L’adoption d’une nouvelle grille des salaires dans le secteur public impacte les écoles du privé qui se retrouvent en difficulté financière et commencent à fermer. Le patriarche des maronites pousse un cri d’alarme.
A plus de la moitié de l’année scolaire, les tensions sont toujours aussi vives dans l’enseignement privé libanais. Et des écoles commencent déjà à passer à la moulinette, rapporte l’agence Fides. « Il est (…) du devoir de l’Etat de sauvegarder l’école privée pour le rôle culturel unique qu’elle assume à l’égard des générations montantes », a alerté le patriarche des maronites, dimanche 18 mars 2018. Cité par L’Orient-Le Jour, il s’est alarmé au nom de toutes les écoles privées chrétiennes et musulmanes du pays. Et a annoncé que d’ores et déjà, des écoles, essentiellement situées dans les zones rurales et les banlieues urbaines lui avaient fait part de leur décision de fermer. « D’autres établissements scolaires en difficulté ont lancé des avertissements en ce sens », a-t-il ajouté.
Près de 350 établissements sont menacés de fermeture. Au Liban, les écoles privées (en large majorité catholiques) scolarisent près des deux tiers des élèves. Si le patriarche est inquiet pour l’avenir des élèves, il l’est aussi pour celui des membres du corps enseignant et non enseignant du secteur privé qui risquent de se retrouver sans emploi et contraints probablement de migrer vers les villes. « Va-t-on réaliser, (…), la gravité de la crise pédagogique et sociale qui couve, et la prévenir avant qu’il ne soit trop tard ? » s’est ému le prélat maronite.
Dans son homélie dominicale, le patriarche a pointé du doigt les nouvelles dispositions législatives adoptées l’été dernier par le gouvernement libanais portant sur les « échelles salariales » mettant à mal la pérennité financière des écoles privées libanaises. De fait la loi 46/2017, promulguée le 21août, stipule que les salaires des enseignants du privé doivent être alignés sur ceux de leurs collègues de l’enseignement public qui ont été augmentés dès la rentrée de septembre. Les revenus des enseignants étaient en effet bloqués depuis 2008. Le texte législatif prévoyant un effet rétroactif.
Cette disposition législative a provoqué un bras de fer entre les enseignants des écoles privées qui veulent bénéficier des augmentations de salaires, les écoles privées elles-mêmes qui doivent trouver une alternative pour répondre aux exigences de financement imposés par la loi, et les parents d’élèves du secteur privé qui ne veulent pas supporter, ce qui apparaît comme la principale issue, l’augmentation des frais de scolarité. Car, si les écoles publiques sont subventionnées par l’Etat, ce n’est pas le cas des établissements privés, qui doivent intégralement payer les salaires de tout leur personnel, enseignant et administratif.
Or, « les écoles ne peuvent pas dans certains cas – ni ne veulent d’ailleurs – faire assumer ces majorations aux parents, dont le fardeau est déjà assez lourd, et même si certains sont financièrement capables de le faire, elles ne veulent pas que l’école catholique se transforme en une école pour riches, ce qui lui ferait perdre sa mission et sa raison d’être », a insisté le patriarche Bechara Raï.
Se disant déçu, il a aussi vivement reproché au gouvernement de ne pas avoir pris en compte les mises en gardes de l’Eglise maronite depuis le début de cette crise de l’enseignement privé ni pris les mesures nécessaires pour éviter que des écoles privées ne ferment. Pour preuve, le budget 2018 ne prévoit pas les quelque 200 millions de dollars d’aides qui seraient pourtant nécessaires aux écoles privées.
Face à ce cri d’alarme, le Patriarche maronite, lance un espoir. Le budget 2018 est toujours en cours d’examen et laisse au gouvernement la possibilité de revenir en arrière en l’amendant avant son adoption définitive. Un amendement qui permettrait au gouvernement, selon le cardinal, au d’assumer les conséquences de la loi qu’il a fait voter au parlement.
A noter que certains établissements scolaires privés, contactés en février par L’Orient-Le Jour ont toutefois décidé d’appliquer la loi. Ainsi, par exemple les établissements orthodoxes de Beyrouth, qui comptent 6 000 élèves et 450 enseignants (Zahret el-Ihsan, le collège de l’Annonciation, l’école des trois docteurs, l’école Saint Mary et le collège Saint-Élie). Ou encore, indique la quotidien libanais, des établissements communautaires sunnites à Saïda et Hariri. De même, les cinq établissements de la Mission laïque française au Liban qui comptent 11 000 élèves et un millier d’enseignants. S’ils ont commencé à accorder les augmentations de salaires à leur personnel, il n’en demeure pas moins que les frais de scolarité enregistreront tout de même une hausse. Des négociations avec les parents d’élèves sont en cours.
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