Soixante-dix ans après sa création, l'organisation du pape en faveur des populations palestiniennes est plus active que jamais et travaille en dialogue avec les autres religions. Nous en parlons avec le directeur, Joseph Hazboun.
Tout a commencé en 1949. L’histoire de la Mission pontificale pour la Palestine part de là : de ces moments tragiques qui ont suivi la création de l’Etat d’Israël, où des milliers de Palestiniens ont été expulsés de leurs maisons et sont devenus des réfugiés. Parmi eux aussi beaucoup de chrétiens. « A l’époque le Saint-Siège a été parmi les premières institutions à répondre à la tragédie. » Comme le raconte Joseph Hazboun qui, depuis septembre 2017, est Directeur de la CNEWA – Mission pontificale pour la Palestine (PMP) -. Pourquoi deux noms ? « A cette époque, il y avait déjà le CNEWA (acronyme anglais de l’Association catholique pour le bien-être dans le Proche-Orient), fondée en 1926, à laquelle le pape a confié la tâche d’organiser la mission pontificale précitée venant en aide à la population palestinienne. Ce devait être une mission temporaire – poursuit Joseph Hazboun – mais malheureusement, après 70 ans, nous sommes toujours là, car le conflit entre Israéliens et Palestiniens continue ». L’organisation – bien qu’elle ait deux noms dans cette région -, est donc une œuvre unique pour Israël et la Palestine, et a un bureau dans la vieille ville de Jérusalem. Son siège est à l’archevêché de New-York, depuis sa fondation après la guerre, et rend compte à la Congrégation pour les Eglises orientales.
Aujourd’hui, la Mission pontificale en Palestine travaille avec des personnes de confessions différentes, pour créer des emplois, former des jeunes, délivrer des soins, encourager le dialogue interreligieux. « La misère n’a pas fait de discrimination entre ses victimes en Palestine. Alors la Mission ne le fait pas non plus », a déclaré le fondateur de la même Mission pontificale, Mgr Thomas McMahon.
« Beaucoup de nos projets sont nés d’un besoin sur le terrain – explique le directeur actuel -. Après la seconde Intifada, Israël a réagi en empêchant l’entrée en Israël de centaines de milliers de travailleurs palestiniens. Nous avons donc décidé d’identifier les chômeurs pour leur donner du travail et nous avons participé, par exemple, à des travaux de rénovation de maisons ». L’étape suivante a consisté à étudier des projets de formation pour les jeunes. Un accord a été signé avec huit institutions : quatre à Gaza, trois à Jérusalem, une à Ramallah. « Ces institutions offrent des possibilités de formation pour les jeunes dans divers domaines – énonce Joseph Hazboun -. A Jérusalem, ils produisent de la céramique, à Ramallah a été lancé un programme dédié aux femmes handicapées, qui ont pu apprendre le travail de secrétariat. Quant à Gaza, les jeunes peuvent trouver une place au sein de l’hôpital. A Bethléem, des emplois ont été créés grâce à un programme de rénovation immobilier pour la communauté chrétienne ».
En ce qui concerne les réfugiés, la PMP soutient trois cliniques à Gaza, pour les femmes enceintes ou les nouveau-nés, où le souhait est d’être aux côtés les plus vulnérables. Les souffrances sont nombreuses, mais le directeur de la Mission pontificale croit encore qu’il est important de travailler pour la réconciliation et le dialogue. Comment ? « A travers nos institutions chrétiennes. Les écoles, les hôpitaux, les services sociaux chrétiens, qui depuis toujours travaillent pour tout le monde : les musulmans, les chrétiens, les juifs. Là, les gens se rencontrent et interagissent. Ils apprennent à se respecter les uns les autres et à voir les autres à leurs côtés dans chaque service. » C’est pour cette raison que l’année dernière, un programme d’activités parascolaires pour les jeunes a été lancé. « L’idée – poursuit le directeur – a été d’identifier vingt écoles chrétiennes et d’autres écoles gouvernementales palestiniennes. Nous voulons encourager les enfants à lire, nous voulons aider les étudiants à forger leur caractère et leur pensée critique et analytique. Nous voulons éliminer les obstacles qui séparent les hommes des femmes et qui séparent les musulmans des chrétiens ». Et ce, à travers des activités visant à promouvoir la lecture ou à travers des voyages communs ou d’autres initiatives créatives. « Ainsi, Mohammed apprendra à connaître John ».
A ce titre, notons la belle histoire née dans le cadre d’un programme de formation de la PMP : « Je ne peux pas oublier une fille dans une école à Deir Salah, où se déroulait un de nos programmes pour les jeunes. Elle peignait une mosquée et un clocher sur du papier recyclé. Je l’ai vue dessiner une croix dessus. Pour n’importe qui, cela peut sembler normal. Mais si vous savez qu’à Hébron certains fondamentalistes, même pour survivre, refusent de peindre des croix sur les objets qu’ils vendent aux touristes, quand vous voyez une fille musulmane qui peint une croix sans problème, cela signifie que notre programme pour apaiser la tension entre musulmans et chrétiens est allé dans la bonne direction ».
À ce jour, les chrétiens dans les territoires palestiniens sont environ 50 000, 120 000 en Israël et environ 1 000 à Gaza. « Pour le moment, cependant, plus de 45% des organisations sont chrétiennes – note Hazboun -. Notre contribution en tant que communauté chrétienne va bien au-delà de nos chiffres. Cependant, considérées comme chrétiennes, nos institutions ne reçoivent pas en proportion des fonds publics comme les autres ». La tâche que nous avons reste celle d’être ouverts à tous, selon les valeurs chrétiennes qui sont aussi des valeurs humaines.
Plus récemment, la PMP a commencé une série d’activités pastorales, telles que des cours d’initiation et des camps d’été sur la Bible. Un engagement pour l’avenir voit l’école comme protagoniste. « Nous voulons combler le vide dans ce qui est enseigné à l’école sur les chrétiens – affirme résolument Joseph Hazboun -. Nous voulons produire du concret sur notre histoire chrétienne, puisque le programme scolaire passe de l’année 0 à la conquête musulmane. Les élèves ignorent qu’entre-temps il y avait une culture chrétienne florissante dans tout le Moyen-Orient ». Il conclut que, face à l’exode des chrétiens, nous devons continuer à travailler : «Nous voulons renforcer le sentiment d’appartenance des chrétiens à la Terre Sainte. Comme me l’a dit le Custode de Terre Sainte lors d’une réunion, nous devons comprendre notre présence chrétienne comme une mission et une vocation ».