Le 20 mai 2018, seront érigés un « Vicariat épiscopal » et une « paroisse personnelle » pour les migrants et les réfugiés en Israël. Le Patriarcat latin de Jérusalem l’a annoncé le 4 avril 2018. Une étape substantielle.
En plein zigzag gouvernemental en matière de politique migratoire en Israël, c’est une nouvelle qui détonne. Après avoir consulté le conseil presbytéral le 5 février dernier, l’administrateur apostolique du Patriarcat latin de Jérusalem a décidé de faire passer à la vitesse supérieure la pastorale pour les migrants et les réfugiés en Israël. Mgr Pizzaballa explique sa démarche dans une lettre adressée le 4 avril 2018 aux curés de la région pastorale d’Israël. Pour lui, le constat est simple : « les chrétiens locaux, les communautés religieuses, les pèlerins venus des quatre coins du monde vers les lieux saints, les travailleurs étrangers, les migrants et les réfugiés, chacun avec sa langue, son histoire et sa culture, appartiennent à la même Eglise de Terre Sainte. » Comprendre que les chrétiens migrants ou réfugiés sont partie intégrante du diocèse de Jérusalem et que leur intégration dans l’église locale est essentielle et toujours plus à améliorer.
Il est vrai que, communément, lorsqu’on parle des chrétiens de Terre Sainte, on pense rarement aux chrétiens travailleurs étrangers ou réfugiés qui immigrent vers Israël. Et pourtant, ils représentent une population de plus en plus importante dans le diocèse. Selon le Ministère de l’Intérieur Israélien, il y avait en 2015 environ 230 000 travailleurs étrangers dans le pays. La vaste majorité est chrétienne. Il faut compter aussi plus de 40 000 réfugiés et demandeurs d’asile.
C’est pourquoi, au vu des défis démographiques, pastoraux et sociaux que soulèvent ces populations, Mgr Pizzaballa a souhaité créer de nouvelles structures ecclésiales – de référence – pour répondre à leurs besoins particuliers.
De fait, il estime nécessaire de réorganiser le service pastoral qui leur est offert, placé jusque-là sous la houlette de la « Coordination pour la pastorale des migrants et des réfugiés », créée en 2011 au sein du Patriarcat latin de Jérusalem. La plupart des travailleurs étrangers et des réfugiés évoluant dans la société juive hébréophone, c’est d’abord naturellement le vicariat pour les chrétiens d’expression hébraïque qui s’est employé à répondre aux besoins pastoraux de ces catholiques immigrés. Le Patriarche latin de l’époque, Mgr Fouad Twal, avait alors nommé le Père David Neuhaus, vicaire pour les catholiques hébréophones comme coordinateur de ce comité d’action. Le père Rafic Nahra lui a succédé en septembre 2017.
Outre les curés de paroisses qui accueillent de nombreux travailleurs étrangers (à Haïfa, Jaffa, Tel-Aviv, Eilat, et Tibériade), la coordination rassemble des religieux et des laïcs. Le but étant de redoubler d’efforts pour que les catholiques aient entièrement accès aux sacrements, au catéchisme, se sentent intégrés dans l’Eglise locale, développent une vraie solidarité entre les communautés migrantes afin de s’apprivoiser et se mélanger. Il s’agit aussi à l’origine d’identifier les besoins du clergé et d’être plus avertis sur les droits des travailleurs réfugiés et pour ce faire se rapprocher des ONG.
Un travail d’unité et de clarté
Autant de challenges qui n’ont cessé de croître et de se diversifier. Qui plus est, les décisions du gouvernement israélien en matière migratoire exigent que la pastorale des migrants soit à même de répondre de manière officielle, claire, cohérente et unie. C’est pourquoi la « coordination » deviendra le 20 mai prochain – jour de la solennité de la Pentecôte – le « Vicariat épiscopal des migrants et des réfugiés ». De ce fait, il sera distinct du vicariat pour les catholiques hébréophones et sera dirigé par un Vicaire épiscopal qui doit être prêtre mais pas nécessairement évêque mais en tout état de cause collaborateur immédiat de Mgr Pizzabballa pour ce groupe de fidèles que sont les migrants et les réfugiés. A l’instar de tous les autres vicaires du diocèse, le Vicaire Episcopal pour les migrants et les réfugiés, aura pour priorité de travailler à l’unité de toute l’Eglise de terre Sainte, précise l’Administrateur apostolique dans sa lettre.
Assurément, cette disposition affermira, facilitera, cadrera et unifiera le travail des différents acteurs qui se consacrent en Israël au service des travailleurs étrangers et des réfugiés. Au concret, cela signifie que « toutes les aumôneries, les différents assistants et tous ceux qui travaillent dans ce domaine ecclésial se coordonneront avec le vicaire épiscopal pour leurs activités et pour leur ministère », indique la lettre de Mgr Pizzabballa.
Et si l’administrateur apostolique se dit vigilant quant au respect de « la diversité des langues et des cultures », il est néanmoins soucieux d’entretenir « des éléments d’unité et de clarté entre les différents groupes. » En somme, une Eglise unie malgré la grande diversité de culture et de besoins. Pour mémoire, les travailleurs immigrés arrivent principalement de Thaïlande, des Philippines, du Népal, de l’Inde, du Sri Lanka et même de Chine. Quant aux demandeurs d’asile, ils sont majoritairement originaires d’Erythrée et du Soudan. Ces derniers sont actuellement dans le viseur du gouvernement de Benjamin Netanyahu qui souhaite les expulser vers des pays-tiers (à l’exception des femmes et des enfants).
Une paroisse non territoriale
Mais Mgr Pizzaballa n’en reste pas là. A la Pentecôte, sera aussi érigée une « paroisse personnelle » pour tous les migrants et réfugiés qui vivent en Israël. Selon le code de droit canonique, il s’agit d’une paroisse non territoriale qui permet à une communauté de fidèles de fonctionner selon le droit de l’Eglise avec sa vie liturgique, ses œuvres et surtout un curé qui a la pleine charge des âmes.
Cette nouvelle paroisse prendra en charge tous les aspects pastoraux, sacramentels et les enjeux de formation. « La création de cette paroisse a pour but de garantir un service pastoral complet aux nombreuses personnes qui sont loin de nos églises, mais qui, malgré les circonstances sociales difficiles dans lesquelles elles vivent, veulent toujours avoir le soutien de l’église », détaille Mgr Pizzaballa. La lettre précise toutefois que les migrants qui fréquentent actuellement les paroisses dites territoriales, peuvent continuer à les fréquenter et accéder aux sacrements qui y sont délivrés.