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Trump rêve d’une paix boiteuse pour la Terre Sainte

Giorgio Bernardelli
29 juin 2018
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On entend à nouveau parler du plan de paix avec lequel Donald Trump voudrait poser sa marque sur le conflit en Terre Sainte. Le contenu semble défini. Mauvaises nouvelles pour les Palestiniens.


Il renaît de ses cendres tel le phénix arabe : en ce moment on entend à nouveau beaucoup parler au Moyen-Orient du plan de paix de Donald Trump, « l’affaire du siècle » grâce à laquelle le président magnat – après avoir été le premier résident de la Maison Blanche à rencontrer officiellement un dirigeant nord-coréen – voudrait laisser son empreinte sur le conflit israélo-palestinien. Jared Kushner, son gendre et « conseiller spécial » sur le sujet, est en ce moment en tournée dans les capitales arabes avec l’émissaire du président américain pour le Proche-Orient Jason Greenblatt. Le 25 juin, une réunion a aussi eu lieu à la Maison Blanche entre le président Trump et le roi Abdallah de Jordanie.

L’intention est assez claire : le coup du transfert à Jérusalem de l’ambassade américaine en Israël donné pour absorbé, Trump aimerait se relancer sur le front de ce qu’on appelle la paix régionale, en parachevant les liens tissés ces dernières années dans les coulisses entre Netanyahu et le Prince saoudien Mohammed Ben Salman. Mais pour y arriver, le jeune al Saud a besoin d’être en capacité de brandir des résultats et voici donc resurgir le plan de Kushner, dont on dit qu’il pourrait être rendu public dans quelques jours (bien qu’en réalité cela fait maintenant des mois qu’il en est question).

Les grandes lignes sont maintenant suffisamment claires : le plan prévoirait la création d’un État palestinien de facto dans les zones A et B des Territoires, c’est-à-dire celles qui sont déjà sous contrôle palestinien, avec en plus certains quartiers arabes extérieurs à Jérusalem-Est qui devraient être de fait séparés du reste de la ville. Mettant la main à la poche, les Saoudiens et leurs alliés du Golfe arroseraient abondamment l’économie palestinienne pour la revitaliser. Et l’une des zones de développement économique serait également prévue dans le Sinaï, au profit de Gaza en accord avec l’Egypte.

Le problème de ce plan est très simple : il est inacceptable pour n’importe quel leadership palestinien, qui ne pourrait pas ne pas le voir comme une paix au rabais, avec la renonciation à de nombreuses revendications historiques apportées à la table des négociations (avant tout la reconnaissance de Jérusalem-Est comme capitale). C’est aussi la raison pour laquelle Kushner a tout récemment donné une interview au journal arabe al Quds avec l’intention d’esquiver Mahmoud Abbas, en l’accusant de ne pas collaborer. Aussi peu populaire que soit désormais l’ancien président de l’Autorité nationale palestinienne, il est très difficile pour le gendre de Trump de trouver aujourd’hui un appui à Ramallah. De plus, les Américains ont aussi un autre problème : le roi Abdallah de Jordanie n’est pas du tout enthousiaste quant au rôle que jouent les Saoudiens dans ce jeu. Bien sûr, maintenant que Ryad est généreusement venu au secours d’Amman en proie à une grave crise financière, il ne peut pas le dire à voix haute. Mais la terreur d’Abdallah est que les al Saoud veuillent saisir l’occasion pour mettre un pied dans al Aqsa (mosquée qui surplombe la Vieille Ville de Jérusalem – ndlr), en passant outre le rôle de garde des Lieux Saints de Jérusalem historiquement dévolu à la couronne hachémite.

Il y a assez pour comprendre que, s’il venait à être officialisé, le plan de paix de Trump ne ferait pas long feu. Pourtant, l’effet n’est pas isolé : les trouvailles fantaisistes semblent être un virus contagieux aujourd’hui au Moyen-Orient. Par exemple, l’initiative de Vladimir Poutine qui, après avoir accueilli Mohammed Ben Salman à Moscou à l’occasion de l’ouverture de la Coupe du Monde – a maintenant mis sur la liste des invités pour la finale, Mahmoud Abbas comme Netanyahu. Le premier en quête de soutiens, a déjà répondu qu’il y serait ; le Premier ministre israélien, lui, a pour l’instant avancé des problèmes de sécurité. Il est toutefois difficile d’imaginer que l’éventuel sommet de la paix du ballon puisse aller bien au-delà de quelques coups à tirer au profit des photographes.

L’autre touche de fantaisie vient du ministre israélien de la Défense, Avigdor Lieberman, qui envisage la construction d’un port pour résoudre le problème de longue date du blocus de Gaza.

Seulement – petit détail – cette structure serait construite… à Chypre. En pratique, les containers de marchandises destinées à la bande de Gaza seraient méticuleusement contrôlés par Israël sur l’île de la Méditerranée ; pour être ensuite transférés sur place par de petits ferries qui feraient la navette entre Gaza et Chypre. Une fois de plus, Israël semblerait donc penser à une solution pour Gaza sans négocier avec Gaza.  Cela marchera-t-il ?

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