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Megiddo, un tel passé qui ne cesse de refaire surface

Christophe Lafontaine
15 mars 2018
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Une tombe datant de 3600 ans, recelant moult bijoux, a été découverte sur le site israélien de Megiddo, au sud-est de Haïfa. Non loin de là, un nouveau parc archéologique de l’époque romaine devrait bientôt voir le jour.


Tout simplement, « magnifique ». C’est ainsi que les journalistes du National Geographic qualifient la chambre funéraire mise à jour à Megiddo (au Nord d’Israël) par des archéologues israéliens en 2016. Le mensuel américain rend public, dans son édition du 13 mars 2018, ce qu’il en est exactement.

Dans un très bon état de conservation, le tombeau pourrait fournir d’intéressantes informations sur la dynastie royale qui régnait sur l’antique et puissante région de Canaan avant qu’elle ne soit rattachée à l’empire égyptien au début du XVsiècle avant Jésus-Christ. Sous le règne du pharaon Thoutmôsis III.

Des ossements de trois personnes y ont été retrouvés. Ceux d’un enfant d’une dizaine d’années et ceux d’une femme et d’un homme adultes. Les trois, appartenant très certainement à la même famille. Tous portent de riches bijoux en or et en argent, finement ciselés. « Des bagues, des broches, des bracelets et des épingles », précise le National Geographic. Qui plus est, « l’homme arborait un collier et une couronne en or. » Un signe, a priori, qui ne trompe pas. D’autant que les archéologues ont relevé la proximité géographique du complexe funéraire avec l’antique palais royal de Megiddo, mis à jour dans les années 30 et datant de la fin de l’âge de bronze, soit 1 700 – 1 600 avant J.-C. Epoque à laquelle la cité cananéenne était à son apogée.

En outre, le tombeau, composé d’un long couloir (dromos), abrite de nombreuses offrandes funéraires mais aussi des tessons de poterie en terre cuite, des dizaines de plaques en ivoire incisées, des pots en céramique provenant de Chypre et des jarres en pierre importées d’Egypte. Preuve s’il en fallait que les personnes enterrées dans ce tombeau étaient non seulement riches mais également puissantes. En d’autres termes, « nous pouvons dire qu’il s’agit de la sépulture d’une famille appartenant à l’élite », a expliqué Israel Finkelstein, de l’Université de Tel Aviv. L’archéologue mène les fouilles sur le site depuis 1994  avec son collègue universitaire Mario Martin. L’expédition est conjointement dirigée par Matthew Adams du W.F. Albright Institute of Archeology de Jérusalem (l’ancienne American Schools of Oriental Research).

Tout autant que sur les objets retrouvés dans la tombe, les archéologues misent sur l’analyse ADN des ossements pour en savoir plus sur cette famille probablement royale, rapporte le National Geographic. En plus des trois squelettes retrouvés, les chercheurs ont découverts six autres tas d’ossements correspondant à autant de dépouilles. Les restes sont également ornés de bijoux semblables à ceux que portent les trois membres de la même famille précitée, et présentent – pour certains – « des troubles génétiques et sanguins communs », rajoute la revue américaine. Ce qui confirmerait des liens familiaux proches.

Et voilà donc les archéologues partis pour une enquête génétique approfondie – toujours en cours – pour comparer (au laboratoire de l’Université de Harvard) les échantillons ADN prélevés sur les neuf dépouilles récemment découvertes avec ceux d’autres corps exhumés à Megiddo ces dernières années, mais retrouvés dans des sépultures plus modestes. L’objectif étant, explique Israel Finkelstein cité par le National Geographic, de savoir si les ossements retrouvés dans la tombe dite royale ont le même patrimoine génétique que ceux des habitants « communs » de la cité-Etat cananéenne. La raison de cette exploration  est claire. L’élite de Megiddo pourrait avoir des origines hourrites, et non pas cananéennes comme l’ensemble de la population de la ville. L’étude d’une correspondance diplomatique avec l’Egypte au XIVe siècle av. J.-C., c’est-à-dire après la conquête du territoire par les Egyptiens, a révélé que Birydia, le roi de Megiddo à l’époque, portait un nom hourrite et non sémitique. Alors que ce dernier était traditionnellement cananéen. Grâce aux résultats ADN à paraître, il sera possible de préciser la cartographie des populations de la région à cette époque. Mieux : cela permettra de savoir si les Hourrites ont véritablement eu un rôle influent, aristocratique et militaire dans le fonctionnement des cité-Etats cananéennes. Ou pas.

L’une des plus anciennes églises de Terre Sainte bientôt montrée au public ?

Le tertre antique de Megiddo (en arabe tell el-Moutesellim) perché au-dessus de la vallée de Jezreel en Basse-Galilée fut le carrefour stratégique des principales routes militaires et commerciales pendant près de cinq millénaires, de 3 000 avant J.-C. jusqu’en 1918. La ville a vu passer pas moins de 18 civilisations et subi de nombreuses batailles.

Le parc national israélien de Megiddo, plus connu sous son nom grec Armageddon (qui vient de Har-Megiddo ou « colline de Megiddo » est associé à la bataille finale entre les forces du bien et du mal selon le livre de l’Apocalypse.  Cela lui confère une valeur universelle qui lui a valu une place sur la Liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Le site est considéré comme le berceau de l’archéologie biblique en Israël.

A quelques encablures de là (à environ 5 km), à la jonction des routes 65 et 66, une mosaïque chrétienne,  datant – selon les archéologues israéliens – du IIIe  après J.-C. (soit des décennies avant que l’empereur Constantin ne légalise le christianisme dans l’Empire byzantin),  a été retrouvée en 2005. Elle devrait bientôt être exposée au public, selon un article du  Haaretz paru le 9 mars 2018. Le journal israélien explique que la prison à sécurité renforcée près de laquelle elle a été retrouvée « va être enfin évacuée » pour laisser place à un nouveau parc archéologique. Le Conseil régional de Megiddo ayant fait l’annonce publique la semaine dernière. Pour autant, aucune date n’est fixée quant à l’ouverture de ce nouvel  espace touristique.

La mosaïque de l’époque romaine atteste que « Jésus Christ est Dieu » et comporte également des images d’un autel et de deux poissons – symbole chrétien primitif apparu avant que le symbole de la croix ne se répande.  Elle a été trouvée sous les ruines d’une structure byzantine plus récente.

L’ensemble de mosaïques  appartiendrait aux restes d’un site chrétien qui pourrait être apparenté à une église. « Ce qui est clair aujourd’hui, c’est qu’il s’agit des plus anciens restes archéologiques d’une église en Israël », s’était, à l’époque de la découverte, enthousiasmé Yotam Tepper, l’archéologue en chef de ces fouilles. Jusqu’à présent, aucune trace d’église n’était avérée avant le IVe  siècle en Terre Sainte. Le nonce en Israël de l’époque, Mgr Pietro Sambi, s’en était même ému officiellement.

Toutefois, la petite structure rectangulaire ne présente pas les caractéristiques des églises des périodes suivantes. Ce qui laisse à penser que la mosaïque ait pu être insérée dans une pièce qui servait de salle de prière dans une maison privée, plus communément appelée « Domus Ecclesiae ». Comme à Doura Europos, en Syrie.

Deux inscriptions en grec ont également été retrouvées, l’une à propos d’un officier romain (ou identifié comme tel), l’autre à propos d’une femme nommée Aketos.  De plus, les ruines d’une base de l’armée romaine ont également été trouvées. Des signes qui pourraient révéler que certains centurions étaient parmi les premiers chrétiens…

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