Devant la Réunion des œuvres d’aide aux Eglises orientales (Roaco), le pape François a évoqué, le 22 juin 2018, «le risque de rayer les chrétiens» du Moyen-Orient. Fustigeant, entre autres, le péché de la guerre.
Plutôt que de lire un texte préparé, le pape a laissé parler son cœur spontanément tant est « grande » sa préoccupation pour les chrétiens d’Orient. Dans son discours improvisé, relayé par la salle-de-presse du Saint-Siège, le pape François au dernier jour de la 91e assemblée plénière de la Roaco, réunis à Rome du 19 au 22 juin, a lancé qu’« un Moyen-Orient sans chrétiens ne serait pas le Moyen-Orient. » Alors que le berceau du christianisme se vide sensiblement de ses chrétiens.
« Le Moyen-Orient est aujourd’hui un carrefour de situations difficiles, et il y a le risque – je ne veux pas dire la volonté de quelqu’un -, le risque de rayer les chrétiens » de la carte régionale, a-t-il déploré.
Passant en revue la grande tradition du christianisme oriental, le pape a évoqué les richesses des Eglises du Moyen-Orient, avec leurs théologies, leurs liturgies, les doctrines des pères de l’Orient. « Que de beautés ! » s’est ému le pape avant de lancer que « nous devons garder tout cela. Nous devons nous battre pour cela. » Et saluant ainsi directement le travail des membres de la Roaco « Vous le faites, et je vous remercie. » La Roaco réunit depuis 1968 – elle fête cette année son cinquantième anniversaire – une vingtaine d’œuvres catholiques nationales ou internationales qui agissent en soutien aux Eglises (de rites latins et orientaux) présentes sur les territoires d’Europe de l’Est et du Moyen-Orient,. Avec pour but de soutenir financièrement différents postes (lieux de culte, institutions éducatives, bourses d’études, assistance sanitaire ou sociale…).
« Beaucoup ne veulent pas revenir parce que la souffrance est forte »
Devant cette assemblée, le pape a encore déclaré qu’il y avait « un grand péché au Moyen-Orient », et que « les pauvres gens en souffrent. » Il s’agit, pour le Saint-Père, du « péché de la volonté de pouvoir », du « péché de la guerre, chaque fois, plus forte ».
Face à un Moyen-Orient qui « aujourd’hui souffre, pleure », le Pape a aussi accusé « les puissances mondiales » de regarder la région « peut-être pas tellement avec le souci pour la culture, la foi, la vie de ces peuples », mais plus, « pour prendre un morceau et être plus dominateurs », a-t-il déclaré.
Ce qui lui fait dire que « la souffrance est forte » et que pour cette raison « beaucoup » de chrétiens « ne veulent pas revenir » dans leurs pays bien qu’« ils aiment la terre, [qu’ils] aiment la foi ». Faisant du Moyen-Orient, « une terre de migration. »
« Un des problèmes les plus sérieux » pour le pape. D’ailleurs, le Saint-Siège ne s’en cache pas et tire la sonnette d’alarme. « Nous sommes, ces dernières semaines, littéralement bombardés de nouvelles peu encourageantes sur la réalité du flux migratoire en Europe », a déclaré le cardinal Leonardo Sandri, président de la Roaco, le 20 juin 2018. Pour le préfet de la congrégation pour les Eglises orientales, le constat est clair : l’émigration des chrétiens d’Orient révèle « l’échec d’un idéal de la coexistence pacifique » dans cette région du monde.
Jérusalem doit être protégée des disputes politiques
Pour autant, le pape en est persuadé, le témoignage des chrétiens dans la région est essentiel et « aujourd’hui, cette mission est plus urgente que jamais. » Dans le discours qui était prévu à sa lecture, et qui a été présentée et remis aux participants de la Roaco, le pape écrit que les Eglises catholiques orientales, qui « sont les témoins vivants des origines apostoliques, sont appelées d’une manière spéciale à cultiver et à diffuser une étincelle du feu de la Pentecôte », en redécouvrant chaque jour « leur propre vocation prophétique dans les lieux où elles habitent en tant que pèlerins. » Citant en exemple Jérusalem, « Ville Sainte dont l’identité et la vocation particulière doit être préservée au-delà des différentes tensions et disputes politiques » et dans laquelle « les chrétiens, bien que présents comme un petit troupeau, tirent leur force de l’Esprit pour leur mission de témoignage. »
Un autre péché
Mais à côté du péché de la guerre, il existe encore un autre péché, a expliqué le pape. Celui « de l’incohérence entre la vie et la foi », où certains évêques ou certaines communautés religieuses d’où qu’ils soient et qui devraient professer la pauvreté vivent en réalité dans la richesse. Le Pape invite vivement « ces épulons » (gloutons) comme il les nomme, à se dépouiller pour leurs frères et sœurs dans le besoin.