Actualité et archéologie du Moyen-Orient et du monde de la Bible

Comment Israël a réagi à la fusillade de Pittsburgh

Christophe Lafontaine
31 octobre 2018
email whatsapp whatsapp facebook twitter version imprimable

L’attaque de Pittsburgh qui a tué 11 juifs conservateurs a été condamnée à l’unanimité en Israël mais a ravivé les tensions entre l’Etat hébreu etles juifs des Etats-Unis.


Des rassemblements à la bougie, des chants et des prières à Jérusalem et à Tel Aviv. Dans cette ville qui ne dort jamais, l’hôtel de ville était illuminé samedi soir dernier aux couleurs des Etats-Unis. Sur les remparts de la vieille ville de Jérusalem, les drapeaux israélien et américain ont été projetés dimanche avec le slogan écrit en anglais « nous sommes avec vous, Pittsburgh ». Ce même jour, le Conseil des ministres a observé une minute de silence.

Autant de signes de solidarité avec la communauté juive de Pittsburgh endeuillée après la fusillade du 27 octobre qui a fait 11 victimes dans la synagogue « Tree of Life » (Arbre de vie) de cette ville de Pennsylvanie, lors des prières du Shabbat. Selon l’Anti-Defamation League (ADL), il s’agit de la pire attaque antisémite de toute l’histoire américaine.

Naftali Bennett, le ministre israélien des Affaires de la diaspora (concernant les juifs qui vivent hors de l’Etat hébreu), s’est immédiatement rendu sur les lieux du drame pour présenter à la communauté juive locale les condoléances du peuple israélien – « nos cœurs sont avec nos frères et sœurs » – et pour assister aux funérailles des victimes qui ont commencé mardi 30 octobre.

Mais cette unité dans la douleur aussi sincère soit-elle n’aura pas suffi à masquer les profondes divergences entre les juifs américains et Israël. Un terrible rappel à la réalité quelques jours après la grande Assemblée Générale des Fédérations juives d’Amérique du Nord qui s’est tenue fin octobre, à Tel Aviv qui avait pour fil rouge le slogan « Nous devons parler ». Une exhortation, on ne peut plus claire pour tenter de resserrer les liens entre les juifs d’Israël et de l’étranger.

Il faut savoir que la fusillade de Pittsburgh a eu lieu dans une synagogue où se rassemblent des juifs dits conservateurs (ou massortis). Ils représentent 18% des juifs américains. Or les mouvements conservateurs comme d’ailleurs celui des réformés ont une approche moderniste du judaïsme. Par exemple, les femmes ont une place égalitaire et peuvent accéder au rabbinat. Cette branche n’est pas reconnue par les juifs orthodoxes, qui gèrent les affaires religieuses en Israël. La moitié des juifs vivant aux Etats-Unis appartiennent à des mouvements non-orthodoxes (contre 8% des juifs israéliens). Ce qui créé un fossé d’incompréhensions mutuelles de plus en plus grand. Qu’il s’agisse des conversions, des mariages mixtes, des discussions sur l’espace de prière mixte au Mur Occidental, de la question palestinienne ou des rapports avec l’Etat hébreu. 

Appel à la reconnaissancedes différentes branches du judaïsme

Si le grand-rabbin ashkénaze d’Israël a bien sûr condamné dimanche l’attentat antisémite aux Etats-Unis, il s’est refusé de désigner le lieu de culte de Pittsburg comme une « synagogue » préférant le définir comme « un lieu à caractère juif marqué. » Reconnaissant avoir « un profond désaccord idéologique avec eux (ndlr : les conservateurs). » En réponse, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a rétorqué lundi que « des juifs ont été tués dans une synagogue. Ils ont été tués parce qu’ils sont Juifs. Le lieu a été choisi parce que c’est une synagogue. Nous ne devons jamais l’oublier.»

Plusieurs figures de la vie politique israélienne sont allées plus loin que le chef du gouvernement en appelant à la reconnaissance – en Israël – des courants réformés et conservateurs du judaïsme. Le vice-ministre des Affaires étrangères Michael Orena a par exemple écrit avec ironie sur Twitter que « les Juifs libéraux étaient suffisamment juifs pour être assassinés mais leur courant n’est pas suffisamment juif pour être reconnu par l’Etat d’Israël » C’est pourquoi il a appelé Naftali Bennett, le ministre en charge des Affaires de la diaspora à « ne pas se contenter de condoléances mais à reconnaître les courants libéraux et à créer l’union » entre les différents mouvements du judaïsme.  Même son de cloche du côté du président de l’Union sioniste (centre-gauche) Avi Gabbay et Yaïr Lapid, le chef du parti d’opposition centriste et laïc, Yesh Atid (Il y a un futur). « Les meurtres terribles à Pittsburgh sont un rappel en direction de tous ceux qui disent que les juifs massorti et réformés ne sont pas de vrais juifs », a soutenu ce dernier dans une déclaration samedi soir « Nous ne pouvons pas ramener les morts, a-t-il déclaré,mais nous avons le devoir de réparer notre relation avec les vivants ». Exhortant le gouvernement pour premier acte concret à dégeler l’accord de compromis portant sur l’élargissement de la plate-forme de prière pluraliste au mur Occidental.

 

Sur le même sujet

 

Du défi de combler le fossé entre Israël et la diaspora – 26 octobre 2018

 

Remous en Israël autour d’une « liste noire » de rabbins – 13 juillet 2017

Le numéro en cours

La Newsletter

Abonnez-vous à la newsletter hebdomadaire

Cliquez ici
Les plus lus