Ein Hanniya, un sanctuaire lié aux Actes des apôtres
En janvier dernier, sur les terres du village palestinien de Wallajeh, autour de la source d’Ein Hanniya, Israël inaugurait un nouveau parc national. En son cœur, un lieu-saint chrétien, la source où saint Philippe - le diacre - aurait baptisé l’eunuque éthiopien. Un récit lucanien que la tradition a fixé là, et que des Églises chrétiennes continuent de célébrer.
Source vive en terre brûlée
La source de saint Philippe coule à 10 km au sud-ouest de la vieille ville de Jérusalem, au fond du wadi Wureidat, la vallée des roses, un vallon rocailleux du pourtour hiérosolymitain. Le lieu se situe sur la route la plus courte entre la ville sainte et Gaza. Là sourd un léger filet d’eau, récupéré et distribué dans plusieurs bassins. Jusqu’à la création d’un parc national qui a enceint le site de barrières, les villageois de Wallajeh et les juifs orthodoxes venaient y baqueter le précieux liquide.
“Voici de l’eau”
La source d’Ein Hanniya est un lieu saint pour les chrétiens : les arméniens – propriétaires du site – s’y rendent une fois par an en pèlerinage. Des groupes de pèlerins éthiopiens venaient souvent y faire mémoire de leur ancêtre dans la foi. En effet, ce sanctuaire est associé à l’épisode du baptême de l’eunuque de la reine Candace par le diacre Philippe. Celui-ci rencontra, selon Luc, l’eunuque sur son char, en train de lire le livre d’Isaïe. L’Éthiopien pria Philippe de lui expliquer ce qu’il lisait, puis, passant devant une source, lui demanda le baptême (Ac 8, 26-39). Le sanctuaire de la source de saint Philippe pouvait naître.
Vieux comme Salomon ?
Philippe et l’eunuque ne sont pas arrivés en terra incognita. Des fouilles récentes ont révélé que le site fut un domaine important durant l’époque dite du Premier Temple, construit par le roi Salomon au Xe siècle av. J.-C. et détruit en -587 par les Babyloniens. Des vestiges architecturaux, un chapiteau de colonne de style proto-ionique, ne laissent que peu de doute – selon les chercheurs israéliens – quant à la présence d’un palais à cet endroit. La drachme, frappée à Ashdod par des Grecs puissants entre -420 et -390, laisse penser que ce site aurait été restauré par des juifs au retour de l’Exil d’après l’Autorité des Antiquités d’Israël. Rien d’étonnant que l’une des rares sources d’eau aux abords de la ville ait connu cette fortune.
Un nymphée remarquable
Aujourd’hui encore, le site contient les vestiges d’une église et de son abside de l’époque byzantine. Des piscines, dont un bassin aux dimensions exceptionnelles, forment un nymphée. Rare en Terre Sainte, il s’agit d’un complexe destiné à récupérer et distribuer l’eau d’une source considérée comme sacrée.
Jadis, l’ensemble était entouré par une colonnade, qui donnait accès à un espace résidentiel. De nombreux objets du quotidien, tels que des poteries, pièces et tesselles de mosaïques, ont été mis au jour. L’usage que l’on faisait des différents bassins reste à définir : irrigation, lavage, simple aménagement pour des raisons esthétiques ou cérémonies baptismales complexes sont des explications possibles.
Le temps des cerises
Cette image reflète la vie du lieu il y a encore un an ou deux : Palestiniens et Israéliens se baignaient ensemble. Les bassins, situés du côté palestinien de la ligne verte (frontière de 1949 à 1967), faisaient office de piscine pour les familles juives venues se rafraîchir aux côtés des habitants des environs. On pique-niquait en pleine nature. Un souvenir. Intégré au parc naturel, ce territoire est maintenant côté israélien. Le check-point qui le séparait de Jérusalem a même été déplacé en février 2018 pour intégrer le site au côté israélien, le rendant donc inaccessible aux Palestiniens.
Appartenance
Le patriarcat arménien, qui revendique la propriété du terrain, n’apprécie pas outre mesure l’intégration de son sanctuaire au parc national. En signe d’appartenance, le patriarche a lui-même planté un olivier l’hiver dernier. L’Église arménienne a reçu l’assurance des autorités israéliennes de pouvoir continuer à effectuer son pèlerinage annuel de novembre.A noter que le site n’est pas le seul à revendiquer être la fontaine de saint Philippe. Les anciens guides de pèlerinages mentionnaient aussi la source de Ein Dhirwé, non loin d’Hébron située sur l’autre route entre Jérusalem et Gaza. Une mosquée ayant été construite au XXe siècle le rend aujourd’hui lui aussi inaccessible.♦
Dernière mise à jour: 08/02/2024 14:16