ?

Les difficultés que je rencontre, en l’occurrence, sont plus dans la section première présentée dans des locaux qui ont fait l’objet de fouilles récentes et dont on ne sait pas comment ils vont évoluer(1). Cette section par ailleurs est constituée d’un ensemble de pièces de dimensions restreintes, avec une configuration de murs qui ne sont pas aisés à traiter. Nous devons donc intégrer ces contraintes tant dans le narratif que dans la gestion du flux des visiteurs.

Ensuite, lorsqu’on présente des objets de musée, il est très important de savoir quelle a été leur vie antérieure. Ici il est difficile de savoir dans quel climat ils ont été et dans quel climat ils vont être. C’est-à-dire qu’on ne peut pas adopter les normes habituelles d’un musée en Europe, les transposer ici de façon, je dirais, un peu doctrinaire : on est obligé de prendre en considération ce qu’est le climat aujourd’hui, et ça, c’est une des difficultés.

Parmi les difficultés qui émergent y en a-t-il auxquelles vous n’avez jamais été confrontée dans votre vie professionnelle ?

Cela rejoint ce que je disais au sujet du passé des œuvres, au fait de savoir, en l’occurrence plutôt méconnaître, comment elles ont vécu. Elles ont été conservées dans des sacristies dans des conditions très particulières ; désormais, on va les exposer de manière permanente. La question est de savoir comment elles vont réagir. Je dirais que c’est cela pour nous le premier sujet.

Aussi, le fait que nous soyons dans un espace tout de même très particulier : ce n’est pas habituel pour un musée. Donc cela pose la question de flux de public qui ne sont pas habituels.

 

Tandis que les locaux sont en travaux, le projet muséographique se dessine déjà sur ordinateur.

 

Vous avez constitué autour de vous un comité scientifique de renommée internationale, pourquoi ?

Nous avons tenu à ce que le comité scientifique soit tout d’abord international parce que les œuvres elles-mêmes ont des provenances très diverses. Enfin, on a des objets qui sont de matériaux très divers : nous avions donc besoin de spécialistes dans des disciplines différentes. Et puis parce que la qualité des collections est à un niveau international et il fallait qu’il y ait un rayonnement qui corresponde à la qualité de ces œuvres.

Quelles sont, Béatrix Saule, vos motivations personnelles à vous engager dans ce projet ?

Je suis heureuse de pouvoir mettre à disposition mes compétences au service de l’Église. En tant que chrétienne, durant ma carrière, j’ai essayé de faire en sorte que les valeurs chrétiennes inspirent mes actions. Mais là en l’occurrence, cela donne une finalité supplémentaire.

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Qu’est-ce qui rend la création de ce musée si unique ?

Le lieu, Jérusalem. Créer le premier musée de la présence chrétienne à Jérusalem, c’est un évènement considérable. Ensuite, le fait de travailler dans un lieu international où nous serons amenés à nous adresser et à faire passer un message à des publics extrêmement divers. J’ai été amenée à le faire à Versailles mais le sujet était beaucoup plus aisé dans la mesure où il n’y avait qu’un seul discours. Tandis que là, il y a plusieurs discours à avoir selon les publics auxquels on va s’adresser. La diversité des discours va être là quelque chose qu’il va falloir beaucoup travailler.                t

1. A la faveur des travaux commencés il y a deux ans dans le couvent Saint-Sauveur, des sondages derrière des murs ont laissé apparaître l’existence de pièces d’époque médiévales. Elles ont été intégrées au parcours du musée, inscrivant la collection dans ces murs historiques en eux-mêmes.


Un projet : trois musées

Forts de leur ancienneté en Terre Sainte et de la mission que l’Église catholique leur a confiée, les franciscains de Terre Sainte souhaitaient offrir aux pèlerins du monde entier qu’ils accueillent, mais aussi aux Églises locales et aux deux confessions juive et musulmane, l’opportunité de découvrir les racines du christianisme et des Lieux Saints, témoins de la vie de Jésus.

C’est ainsi qu’est né le projet du Terra Sancta Museum avec une belle ambition : valoriser au cœur de la vieille ville de Jérusalem le patrimoine spirituel, archéologique et artistique chrétien précieusement conservé, par les franciscains, au cours des huit derniers siècles.

Trois sections pour un musée

Le Terra Sancta Museum couvrira une surface d’exposition de 2.573 m² et comprendra 3 sections :

• Multimédia – Via Dolorosa (déjà ouvert)

• Archéologique – Les lieux évangéliques en Terre Sainte

• Historique – Le trésor de la custodie de Terre Sainte

Deux couvents franciscains – le Couvent de la Flagellation et le Couvent de Saint-Sauveur – ont été choisis pour accueillir ces sections. Tous sont en vieille ville et proches des principales destinations de pèlerinage et de tourisme de Jérusalem.

Ouverture espérée en 2020.

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Découvrez le site internet du Terra Sancta Museum ici

 

Entourés de rouge, les deux couvents franciscains qui abriteront chacun une partie du musée

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