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L’Eglise copte veut remettre de l’ordre dans ses monastères

Christophe Lafontaine
21 août 2018
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Le meurtre d’un père abbé en Egypte fin juillet a poussé l’Eglise copte orthodoxe à accélérer la révision des règles en vigueur dans ses monastères. Détails après deux semaines intenses de prière et de jeûne. 


Le 22 août 2018, l’Eglise copte orthodoxe célèbre l’Assomption de Marie. Cette date conclut cette année 15 jours de prière et de jeûne que les coptes orthodoxes ont été invités à suivre. Et ce, à l’intention particulière de leur patriarche et des moines et monastères de leur Eglise. Une initiative lancée après que toute la vie monacale copte a été secouée et éclaboussée par l’assassinat du père abbé du monastère Saint-Macaire de Scété en Egypte. Les faits se sont déroulés le 29 juillet et dimanche 19 août, deux moines coptes orthodoxes, après plus de 400 interrogatoires, ont été finalement accusés d’avoir tué l’higoumène Epiphanius âgé de 68 ans. Le procureur général égyptien a décidé de déférer devant la justice les deux religieux. Aucune date n’a encore été fixée pour leur procès.

La crise que traverse l’Eglise copte orthodoxe autour de cet événement ne se limite pas à ce meurtre. Même s’il est véritablement la dernière goutte qui fait déborder le vase, touchant la vie des moines et le système monastique dans son ensemble.

En tout état de cause, ce sont ces tragiques circonstances qui ont précipité la mise en application déjà décidée « depuis longtemps » – d’après l’agence Fides – d’un ensemble de règles restrictives et de contrôles lié aux activités des moines pour rétablir la discipline dans les monastères et conserver la tradition monastique au sein de l’Eglise copte orthodoxe en Egypte –  l’une des plus anciennes communautés chrétiennes au monde et celle qui a introduit le monachisme dans la foi.

Recentrage spirituel et reprise en main

L’Eglise copte veut donc durcir le ton et en finir avec les dérives et les relâchements à travers 12 mesures édictées le 2 août dernier par le Comité pour les Monastères du Saint Synode copte orthodoxe. Toutes ayant été ratifiées par le Patriarche Tawadros II. Et « auxquelles devront adhérer tous ceux qui veulent suivre la vie monastique au sein de l’Eglise copte orthodoxe en Egypte », spécifie Fides.

Le penseur copte Kamal Zakher soutient ces décisions dans les colonnes de l’hebdomadaire égyptien al-Ahram hebdo. Pour lui, «  les règlements en vigueur dans les monastères » se sont « assouplis au fil des décennies à tel point de remettre en cause le concept même du monachisme. » Un constat vivement partagé par Fadi Youssef, fondateur de la Coalition des coptes d’Egypte.

Parmi les mesures phares fixées par l’Eglise copte, il a d’abord été décidé de suspendre – temporairement – pour un an, à partir du mois d’août 2018, l’arrivée de novices dans tous les monastères coptes orthodoxes d’Egypte. Idem, l’ordination des moines pour les degrés sacerdotaux a été également suspendue. Et ce, pour une durée de trois ans. D’autre part, le nombre de moines dans chaque monastère a été déterminé en fonction de leurs besoins respectifs.

Par ailleurs, la fondation de nouveaux monastères est bannie, sauf sur les sites d’anciens monastères, et sous le parrainage d’un monastère canonial.

Autre mesure plus que symbolique : à compter du 3 août, les moines avaient un mois pour fermer leurs comptes sur les réseaux sociaux. Le pape Tawadros lui-même a été le premier à désactiver ses comptes sur Facebook et Twitter et a invité ses coreligionnaires à faire de même.

D’autres restrictions sont imposées aux moines. Interdiction leur est faite de sortir de leurs monastères sans raison valable, d’apparaître dans les médias sans motif valable et sans l’accord de leurs supérieurs, de s’impliquer dans des activités financières, de recevoir des donations personnelles de la part des fidèles. Ces derniers comme les pèlerins seront d’ailleurs assujettis à une plus stricte règlementation de l’accès aux monastères. Aussi, pour garantir les règles monastiques, les fidèles n’auront pas le droit d’assister à l’ordination des moines.

Les monastères coptes orthodoxes sont disséminés partout en Egypte, mais ceux situés dans des zones désertiques isolées, comme Saint-Macaire, ont traditionnellement joui d’un statut prestigieux, car ils ont ravivé les traditions ascétiques du monachisme primitif au siècle dernier. Ils attirent désormais des diplômés universitaires et des professionnels qui leur ont redonné vie et, dans certains cas, les ont transformés en exploitations agricoles et laitières, leur conférant une indépendance financière.

« Le recours à ces mesures obéit quoi qu’il en soit à une volonté manifeste d’accroitre le contrôle du patriarcat sur les monastères, nombreux et florissants en Egypte, et de préserver la règle de vie monastique, mise à mal depuis un certain temps par certaines dérives », explique Vatican News. Le média expliquant également que « la grande attractivité qu’exercent ces monastères auprès des fidèles aurait ainsi altéré la dimension érémitique intrinsèque au monachisme et affecté la vie spirituelle des moines. »

Divisions au sein de l’Eglise copte orthodoxe

Aussi, pour certains observateurs, ces nouvelles mesures prises par la tête de l’Eglise copte orthodoxe laissent penser à l’existence de divisions au sein de l’Eglise qui pourraient être à l’origine du meurtre de l’évêque Epiphanius. Nul mot n’a été, cependant, tenu en ce sens par les autorités ecclésiastiques.

Mais le journal La Croix rapporte l’analyse du père Rafic Greiche, curé de la paroisse melkite Saint-Cyril d’Héliopolis, au Caire, et par ailleurs responsable de l’hebdomadaire catholique Le Messager. Selon lui, « il existe aujourd’hui deux clans au sein de l’Eglise copte-orthodoxe : ceux qui soutiennent le pape Tawadros II, prônant une ligne légèrement plus moderne que par le passé, et ceux, plus conservateurs, qui défendent toujours son prédécesseur, le pape Chenouda III. » D’après lui, l’évêque décédé Epiphanius, était réputé proche de la vision réformatrice, œcuménique (notamment avec les catholiques) et interreligieuse du pape Tawadros. « Son décès est peut-être l’occasion d’essayer de faire taire ceux qui critiquent depuis longtemps les décisions du pape Tawadros II sur les réseaux sociaux ou sur leurs propres sites Internet », poursuit le père Greiche. Selon plusieurs informations concordantes, l’un des moines meurtriers était depuis février dernier en conflit avec le père abbé du monastère Saint-Macaire. Son comportement « en désaccord avec les principes du monachisme » lui avait d’ailleurs valu d’être renvoyé des ordres. Une décision approuvée par Tawadros II le 5 août dernier mais à l’époque sans lien direct avec le meurtre. Il lui avait été demandé de se repentir pour le salut de son âme en même temps que fut adressé à tous les moines « l’invitation à préserver la pureté de la vie monastique », avait rapporté l’agence Fides.

Quoi qu’il en soit, durant son homélie hebdomadaire donné mercredi 8 août, Tawadros II – a indiqué l’agence de presse – « a eu des paroles de gratitude envers la réalité du monachisme copte ». Il s’est dit confiant dans le fait que les communautés monastiques demeureront dans les déserts égyptiens « jusqu’à la fin du monde » et qu’elles continueront à offrir aux générations futures les richesses de leurs dons spirituels, qui ne peuvent être gaspillés par les faiblesses, les erreurs, les péchés et les crimes de personnes particulières.

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