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Israël renonce à expulser les migrants… pour l’instant !

Christophe Lafontaine
25 avril 2018
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Sans accord avec des pays tiers d’accueil, le gouvernement israélien a renoncé le 24 avril 2018, au plan d’expulsion de migrants africains. Entre annonces et reculades, c’est le sort de milliers d’âmes qui est en jeu.


Marche arrière toute. « Il n’est pas possible de mettre en œuvre les expulsions vers un pays tiers. » C’est ce qu’ont déclaré les services du conseiller légal du gouvernement israélien à la plus haute instance judiciaire d’Israël, la Beit haMishpat ha’Elyon. Les migrants africains entrés illégalement sur le territoire israélien pourront continuer – jusqu’à nouvel ordre – de vivre en Israël. De nombreux migrants africains, la plupart venant d’Erythrée ou du Soudan, se revendiquent comme des demandeurs d’asile, en danger dans leurs pays d’origine.

Ainsi s’annule la mise en application du plan de migration – controversé – voulu par le gouvernement de Benjamin Netanyahu. Les expulsions visaient une partie des 42 000 migrants à qui le statut de réfugiés est refusé. La moitié – des femmes et des enfants – n’était pas, dans un premier temps, concernée ni menacée. Selon les médias locaux, le gouvernement espérait expulser 600 demandeurs d’asile par mois pour la première année du plan. Ce dernier ayant été annoncé aux premiers jours de janvier.
Le gouvernement avait ainsi signifié aux migrants africains qu’ils devaient faire le choix de quitter l’Etat hébreu d’ici à la fin mars ou d’aller en prison et d’y rester indéfiniment. A moins qu’ils consentent finalement à être expulsés. Selon les termes du plan, s’ils optaient pour le départ, le gouvernement proposait aux migrants de partir – en plus des frais d’avion – avec une somme de 3 500 dollars (2 800 euros). Il était a priori très peu probable qu’ils rejoignent leur pays d’origine – Israël le reconnaissant tacitement – car l’Erythrée et le Soudan sont accusés de « crime contre l’humanité. »

Quel répit pour les migrants ?

La solution de pays tiers semblait tout indiquée aux yeux du gouvernement israélien qui considère ces migrants africains comme « infiltrés ». Mais ni le Rwanda (longtemps évoqué par la presse israélienne) ni l’Ouganda (avec lequel 11 jours de négociations ont fait chou blanc) n’ont finalement donné suite. L’absence d’accord avec des pays tiers acceptant d’accueillir les migrants ne permet pas d’expulser les migrants selon les conditions qu’avait imposées la Haute cour de Justice de l’Etat hébreu à savoir qu’un projet d’expulsion ne peut être valide que s’il permet aux migrants d’être relogés de façon sûre dans un pays tiers, ou de les libérer des centres de détention.

Le Times of Israel explique qu’en revenant sur son plan controversé en matière de politique migratoire, « le gouvernement israélien a annoncé que l’Etat, depuis le 17 avril 2018, a interrompu les audiences dans le cadre du projet d’expulsions et aucune décision d’expulsion ne sera prise pour le moment. » Le gouvernement a par ailleurs indiqué, rapporte le même journal, que les ordonnances d’expulsion déjà émises étaient caduques et que les migrants disposant d’un titre de séjour temporaire arrivé à expiration pourront obtenir un renouvellement de leurs visas.

Ce rétropédalage gouvernemental va ainsi permettre à des milliers de migrants et demandeurs d’asile africains de reprendre leur souffle. La plupart sont entrés illégalement entre 2005 et 2012 – très majoritairement après 2007 – à partir du Sinaï égyptien où beaucoup ont été torturés et violés. La frontière à l’époque poreuse avec le Sinaï égyptien a depuis été rendue quasiment hermétique avec la construction d’une clôture électronique de 242 kilomètres.

La décision annoncée hier soir aura de quoi réjouir aussi les militants, qui avaient fait appel à la Cour suprême, pour annuler ce projet du gouvernement. On ne compte plus les déclarations et les manifestations qui ont eu lieu ces derniers mois en guise de contestation en Israël. En tête l’agence de l’Onu pour les réfugiés (HCR), des rescapés de la Shoah, les responsables de l’Eglise Catholique en Israël qui n’ont pas hésité à convoquer le Lévitique : « L’étranger qui réside avec vous sera pour vous comme un compatriote et tu l’aimeras comme toi-même car vous avez été étrangers au pays d’Egypte. Je suis le Seigneur votre Dieu » (19 :34). Et les chefs religieux espéraient que l’Administration prenne en considération « la détresse des demandeurs d’Asile présents en Israël et [trouve] des solutions plus humaines à offrir. »

Cependant, dans sa lettre à la Cour suprême, le gouvernement israélien ne cache pas vouloir continuer à rechercher des solutions pour faciliter le départ des migrants. Début avril, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu avait annoncé avoir conclu un accord avec le Haut Commissariat des nations unies pour les réfugiés. Selon cet accord, des pays développés comme le Canada, l’Allemagne ou l’Italie avaient accepté d’accueillir une partie des migrants concernés. Mais l’Allemagne et l’Italie avaient aussitôt infirmé cette annonce. De plus, le Premier Ministre Benjamin Netanyahu avait moins de 24h plus tard fait volte-face sous la pression de son socle électoral  « Pourtant cela aurait permis à des milliers d’Africains d’avoir un statut temporaire en Israël et à des milliers d’autres de déménager dans des pays Occidentaux variés », avait alors indiqué la responsables catholiques de la pastorale des migrants sur le site du vicariat pour les fidèles hébréophones en Israël. «  Cet annulation a été accueillie avec consternation, déception et l’engagement à continuer la lutte pour les demandeurs d’asile, l’ONG qui les soutient, l’ONU et tous ceux qui sont concernés avec les migrants en Israël et à l’étranger », avaient-ils alors déclaré.

Pour l’heure, le Premier ministre a expliqué via son compte Twitter en hébreu avoir vu avec le ministre de l’Intérieur Arié Dery comment « se préparer immédiatement à la réouverture  des centres de détention pour les infiltrés » et de mettre en place des « moyens supplémentaires pour trouver une solution à ce problème. » Une référence directe au centre de Holot dans le sud d’Israël qui a été fermé le 12 mars dernier. Une partie des migrants qui s’y trouvaient avaient été transférés dans la prison voisine de Saharonim. Quant aux demandeurs d’asile qui avaient effectué une demande d’asile avant début janvier, ils avaient pu être libérés en attente d’une réponse. Mais ces derniers n’avaient pas le droit de vivre ou travailler dans sept villes déjà marquées par une forte population de migrants : Tel Aviv, Netanya, Eilat, Bnei Barak, Petah Tikvah, Ashdod et Jérusalem.

Holot avait ouvert ses portes, il y a un peu plus de quatre ans, pour réduire la concentration des demandeurs d’asile au sein des villes. Régulièrement ces dernières années des membres de la coordination pour la pastorale des migrants (CPAM) ont visité les demandeurs d’asiles détenus dans ce camp. Parce que « l’Eglise veut montrer sa proximité avec ses enfants exclus et marginalisés, et prie pour que leur dignité leur soit rapidement restaurée », expliquaient la CPAM lors d’une visite en 2016. Une des missions que pourrait reprendre le nouveau « vicariat épiscopal des migrants et des réfugiés » du Patriarcat latin de Jérusalem. Dans une interview en date du 23 avril 2018, publiée sur le site du diocèse catholique, le père Rafic Nahra, actuel coordinateur de la Pastorale des migrants, a annoncé que le vicaire épiscopal sera nommé « dans les semaines à venir ».

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