La question de la reconnaissance du génocide des Arméniens n’a finalement pas été examinée comme prévu au Parlement israélien, le 26 juin dernier. Faute de soutien de la part du gouvernement.
Fuite, stratégie ou évitement ? La reconnaissance du génocide arménien par Israël n’en finit pas de jouer l’arlésienne. « Forcée d’annuler le vote », au dernier moment sur la question, Tamar Zandberg n’a pas caché son acrimonie sur Twitter. La députée de gauche, à l’origine de cette motion, a expliqué lundi soir que « malgré les promesses et les retards et malgré les élections turques derrière nous, le gouvernement et la coalition refusent de reconnaître le génocide arménien. » L’élue appartient au Meretz (Energie), un parti politique qui essaie depuis 1989 de faire reconnaître comme un « génocide » l’aghet (catastrophe en arménien) désignant le massacre de quelque 1,5 million d’Arméniens de l’Empire ottoman de 1915 à 1917. Ces chiffres sont soutenus par l’Arménie quand la Turquie, elle, avance que 300 000 à 500 000 Arméniens et autant de Turcs sont morts lorsque les Arméniens se sont révoltés contre le pouvoir ottoman en s’alliant avec les troupes russes.
Plusieurs fois reporté en Israël, le vote sur la reconnaissance (ou pas) des événements de 1915 comme « génocide », était à l’ordre du jour de la Knesset (le Parlement israélien) pour le mardi 26 juin après que l’assemblée parlementaire avait approuvé fin mai une proposition de la députée Tamar Zandberg d’organiser un débat en séance plénière sur le sujet.
Mais la coalition a fait marche-arrière ayant finalement l’intention de présenter un projet de loi en retirant le terme « génocide » du texte et en qualifiant les événements de 1915 de « tragédie », rapporte Ynetnews. Ou d’ « horreur », d’après l’agence Fides.
Début juin, déjà le vent avait commencé à tourner. Le gouvernement israélien, conscient que la population de l’Etat hébreu marquée par l’Holocauste et se montrant ainsi majoritairement favorable à la reconnaissance du génocide arménien, avait en effet ajourné le vote de cette loi par crainte que le résultat ne profite au président turc Recep Tayyip Erdogan, alors en pleine campagne présidentielle. La reconnaissance du génocide arménien en Israël serait alors devenu un sujet de campagne électorale au pays de la Sublime Porte et par ricochet aurait favorisé politiquement le président sortant quand on sait combien la Turquie rejette catégoriquement l’utilisation du terme de « génocide ».
Yuli Edelstein, le président du Parlement, alors en France au moment du report du vote, avait déclaré qu’il ferait tout son possible pour faciliter l’avancement et l’approbation de la proposition de loi. Il avait, par ailleurs, confirmé son intention en répondant à l’archevêque Nourhan Manougian. Le Patriarche de l’Eglise apostolique arménienne de Jérusalem, dans une lettre, rapporte l’agence de presse Fides, lui avait effet exprimé son amertume quant à l’arrêt possible du processus initié par les institutions israéliennes pour discuter et finalement approuver la reconnaissance comme « génocide » des massacres anti-arméniens perpétrés en territoire turc il y a plus d’un siècle.
Un signal de détente pour les Turcs
Cela dit, même après la réélection du président Recep Tayyip Erdogan dès le premier tour dimanche 24 juin, le gouvernement israélien et la coalition au pouvoir ont fait montre de leur opposition à ce projet de vote. Israël à l’instar des Etats-Unis et de l’Allemagne, par exemple, s’est toujours abstenu de nier ou de reconnaître le génocide arménien en raison de ses relations diplomatiques, en dents de scie, avec la Turquie et l’Azerbaïdjan.
Et « même si cette proposition ne pouvait être considérée comme émanant du gouvernement, elle aurait pu envenimer les relations déjà très détériorées entre Israël et la Turquie », souligne l’AFP.
Les récents affrontements à la frontière entre Israël et Gaza, au cours desquels des dizaines de Palestiniens ont été tués, avaient d’ailleurs vu le torchon diplomatique brûler entre Israël et la Turquie. Recep Erdogan avait alors accusé Israël d’« Etat terroriste » en déclarant qu’il était en train de commettre « un génocide » dans l’enclave palestinienne.
C’est ainsi que l’agence Fides rapporte que le retrait du vote prévu mardi est « interprété par les médias turcs comme un signal de détente envoyé par le gouvernement israélien aux dirigeants turcs. »
Début juin, dans une tribune au « Monde », un collectif de personnalités françaises, dont Beate et Serge Klarsfeld, Pascal Bruckner, Frédéric Encel et Marek Halter, avaient appelé le gouvernement israélien à surmonter l’obstacle des relations avec la Turquie et à accomplir un geste qui relève d’une éthique des relations internationales. Invitant Israël à rejoindre la trentaine de pays ayant reconnu le génocide arménien. En vain.
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