Le nonce à Damas accuse l’Onu d’avoir failli à sa mission « de prévenir les conflits. » Pour sa part, le Vicaire latin d'Alep, a déclaré que la communauté internationale cherche « un prétexte » pour détruire le pays.
Sur le dossier syrien, Washington et Moscou sont engagés dans un face-à-face exacerbé. La joute est pour l’heure verbale. Elle pourrait glisser en conflit ouvert sur le terrain. Le secrétaire général des Nations unies (ONU), Antonio Guterres, a exhorté le 11 avril, les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’Onu à trouver un terrain d’entente sur le conflit en Syrie afin d’« éviter une situation hors contrôle. »
De fait, en représailles à une attaque chimique (non confirmée) à Douma, qui était le dernier bastion rebelle de l’est de la Ghouta, dans la banlieue de Damas, Donald Trump a mis en garde contre des tirs de missiles en Syrie. Londres pourrait suivre. Paris annoncera « dans les prochains jours » une « décision. » Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), plus de 70 personnes seraient mortes dans l’attaque. Précisant que « 43 de ces décès étant dus à des symptômes liés à une exposition à des agents chimiques à haute toxicité. » Par ailleurs, il y aurait eu un millier de blessés dont cinq cents patients présentant des signes évoquant une exposition à des agents toxiques. Damas nie fermement ces accusations.
Les membres du Conseil de sécurité de l’Onu n’ont adopté aucun des trois projets de résolution concernant l’utilisation d’armes chimiques dans la Ghouta orientale qui ont été soumis au vote mardi 10 avril. Pour le nonce apostolique en Syrie, le Cardinal Mario Zenari, « les divisions répétées » au sein du Conseil de sécurité de l’Onu sont « déplorables. » Car, selon le diplomate du Vatican – interrogé par l’agence AsiaNews, elles « empêchent » toute tentative de résoudre le conflit et de chercher une paix stable et durable en Syrie. En clair, le nonce à Damas dénonce la faillite de l’Onu, organisme qui a, entre autres tâches principales, rappelle-t-il, « celle de prévenir les conflits et de rechercher de toutes les manières qui soient la voie de la paix. » Une telle accusation de la part d’un nonce apostolique est rare et très forte.
Pour bien comprendre, il y a cinq Etats membres permanents au Conseil de sécurité de l’Onu (les Etats-Unis, la Russie, la Chine, la France et le Royaume-Uni). Selon le statut de l’Onu, chacun d’entre eux peut exercer son droit de veto et empêcher l’adoption d’une résolution votée par la majorité. Un pouvoir que Moscou et Washington ont exercé à plusieurs reprises au cours de ces sept années de guerre en Syrie. Le cardinal accuse sans ambages que le dossier syrien un « échec complet » des Nations Unies. Et le haut dignitaire de demander une analyse approfondie du « travail accompli au cours de ces sept années par le Conseil » pour évaluer l’ampleur des dégâts.
« Les forces mondiales veulent détruire la Syrie »
Face à la menace d’une action occidentale en Syrie, le Vicaire Apostolique des catholiques latins d’Alep, estime quant à lui qu’ « il n’y a pas de volonté de laisser ce pays en paix. » Au contraire, selon Mgr Georges Abou Khazen (ofm), les acteurs régionaux et les puissances mondiales « semblent de plus en plus chercher un prétexte pour lancer des interventions encore plus sévères et prolonger les combats. » Mgr Georges Abou Khazen, commentait l’escalade actuelle de la guerre en Syrie, lui aussi à l’agence de presse catholique AsiaNews. Et le vicaire d’insister : « nous voyons qu’il y a une recherche de prétexte pour détruire notre pays. »
Au cours de l’interview, Mgr Georges Abou Khazen a fait part de son scepticisme par rapport à ce qui ce dit de l’attaque chimique à Damas. « La Russie et les Etats-Unis disent tout et le contraire de tout. Washington accuse mais n’a aucune certitude. Ce que je n’explique pas – continue-t-il – c’est le sens d’une attaque avec des armes chimiques après avoir déjà libéré presque tout le territoire de la Ghouta orientale. Cela ne semble pas très crédible, alors je me demande à qui profite tout cela. » Pour information, deux jours après l’interview donnée par Mgr Abou Khazen, soit jeudi 12 avril, l’armée russe a annoncé que la Ghouta orientale, avait été totalement reprise par le régime syrien. Ce dernier n’ayant pas encore fait d’annonce officielle.
Une journée de prière nationale pour la paix en Syrie ?
Dans ce contexte, l’appel à la paix du Pape François reste central aux yeux du Vicaire d’Alep. Dimanche 8 avril, ayant dénoncé le recours aux armes chimiques en Syrie, le pape a déclaré qu’il n’y avait pas de guerre bonne ou mauvaise. « Rien surtout ne peut justifier l’usage de tels instruments d’extermination contre des personnes et des populations sans défense. » Le souverain pontife a rappelé que seule la voie du dialogue pourrait mettre un terme à cette guerre sanglante. Lors de son message de Pâques, le Saint-Père avait déjà appelé à mettre fin à l’extermination en cours en Syrie, dont la population, déplorait-il « est épuisée par une guerre qui ne voit pas de fin. »
« Les mots du Pape – affirme le vicaire d’Alep – font écho à notre position et à notre plus grand désir. Nous voulons la paix. Face à ces actions et aux menaces qui en découlent, les gens ont peur et l’escalade des derniers jours est effrayante ». Le prélat franciscain espère que la logique du dialogue et de la paix prévaudra. « Pour cela nous prions tous les jours », assure-t-il. « Nous pensons proposer une journée nationale de prière pour la paix », confie-t-il.