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Louis Sako cardinal, un cadeau aux chrétiens irakiens

Terrasanta.net
24 mai 2018
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Le patriarche des Chaldéens sera dès le 29 juin l'un des nouveaux cardinaux choisis par le pape François. Pour les chrétiens irakiens qui souffrent depuis des années à cause des bouleversements de leur pays, c’est un signe d'unité avec tous les catholiques.


« Une voix courageuse », voilà comment le définit Yousif Thomas Mirkis, l’archevêque qui a succédé à Louis Sako il y a quatre ans à la tête des Chaldéens de Kirkouk et Suleimaniye. Interrogé par le Catholic News Service, il ajoute par rapport au nouveau cardinal : « Il est transparent pour guider notre Eglise. Spirituellement, c’est une personne spéciale ». Il en aura fallu du courage et de la force spirituelle pour diriger la plus grande communauté chrétienne d’Irak pendant les années tragiques au cours desquelles les fidèles ont souvent dû choisir entre fuir ou mourir. Par conséquent, la nomination du patriarche chaldéen Louis Raphaël Sako comme cardinal, annoncée par le pape François le 20 mai dernier, outre la reconnaissance à la personne et à la charge, est un signe de la proximité de l’Eglise universelle avec les chrétiens de Mésopotamie.

Né en 1948 à Zakho, dans l’extrême nord de l’Irak, Louis Sako dirige l’Église chaldéenne depuis 2013, une église de rite syro-oriental en communion avec Rome. Ordonné prêtre en 1974, il a étudié à Rome et à Paris. Outre l’arabe et le chaldéen, langue araméenne de la minorité à laquelle il appartient, il parle couramment l’italien, le français et l’anglais. Lorsque, en 1986, il est retourné dans son pays, il s’est consacré à son ministère à Mossoul, où il a créé un dispensaire pour répondre aux besoins des pauvres, imposé par l’embargo occidental contre Saddam Hussein. De 1997 à 2002, il a été recteur du séminaire patriarcal de Bagdad, et en 2003, peu de temps après le début de la guerre, il est arrivé à la tête des Chaldéens de Kirkouk où il est resté jusqu’à ce que le synode chaldéen en janvier 2013 l’ait choisi pour succéder au patriarche Delly au siège de Bagdad.

Louis Sako porte officiellement le titre solennel de patriarche de Babylone, qui exprime le lien entre les Chaldéens et l’histoire millénaire de la Mésopotamie. Le patriarche écrivait lui-même récemment dans un article : « Les Chaldéens sont la population autochtone de l’Irak. Babylone était la capitale du grand empire chaldéen qui dominait la Mésopotamie au VIIème siècle avant JC. Les témoignages de cette civilisation sont les ziggourats, la tour de Babel, les jardins suspendus, le code de Hammurabi, la porte d’Ishtar. Les ancêtres des Chaldéens ont planté des vignes, des palmiers, des oliviers et du blé. Ils excellaient dans l’irrigation, l’architecture, la musique et la poésie, le droit et l’astronomie ». Le christianisme s’est greffé sur cette réalité au deuxième siècle ap.J.-C., avec l’évangélisation de l’apôtre Thomas (selon la tradition). Au temps de leur splendeur (XIIIème-XIVème siècles), les Chaldéens ont introduit le christianisme jusqu’au cœur de l’empire mongol.

La conscience de ce lien profond avec la Mésopotamie, la contribution culturelle et civile apportée par la minorité chaldéenne à l’Irak en un siècle d’indépendance, rendent les persécutions et les départs encore plus douloureux. « Les gens ne se sentaient pas en sécurité – a dénoncé le patriarche -, ils ont perdu foi en l’avenir et finalement, beaucoup ont quitté le pays. L’émigration a affecté cette présence historique et affaibli l’enracinement dans la société. Ceux qui sont restés se sont accrochés à leur patrie malgré l’échec des différents gouvernements à garantir leurs droits ». Par conséquent, les quelque 750 000 fidèles chaldéens sont de plus en plus dispersés dans la diaspora internationale. Huit diocèses se trouvent en Irak, les autres en Iran, au Liban, en Syrie, en Égypte, en Turquie, aux États-Unis, au Canada et en Australie. À Essen, en Allemagne, vit la plus grande communauté d’émigrants en Europe.

Bien que les évêques n’interviennent pas directement dans la politique complexe de l’Irak, l’Église est profondément influencée par les changements qui secouent le tissu social. Le patriarche a dénoncé le non respect des droits des chrétiens en termes d’égalité avec les autres citoyens (par exemple, la loi de 2015 sur l’islamisation des mineurs). L’Église chaldéenne soutient activement la cohésion nationale, en défendant l’Etat de droit et en répondant aux besoins de la société. Elle s’est dépensée pour ceux qui, chrétiens et non chrétiens, ont souffert de l’occupation de Mossoul et de la plaine de Ninive par Daesh en 2014 et commencent seulement maintenant à revenir dans la région et à reconstruire.

A la veille des élections législatives du 12 mai dernier, Louis Sako a lancé un appel : « Il est temps d’assumer notre responsabilité dans le processus politique, en nous libérant de la mentalité “dépendante” et de la tendance à émigrer, pour être le sel et le levain dans la société. » La constitution réserve aux chrétiens 5 sièges parlementaires sur 329. Le patriarche espérait qu’il y aurait une liste unifiée de chrétiens aux élections « pour être plus forts ensemble », mais cela ne s’est pas réalisé.

Le risque de disparition persiste. Selon certaines estimations, il y avait 300 000 chrétiens dans le pays, un cinquième de ceux qui vivaient il y a 15 ans à la chute du régime de Saddam Hussein. Surtout après 2006, lorsque les milices armées ont commencé à persécuter aussi les chrétiens, en les kidnappant et en les extorquant. Beaucoup ont été tués, d’autres forcés à payer ou à fuir. La peur a créé la séparation et de nombreuses relations entre chrétiens et musulmans ont été interrompues.

Avec l’étendue du terrorisme, le clergé chaldéen a donné à l’Eglise plusieurs martyrs : parmi eux, le Père Ragheed Aziz Ganni, tué à Mossoul en 2007 avec trois diacres, et l’archevêque de Mossoul Paulos Faraj Rahho, enlevé et tué en 2008. Les églises ont été transformées en bunkers, entourés de murs et de barbelés.

Louis Sako a travaillé sans relâche pour la paix, la réconciliation entre les diverses composantes de la société et l’unité entre les Églises. En janvier, l’association française L’Œuvre d’Orient a présenté son nom pour le prix Nobel de la paix 2018 et le comité norvégien a accepté la proposition. (F.P.)

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