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Les Ahmadis de Haïfa et le bon voisinage

Federica Sasso
28 avril 2018
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Une petite communauté de musulmans ahmadis vit depuis 1924 sur les pentes du Mont Carmel. « Amour pour tous, haine pour personne » est sa devise. Un principe qui éclaire aussi la lecture du Coran.


Le quartier de Kababir à Haïfa pourrait être utilisé pour faire connaître l’esprit de cohabitation de la ville israélienne. Dans cette zone résidentielle située dans la verdure du Mont Carmel, en effet, la population juive est une minorité, bien « accueillie » par la majorité des résidents musulmans qui s’identifient comme Ahmadis. En réalité, les Israéliens ne connaissent pas grand-chose de la Communauté musulmane de l’Ahmadisme, un mouvement qui représente une minuscule partie du monde musulman, environ 1%, à savoir quelques dizaines de millions d’adeptes, dispersés dans plus de 200 pays. Depuis 1924, les Ahmadis sont également présents en Israël, avec une communauté qui compte à peu près 2200 fidèles situés principalement à Kababir, où les adultes vivent selon la devise « amour pour tous, haine pour personne» et les enfants étudient dans des classes mixtes avec des élèves juifs et chrétiens.

Le mouvement de l’Ahmadisme (ou Ahmadiyyia) a été fondé en Inde en 1889 par Mirza Ghulam Ahmad, un savant musulman qui s’autoproclamait « messie », prétendant avoir été envoyé sur la terre pour poursuivre la mission de Jésus comme l’aurait prophétisé Mahomet. Selon l’émir Mohammed Sharif Odeh, qui dirige la communauté en Israël, Ahmad est venu corriger les mauvaises interprétations du Coran et réaffirmer l’islam comme une religion de paix qui interdit la guerre sinon à des fins de défense. « Le vrai djihad est de vaincre le mal en nous », a expliqué Mohammed Sharif Odeh lors d’une réunion au centre Ahmadi de Kababir. Selon lui, « le problème, ce sont les interprétations » qui, au cours des siècles, ont pris le dessus sur le message coranique. L’émir a dit que les Ahmadis croient en tous les prophètes et tous les livres des différentes traditions religieuses, et que, selon les enseignements du « messie » Ahmad, le même Dieu qui a parlé dans le passé continue à communiquer avec les croyants.

Pour les Ahmadis, en effet, le Coran est le dernier livre, mais l’inspiration n’a pas été interrompue. « Pourquoi Dieu ne devrait-il pas nous parler aussi aujourd’hui? » demande Mohammed Sharif Odeh avec provocation.

La communauté Ahmadiyyia est dirigée dans le monde entier par le cinquième calife Mirza Masroor Ahmad qui vit à Londres à cause des persécutions subies par le mouvement dans plusieurs pays d’Asie, du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord. En Algérie, par exemple, les mosquées de la communauté Ahmadiyya ne peuvent pas élever un minaret, et au Pakistan, les fidèles ne peuvent pas utiliser de symboles religieux ou même se saluer avec l’expression Salam aleikhum. Bien qu’il dise qu’il y ait encore « beaucoup de mesures à prendre » concernant la condition des Arabes en Israël, l’émir Odeh admet que la communauté jouit dans le pays de la pleine liberté de culte.

A Haïfa, les Ahmadis sont très actifs dans les activités sociales : ils se cotisent pour soutenir les pauvres indépendamment de leur appartenance religieuse et ont toujours été ouverts aux autres religions et communautés ethniques, à tel point que le maire de la ville, Yona Yahav, les définit comme « Arabes réformés ». En effet, au nom du dialogue, la communauté a ouvert les portes aux figures religieuses et politiques de chaque parti. Il y a des photos représentant le parlementaire du Likoud Yehuda Glick alors qu’il se recueille à l’intérieur de la mosquée de pierres, le centre névralgique de l’Ahmadiyya, et en 1987 la communauté a traduit des passages du Coran en yiddish pour permettre à leurs voisins de connaître la source originelle.

« L’Islam est la solution aux problèmes seulement si je vois l’autre comme l’un de mes pairs. Si je crois que ce que tu mérites vaut autant que ce que je mérite », dit l’émir Odeh en expliquant que l’Islam propose un message de sollicitude pour l’autre et de paix. Ces positions ouvertes et cette disposition au dialogue permettent à l’émir Mohammad Sharif Odeh d’y associer un pragmatisme qui lui permet de mener sa communauté dans la réalité complexe israélo-palestinienne. Car malgré l’intégration vécue à Haïfa, les Ahmadis restent dans une position délicate : discriminés en tant qu’Arabes par la majorité des Israéliens juifs et condamnés en tant que secte par les autres musulmans.

 

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