Les chefs des Eglises grecque orthodoxe, arménienne et catholique à Jérusalem pressent le Premier ministre israélien de bloquer un projet de loi qui autoriserait l’Etat à saisir les terres vendues par les Eglises.
« Un projet de loi scandaleux. » Ou encore : « une attaque systématique et sans précédent contre les chrétiens de Terre Sainte. » Un texte capable de violer « les droits les plus élémentaires » et de saper « le délicat tissu de relations » construit il y a des décennies entre les communautés chrétiennes locales et l’Etat hébreu. C’est en ces termes que les trois chefs des Eglises chrétiennes de Jérusalem, qui partagent la garde du Saint-Sépulcre ont écrit à Benjamin Netanyahu à propos d’un projet de loi israélien sur la propriété qui vise à confisquer les terres vendues par les Eglises à des promoteurs anonymes et privés, et à payer des indemnités aux nouveaux propriétaires. Les responsables des Eglises arménienne, grecque orthodoxe et catholique à Jérusalem ne l’entendent pas ainsi et craignent qu’un tel projet de loi nationalise les terres qu’elles vendent. Comme l’annonce l’agence Fides, ils demandent expressément au Premier ministre israélien de bloquer « rapidement et de manière décisive » ce projet de loi. « Faute de quoi ils riposteraient », résume l’AFP qui s’est fait aussi l’écho du courrier des trois Eglises, parvenu au chef du gouvernement israélien le 18 juin 2018.
Censé être suspendu, le projet de loi continue pourtant son bonhomme de chemin dans les arcanes parlementaires. De fait, d’après Fides, les trois signataires ont eu vent dans les médias locaux que le projet n’a pas été « archivé » et est « sur le point d’être soumis au Comité ministériel pour approbation future. »
C’est pourtant le contraire qui avait été annoncé en février dernier suite à la fermeture du Saint-Sépulcre, du 27 au 29 février. Ainsi, dans leur courrier, les trois Eglises à Jérusalem ne manquent pas d’accuser les autorités israéliennes de ne pas avoir respecté l’engagement pris il y a quatre mois. Le gouvernement israélien avait alors, notamment, annoncé la suspension de l’examen de cette proposition de loi.
Rachel Azaria, députée du parti centriste Koulanou « nous tous » spécialisé sur les questions de coût de la vie, membre de la coalition gouvernementale, est à l’origine d’un texte qui a été rédigé après qu’il a été révélé l’été dernier que le patriarcat grec orthodoxe avait vendu certaines de ces parcelles de terrain à Jérusalem, à des investisseurs anonymes.
Les Eglises ont vu dans cette première version une atteinte à leurs droits de vente et donc de propriété. C’est pourquoi, elles avaient vivement réagi cet hiver. Elles avaient alors déclaré que la proposition de loi impacterait négativement sur leurs droits à acheter et à vendre des terrains – leur seule source réelle de revenu – et qu’il constituerait une menace pour le statu quo entre l’Etat et les institutions non-juives.
« Les terres louées qui ont été vendues »
Mais l’opiniâtre parlementaire a récemment renouvelé son projet de législation en l’amendant. « Pour apaiser les craintes de l’Eglise, indiquait le Times of Israel fin mai, Rachel Azaria a supprimé toutes les références aux Eglises dans le projet de loi – qui est soutenu par 40 parlementaires – et l’a intitulé « les terres louées qui ont été vendues ». »
Si cette fois-ci, le texte ne mentionne pas explicitement les Eglises, le but reste le même. Et le déguisement sémantique n’aura pas échappé aux Eglises. « Certains éléments au sein du gouvernement israélien tentent toujours de promouvoir la division et le racisme, sapant ainsi le statu quo en ciblant la communauté chrétienne sur la base de considérations étrangères et populistes », ont-elles déclaré.
Les chefs des Eglises dénoncent ainsi, indique l’AFP, les promesses non tenues selon eux de communiquer sur ces questions avec les Eglises dans le cadre d’une commission chapeautée par les autorités israéliennes. « Aucun dialogue ne s’est tenu avec nous » depuis fin février, déplorent-ils.
Selon Rachel Azaria, le projet de loi ne vise pas les Eglises mais a pour objectif de protéger de spéculations immobilières, les centaines de résidents dans des quartiers tels que Rehavia, Talbieh et Nayot à Jérusalem (selon le journal Haaretz) qui vivent sur des terres qui, jusqu’à récemment, étaient la propriété de l’Eglise. Principalement l’Eglise grecque orthodoxe, deuxième propriétaire terrien le plus important du pays après l’Autorité des terres d’Israël. L’Eglise orthodoxe louait et loue ses terres sous la forme de baux emphytéotiques signés dans les années 1950 entre l’Eglise et l’Etat, via le Fonds national juif. Ces contrats établissent qu’à expiration du bail, toutes les habitations construites sur ces terrains reviennent à l’Eglise. Or, les résidents s’attendaient à ce que ces baux soient prolongés. Mais ces dernières années, l’Eglise grecque orthodoxe a vendu de vastes terrains immobiliers à des investisseurs privés dont on ignore s’ils renouvelleront les baux une fois ceux-ci arrivés à terme – certains prennent fin d’ici 18 ans – et, si c’est le cas, sous quelles conditions. Les résidents vivant dans ces maisons craignent de fait que les promoteurs privés en achetant aux Eglises, soient libres de faire ce qu’ils veulent avec leurs biens, y compris l’augmentation des loyers ou la démolition du bâti existant.
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