Environ un tiers de la migration des juifs de la diaspora vers Israël est subventionné par les évangéliques américains. Qui veulent ainsi hâter l'avènement du Royaume de Dieu.
Les chrétiens évangéliques, base électorale aux États-Unis du président Donald Trump, financent à l’heure actuelle environ un tiers de la migration des Juifs de la diaspora vers Israël. C’est ce que révèlent les chiffres de 2017, publiés par le journal numérique israélien Ynetnews. Sur 28 000 juifs qui ont fait leur aliyah l’an dernier – la montée en « terre promise » – au moins 8 500 ont bénéficié de fonds recueillis officiellement par des organisations chrétiennes, devenues partenaires de l’Agence juive dans l’objectif de ramener les « exilés » dans la patrie israélienne. Somme qui couvre non seulement les frais de voyage, mais aussi et surtout ceux de l’insertion dans la nouvelle société, avec des subventions sociales et des aides pour la construction de nouvelles maisons. Les deux principales dénominations des chrétiens évangéliques engagés pour la cause juive sont l’International Fellowship of Christian and Jews (Ifcj) et l’International Christian Embassy of Jerusalem.
Les sommes allouées sont considérables. Seule l’Ifcj a dit à l’Associated Press qu’elle avait distribué de 2014 à aujourd’hui, 20 millions de dollars pour l’aliyah et donné à l’Agence juive 188 millions de dollars au cours des deux dernières décennies. A cela s’ajoute un engagement financier similaire à celui de la Christian Embassy, en plus de contributions anonymes. « Après deux mille ans de persécution et d’oppression, nous avons aujourd’hui des chrétiens qui aident les juifs. C’est quelque chose d’extraordinaire », observe avec satisfaction auprès de l’Associated Press, le président de l’International Fellowship, le rabbin Yechiel Eckstein, également membre du conseil d’administration de l’Agence juive.
Les évangéliques, qui représentent le secteur dont la croissance est la plus rapide dans le monde chrétien, et qui dominent maintenant la famille des protestants, voient dans l’Etat hébreu moderne et sa domination sur la Palestine – sur toute la Palestine – la condition pour la réalisation des prophéties bibliques et pour le triomphe final du Règne de Dieu. L’alliance entre les chrétiens évangéliques et les sionistes a de profondes racines dans l’histoire. Ce fut un évangélique, Lord Shaftesbury, un aristocrate britannique, qui a inventé en 1839 le slogan qui est devenu l’idée directrice du sionisme : les juifs, « un peuple sans terre, pour une terre sans peuple », une phrase se référant à la Palestine, alors toute petite province de l’Empire ottoman, qui avait en réalité sa population locale. En 1890, aux États-Unis, les chrétiens évangéliques ont formé un lobby pour la création d’un État juif, même si, à l’époque, ils n’ont rien fait à ce sujet. Puis, après de longues décennies de coopération souterraine, ils sont revenus à se présenter comme les « meilleurs amis d’Israël » (une définition approuvée aussi par le premier ministre actuel Benjamin Netanyahu) à compter du premier gouvernement du Likoud dirigé par Menachem Begin en 1979 et qui ont eu un rôle clé dans l’alyah de plus d’un million de juifs russes, après l’effondrement de l’Union soviétique.
Les évangéliques représentent également 13% de tous les touristes – juifs, chrétiens, musulmans – qui visitent Israël chaque année. Un tourisme, le leur, qui favorise les festivités et les lieux sacrés de la tradition juive, qui rapporte de l’argent dans les caisses israéliennes et ignore complètement la réalité chrétienne palestinienne de la Terre Sainte. Les Eglises historiques de la région, catholique et orthodoxe, ont de bonnes raisons de s’inquiéter de ces « missionnaires » et de leur christianisme qui aiguise le conflit avec le monde musulman. La droite israélienne expansionniste a en revanche de nombreuses raisons de les remercier : pour les aides financières, pour leur contribution au succès d’un personnage comme Trump (ardent partisan du nationalisme juif), pour le soutien politique que les évangéliques continuent à offrir avec enthousiasme à Israël, en particulier à la lumière du désaccord que la politique de Netanyahou suscite au sein de la même communauté juive nord-américaine.