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Ambassade américaine à Jérusalem: semaine à haut risque

Christophe Lafontaine
14 mai 2018
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Ce lundi 14 mai 2018, les Etats-Unis ont inauguré leur ambassade à Jérusalem. Reconnaissant in concreto la ville sainte comme capitale de l’Etat hébreu. C'est le premier épisode d'une semaine hautement inflammable.


Il est le seul archevêque palestinien du patriarcat grec-orthodoxe de Jérusalem. Et fort de cette légitimité et de son origine, il avait invité dimanche 13 mai à prier pour Jérusalem. Cet appel, lancé par Mgr Atallah Hanna sur abouna.org (site chrétien d’actualités en arabe), n’aura pas annulé le déménagement à Jérusalem de l’ambassade américaine en Israël, ce 14 mai 2018, que les Eglises chrétiennes de Terre Sainte n’ont vraiment pas, ces derniers mois, encouragé. Mais force est de constater qu’« aujourd’hui, les chrétiens de Jérusalem, toutes les Eglises et tous les Palestiniens sont unis par un seul sentiment : la tristesse », a déclaré au micro de Radio Vatican, Mgr Marcuzzo, vicaire du Patriarcat latin pour Jérusalem et la Palestine. « Nous sommes affligés – explique-t-il – parce que la journée d’aujourd’hui ne nous conduit pas vers la paix, mais exactement dans la direction opposée. Il n’y a plus aucun espoir d’aboutir à une trêve. »

Il est en effet à redouter plus qu’une escalade de violence au vu du calendrier régional éminemment sensible. Et ce, alors que le Ramadan commence demain. Rendant la situation encore plus volatile et imprévisible.

Donald Trump, lui, reste fidèle à sa promesse. Il a décidé d’appliquer une loi votée en 1995 par le Congrès américain qui jusqu’à présent fut toujours repoussée par ses prédécesseurs pour ne pas mettre en péril le processus de paix israélo-palestinien. Ainsi, le transfert de l’ambassade américaine réalise sur le terrain la promesse électorale du président américain de reconnaître (unilatéralement) Jérusalem comme capitale de l’Etat d’Israël. En écho à sa déclaration du 6 décembre dernier.

Cette décision a largement été contestée par les chefs des Eglises chrétiennes de Terre Sainte qui s’opposent à toute revendication exclusive de Jérusalem, qu’elle soit d’ordre politique ou religieux. Défendant une ville qui appartient à tous et dans laquelle les Lieux Saints doivent rester accessibles à tous. La communauté internationale (Vatican compris) a largement montré sa désapprobation quant à la position américaine. A noter à ce titre que sur les 193 pays qui composent l’Assemblée générale de l’Onu, 128 l’ont condamnée. Marquant ainsi une rupture avec des décennies de consensus international voulant que les ambassades ne soient pas situées à Jérusalem tant que la question du statut de la ville n’est pas réglée entre Israéliens et Palestiniens.

« Trump Make Israel Great Again »

A l’occasion de ce déménagement ultra-sensible (qu’envisagent également le Guatemala et le Paraguay pour leurs représentations diplomatiques), Jérusalem est pavoisée de drapeaux israéliens et américains et d’affiches proclamant « Trump Make Israel Great Again » ou « Trump is a Friend of Zion ».  Pas moins de 800 personnes ont été invitées pour l’inauguration de l’ambassade, à 16h (heure locale). En présence du Président et du Premier ministre israéliens. Du côté américain, la délégation était menée par le numéro 2 de la diplomatie américaine (John Sullivan), le secrétaire au Trésor (Steve Mnuchin), Ivanka Trump (la fille du président Trump) et son mari, Jared Kushner, conseiller du président. Etait naturellement présent l’ambassadeur américain en Israël, David Friedman. Au cours de l’inauguration, un message vidéo enregistré par le président des Etats-Unis a été diffusé. Affirmant que son pays est « pleinement » engagé dans la paix.

La représentation diplomatique américaine, située dans le quartier d’Arnona, dans le sud de Jérusalem, est provisoirement installée dans les locaux de ce qui était le consulat américain en attendant la construction d’un nouveau bâtiment.

