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Syrie: un second souffle pour le musée bombardé d’Idleb

Christophe Lafontaine
20 août 2018
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Le 13 août 2018, le musée d’Idleb en Syrie a rouvert au public deux de ses salles. Un message pour l'Unesco, afin qu'elle assume son rôle vis-à-vis des sites archéologiques d'Idleb, selon un responsable des dits sites.


Des mosaïques, des statues, des chapiteaux de colonnes, des amphores, des lampes à huiles, et autres poteries en argile. Voilà les quelques collections – pour la plupart remontant à l’Antiquité et qui ont pu être sauvées – à nouveau présentées aux yeux du public depuis lundi dernier au musée archéologique d’Idleb au nord-ouest de la Syrie (situé à 60 kilomètres au sud d’Alep), qui fut bombardé par des raids aériens durant la guerre civile du pays en avril 2015.

Comme l’a rapporté l’Agence France Presse, ce musée qui fêtera ses 40 ans l’an prochain, reprend vie et a finalement rouvert après cinq années de fermeture. Essuyant la rage du conflit syrien toujours en cours avec son lot de destruction, de vols et de sabotages. Et ce notamment dans la région d’Idleb, « dominée par le groupe jihadiste Hayat Tahrir al-Cham », précise l’AFP. Ainsi que par quelques groupes de rebelles.

Pour l’heure, la réouverture est encore partielle. Du musée initial à deux étages, seules deux salles d’exposition sont accessibles aux visiteurs. Mais le responsable des sites archéologiques d’Idleb, Ayman al-Nabo veut voir grand et n’hésite pas dans une vidéo de l’AFP à rêver à voix haute : « Le but de cette ouverture est d’être un centre de recherches et d’études scientifiques pour les personnes intéressées par l’histoire et l’archéologie. » L’équipe du musée veut par ailleurs « organiser des visites pour toute la génération d’étudiants qui n’ont pas pu visiter des sites archéologiques à cause de la guerre, des destructions et de la peur », souligne-t-il.

Si cet univers muséal prend un second souffle, il le doit avant tout à une équipe locale d’académiciens et d’archéologues. « Nous avons mené des travaux de restauration et d’entretien dans le musée d’Idleb pour lui redonner vie », affirme à l’agence de presse française, le responsable des sites archéologiques de la ville.

Le gouvernorat d’Idleb est réputé pour être riche en musées et sites archéologiques remontant à l’Antiquité. L’importance historique d’Idleb est attestée notamment par la présence de nombreux tells. La province compte en effet plus de 190 collines artificielles formées par les ruines supposées d’habitats qui se sont succédées pendant des millénaires dont la puissante cité-Etat d’Ebla (IIIe et IIe millénaire av. J.-C.). Avant la guerre, le musée regroupait des objets déterrés lors des fouilles réalisées à Ebla (à 36 km au sud-est d’Idleb), érigée au temps d’un des plus anciens royaumes de Syrie à l’époque du Bronze. Le site dont les ruines découvertes en 1964 se trouvent à l’emplacement du site archéologique de Tell Mardikh qui s’étend au milieu de collines sur une soixantaine d’hectares. Une superficie identique à celle d’Ur en Babylonie et peut-être même à celle d’Assur en Assyrie.

La place est notamment connue pour ses quelque 15 000 tablettes d’argile cunéiformes gravées en sumérien et en éblaïte, le dialecte local datant de 2 400 à 2 300 avant J.-C. qui témoignent de l’invention du premier alphabet. Leur découverte spectaculaire en 1975 a largement contribué à la connaissance de l’histoire orientale et notamment de la Syrie antique. Il s’agit de textes administratifs, économiques, historiques, religieux et juridiques.

Espoir, renaissance, appel

Dans le musée d’avant le conflit, on pouvait voir la reconstitution de la salle des archives d’un des palais royaux d’Ebla (considérée comme la première bibliothèque de l’Histoire) ainsi qu’une coupe égyptienne au nom du pharaon Chephren. Durant les premières années du conflit, la cité antique d’Ebla a subi de nombreux pillages et a été très endommagée par les combats entre les forces rebelles et le régime. En 2011, les fouilles sur le site ont été stoppées.

Il faut assurément voir dans la réouverture de ce musée non seulement un signe d’espoir et de renaissance, mais aussi un message adressé « au monde entier » a déclaré Ayman al-Nabo. Un appel surtout à l’endroit de l’Unesco pour que l’institution des Nations unies « assume son rôle vis-à-vis des sites archéologiques » d’Idleb, a insisté le responsable des sites archéologiques de la ville.

A noter par ailleurs que six sites du pays sont inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco : l’Ancienne ville d’Alep,  l’Ancienne ville de Damas, l’Ancienne ville de Bosra, le Crac des Chevaliers et Qal’at Salah El-Din, le Site de Palmyre et les Villages antiques du Nord de la Syrie.

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