L’Œuvre d’Orient organise en partenariat avec le Secrétaire Général des écoles catholiques au Liban, une rencontre autour de la francophonie au Moyen-Orient, les 12 et 13 avril 2018 à Beyrouth. Décryptage des enjeux.
C’est la troisième fois, que L’Œuvre d’Orient organise un colloque sur la francophonie et son rayonnement au Moyen-Orient. Après Paris, la nouvelle édition, parrainée par le patriarche maronite Mgr Bechara Raï, se tiendra à Dbaiyeh et Mansourieh (en banlieue de Beyrouth) demain et après-demain. Les deux précédents colloques, dans la capitale française, avaient eu lieu en 2014 et 2016. Un état des lieux de la francophonie avait alors été établi avec les principaux acteurs de l’enseignement catholique au Moyen-Orient, tel que précisé sur le site de L’Œuvre d’Orient. Association catholique française, placée sous la protection de l’Archevêque de Paris, dédiée au soutien des chrétiens d’Orient depuis 1856. Et ce, autour de l’éducation, de l’aide sociale, de l’action culturelle et de la vie des diocèses.
Monté en partenariat avec le Secrétaire Général des écoles catholiques au Liban, le colloque de cette année balayera les « enjeux, défis et perspectives » de l’enseignement catholique et de la francophonie dans les pays du Levant (au sens large du terme). Région où les écoles catholiques, installées avant la fin de l’empire ottoman, ont largement contribué au développement du système éducatif. Souvent, la langue de Molière y est enseignée.
Si le français est à proprement parlé une matière à étudier, il est aussi généralement utilisé comme la langue de fonctionnement de ces établissements. Ce qui fait qu’aujourd’hui, « elles restent un des principaux leviers de la francophonie », souligne L’Œuvre d’Orient. D’ailleurs, les chiffres collectés par l’association parlent d’eux-mêmes. Au global, les écoles catholiques dispensent leur enseignement en français à plus de 150 000 élèves en Egypte (170 écoles), 190 000 au Liban (329 écoles), 10 000 en Israël/Palestine (35 écoles), 3 500 en Turquie (6 écoles), 3 800 en Syrie (8 écoles, en 2014) et 10 000 en Irak (10 écoles). Et ce, sans compter celles qui enseignent la langue française comme 2ème ou 3ème langue…
C’est face à cette réalité que, s’exprimant dans un message vidéo, Mgr Gollnisch, directeur général de L’Œuvre d’Orient (qui à l’origine fut la bien nommée Œuvre des écoles d’Orient), voit dans le colloque une occasion de « donner la parole à ceux qui gèrent ces établissements et qui avec courage veulent y maintenir le français. »
Trois défis
Hier, 10 avril, L’Œuvre d’Orient et le secrétaire général des écoles catholiques, le père Boutros Azar, lors d’une conférence de presse ont annoncé qu’étaient prévues les interventions de l’ambassadeur de France au Liban, Bruno Foucher, le ministre libanais de l’Education, Marwan Hamadé, et de Mgr Béchara Raï. Seront aussi discutés et mis en perspective trois défis, rapporte le quotidien libanais, L’Orient-Le Jour. Les deux premiers aborderont la question de la formation des enseignants et celle de la place des nouvelles technologies numériques dans l’enseignement. Le troisième défi, quant à lui s’intitule « Consolider et pérenniser l’avenir des écoles catholiques au Proche et Moyen-Orient. » Nul n’ignore la crise que traversent actuellement les écoles privées au Liban notamment autour de question salariale des enseignants et du personnel non-enseignant. En ce sens, le père Azar a estimé que « cette conférence est une initiative audacieuse ».
Pour sa part, le délégué national adjoint de L’Œuvre d’Orient, Michel Petit de La Perelle a lui aussi insisté sur le rôle de ce colloque, rappelant que « le colloque de 2016 était l’occasion de tirer la sonnette d’alarme pour appeler les autorités françaises, régionales et internationales concernées à soutenir les institutions qui portent les valeurs de la francophonie. »
Véhiculer des valeurs
Car au-delà de l’aspect linguistique, la langue de Molière recèle une identité culturelle, un système de valeurs, un esprit, qui dépassent de loin l’hexagone français. Mgr Gollnisch ne s’y trompe d’ailleurs pas : « Le français donne une ouverture, donne un sens de l’universalité qui n’est pas une réalité nivelante mais une universalité qui prend en compte la culture de chacun. La langue française permet de véhiculer des valeurs ‘liberté, égalité, fraternité’ mais aussi une certaine laïcité, une promotion de la femme, le savoir-vivre ensemble…. avec tous et pour tous. » Pour lui, « ces valeurs ne pourraient pas être véhiculées de la même manière uniquement dans un face-à-face exigu entre l’arabe et l’anglais. »
Dans le contexte fragile du Moyen-Orient, les valeurs de la francophonie témoignent d’une cohabitation possible entre les communautés. En guise d’exemple, les écoles catholiques du Moyen-Orient – dont beaucoup sont des établissements d’éducation francophone, il faut le rappeler – scolarisent des filles et des garçons de toute confession, chrétiens ou non, et de tout milieu. Une première école de vivre-ensemble.
Maintenir le français au Moyen-Orient apparaît donc comme fondamental pour Mgr Gollnisch. « Nous voulons nous y engager. » dit-il.
Un investissement qui ne sera pas pour déplaire au Président de la République française, Emmanuel Macron qui, à l’occasion de la Journée mondiale de la francophonie le 20 mars 2018 , a présenté un programme ambitieux pour soutenir l’usage de la langue française dans le monde. S’exprimant à l’Académie française, il a estimé que c’est à travers son aide publique au développement que la France va financer sa stratégie pour « une nouvelle francophonie ». Une stratégie qui vise en premier lieu à renforcer l’enseignement des bases du français à l’école. Le président ambitionne de faire du français la troisième langue la plus parlée dans le monde. Elle est au cinquième rang aujourd’hui, avec près de 300 millions de locuteurs.