Depuis des jours, Israël vit au rythme de la fierté nationale et de la ferveur pro-américaine.  Mais hier, l’euphorie est montée d’un cran. Des dizaines de milliers d’Israéliens ont marché à Jérusalem, pour l’anniversaire de la prise de Jérusalem-Est par l’armée israélienne en 1967.  Ce lundi, le transfert de l’ambassade américaine de Tel Aiv à Jérusalem est d’autant plus fort pour le cœur des Israéliens qu’il coïncide avec le 70ème anniversaire de la création de leur Etat (le 14 mai 1948 selon le calendrier grégorien).

Un anniversaire cependant tragique pour les Palestiniens qui voit dans le symbole des dates une provocation alors que le jour choisi pour l’inauguration de  l’ambassade américaine précède de vingt-quatre heures les commémorations de la « Nakba » (en arabe la « catastrophe ») qu’a constitué la création d’Israël pour des centaines de milliers d’entre eux (environ 750 000) chassés ou ayant fui de chez eux en 1948. Pax Christi International a d’ailleurs lancé un appel, via un communiqué, à la communauté internationale pour « reconnaître la Nakba et le droit au retour et / ou l’indemnisation des réfugiés palestiniens ». Le mouvement catholique pour la paix invite également à reconnaître aux Palestiniens « le droit de manifester pacifiquement (…) et de soutenir la demande d’enquêtes indépendantes de l’Onu sur l’usage excessif de la force contre des civils non armés ». Demandant aussi que « tous les Palestiniens voient leurs droits humains respectés. »

Semaine de tous les dangers

Heurtés par les déclarations et initiatives américaines pro-israéliennes, la rue palestinienne est en ébullition et envisage de protester massivement toute cette semaine en Cisjordanie (déjà à Hébron et Bethléem) et à Gaza. Un bilan provisoire fait état d’une quarantaine de morts à la frontière entre la bande de Gaza et Israël, a annoncé le ministère de la Santé gazaoui.

Le porte-parole du gouvernement palestinien, Youssouf al-Mahmoud, a exigé dans un communiqué une « intervention internationale immédiate pour stopper l’horrible massacre commis à Gaza par les forces occupantes israéliennes », a rapporté l’Agence France Presse.

Depuis le 30 mars et avant le 14 mai, déjà 54 Palestiniens ont été tués par l’armée israélienne à Gaza qui est le théâtre d’une « marche du retour » qui voit des milliers de Palestiniens se rassembler le long de la frontière et qui met l’armée israélienne sur les dents. Des milliers de manifestants ont exprimé l’intention de tenter de forcer au péril de leur vie la barrière de sécurité ces prochains jours.

Tsahal a annoncé qu’elle avait pratiquement doubler ses effectifs combattants ces jours-ci. De son côté, la police israélienne a dit avoir mobilisé un millier d’hommes pour sécuriser l’ambassade et ses alentours.

D’après l’agence jordanienne Petra, le Grand Mufti de Jérusalem, Mohammed Ahmed Hussein, a appelé les Palestiniens à des manifestations pacifiques. De son côté, Ayman al-Zawahiri, le chef d’Al-Qaïda a appelé dimanche, rapporte l’agence catholique AsiaNews, les musulmans au djihad contre les Etats-Unis. Les dirigeants du Hamas à Gaza n’appellent pas publiquement les manifestants à franchir la frontière mais accordent leur soutien aux manifestants.

Amos Yadlin, ancien responsable du renseignement d’Israël, affirme que le pays « n’a pas connu de mois de mai aussi dangereux depuis 1967. » De fait, le contexte régional, des plus instables, laisse planer le risque d’une situation explosive. Les élections au Liban (le 6 mai) ont confirmé le poids du Hezbollah. Les Etats-Unis se sont retirés de l’accord nucléaire avec l’Iran (le 8 mai). Tout cela alors que la tension causée par la présence iranienne en Syrie et les provocations de Téhéran suscitent des réactions israéliennes de plus en plus vives…

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