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Pourquoi sauver la Jordanie est important

Giuseppe Caffulli
20 juin 2018
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L'Union européenne et les gouvernements du Golfe Persique volent au secours de la Jordanie - qui prend en charge des millions de réfugiés – afin d’empêcher un nouveau théâtre dramatique de crise au Moyen-Orient.


Sur la première page du journal The Jordan Times, le lundi 11 juin, l’image était mise en évidence : autour d’une grande table ronde se tenaient des représentants de l’Arabie Saoudite, du Koweït et des Emirats Arabes Unis, devant le roi Abdallah de Jordanie. La raison ? Le sommet de La Mecque qui a décidé d’octroyer une enveloppe de 2,5 milliards de dollars au Royaume Hachémite. Les mesures  prises « en vertu des liens fraternels qui unissent les quatre Etats » prévoient une série de dispositions qui comprend un acompte versé à la banque centrale de Jordanie, une garantie de la Banque mondiale, un soutien budgétaire sur cinq ans et le financement de projets de développement.

Le sommet s’est tenu à l’heure où Federica Mogherini, la haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères de l’UE, s’est arrêtée à Amman pour montrer le soutien de l’Europe à la Jordanie et annoncer un nouveau prêt de 20 millions d’euros pour les projets de protection sociale (en plus du milliard d’euros déjà versé en 2016).

Mais pourquoi l’Union européenne, l’Arabie saoudite, le Koweït et les Emirats arabes se sont-ils précipités pour courir, avec une diligence surprenante, à la rescousse du roi Abdallah de Jordanie ?

Pour en comprendre la raison, nous devons faire quelques pas en arrière. Depuis le 30 mai, la Jordanie a été secouée par des manifestations contre les mesures fiscales et économiques que le Royaume hachémite adopte sur la recommandation du Fonds monétaire international (FMI). Les protestations ont conduit le souverain à changer le gouvernement en nommant un nouveau Premier ministre.

Presque entièrement dépourvue de ressources naturelles, la Jordanie a un taux de chômage de près de 20% et un cinquième de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. La dette publique est de 95% du produit intérieur brut. Environ 70% des Jordaniens ont moins de 30 ans et surtout les jeunes (en particulier les femmes) paient le prix du manque de travail et de perspectives. Une véritable bombe sociale prête à exploser.

Nous ne pouvons pas comprendre la gravité de la crise en Jordanie (et l’empressement avec lequel nous courons maintenant à son chevet) si nous ne considérons pas que le Royaume Hachémite a été jusqu’ici un rempart et a absorbé (avec le Liban), une grande partie de l’impact des tragédies du Moyen-Orient. Il suffit de regarder les statistiques du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (Acnur / UNHCR) : au 30 mars 2018, il y avait 745 865 réfugiés dans le pays, 82% en dehors des camps, le reste (133 132) est accueilli dans trois structures). L’origine des réfugiés montre clairement le rôle joué jusqu’ici : 660 000 réfugiés syriens, 66 000 irakiens, plus de 10 000 Yéménites, 4 000 Soudanais, un peu moins de 1 000 Somaliens. Si l’on ajoute les réfugiés des dernières vagues à ceux des guerres précédentes, les chiffres donnent une image dramatique : la Jordanie abrite un peu plus de 10 millions d’habitants, dont 2,7 millions d’étrangers.

L’assistance aux réfugiés est assurée, avec beaucoup de difficultés, par le HCR à travers un réseau complexe de services (médicaux, juridiques, économiques). Mais il ne fait aucun doute que cette masse de personnes a eu un impact sérieux sur le bien-être, sur le marché du travail interne, sur le marché du logement, sur l’éducation, sur l’ordre public et sur la sécurité. Dans un pays où l’eau est plus précieuse que le pétrole, la consommation croissante d’eau oblige d’une part au rationnement de l’eau à usage civil, elle met d’autre part en péril les cultures agricoles.

En somme, si nous ne pouvons pas trouver les mesures adéquates (pas seulement économiques) pour gérer une crise qui menace de devenir structurelle, la Jordanie risque de provoquer une nouvelle vague inquiétante d’instabilité pour le Moyen-Orient, et le point de départ d’une nouvelle migration de personnes désespérées. Un risque que ni l’Union européenne (où la question des migrants est de plus en plus un terrain de lutte politique) ni les pays voisins de la péninsule arabique ne voudraient évidemment courir.

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